· 

Chers grands médias, les cheminots n’ont pas besoin de votre permission pour continuer la grève

 

Par Thomas GUENOLE, Coresponsable de l’école de la France insoumise, politologue et essayiste .20/06/2018 07:00

 

Les assemblées générales des cheminots ne désemplissent pas: un peu partout en France, c'est le signe clair qu'ils entendent continuer le combat.

 

 

C'était à Pont-L'Abbé (Finistère), samedi dernier. Une projection du film "The Navigators" de Ken Loach avait lieu pour alimenter une caisse de grève au profit des cheminots de Quimper. Pendant ce temps, au niveau national, la quasi-totalité des éditorialistes des médias mainstream répétaient en boucle que, la loi ferroviaire étant votée, il était temps pour les cheminots d'arrêter la grève et de rentrer dans le rang.

 

Chers grands médias: ne vous déplaise, les cheminots n'ont pas besoin de votre permission pour continuer la lutte.

 

Vos éditorialistes auraient d'ailleurs été bien inspirés de venir voir –ou revoir– "The Navigators" ce jour-là. Le film expose, au travers de la comédie humaine du sort d'une petite équipe de cheminots, la casse méthodique du service public et la casse humaine qu'entraîna une réforme largement semblable à celle portée par l'actuel gouvernement.

 

« La sécurité du rail et celle des cheminots baissent dangereusement, parce que respecter strictement les règles de prudence fait baisser la rentabilité. »

 

Tout est là, scène après scène. Le monopole public est démembré en une poignée de grands monopoles privés, chacun pouvant donc traire sans concurrence les passagers dans son vaste fief. Le statut des cheminots meurt asphyxié, en donnant aux employés "le choix" de rester à la SNCF avec des salaires qui stagnent, ou de partir dans le privé avec des salaires plus élevés –mais en contrepartie de cadences inhumaines et de la chute de leurs droits sociaux. Le trafic ferroviaire est désorganisé, puisque à l'exploitant public unique succède une pagaille d'exploitants privés. Les salariés sont précarisés par le chantage permanent au licenciement et par le recours massif aux sous-traitants, qui permet aux grandes firmes de se défausser sur ces derniers des pires pressions sur la main-d'œuvre. La sécurité du rail et celle des cheminots baissent dangereusement, parce que respecter strictement les règles de prudence fait baisser la rentabilité. Accidents et morts s'accumulent.

 

Vos éditorialistes, mais aussi vos journalistes qui paraphrasent l'argumentation gouvernementale en guise d'information, auraient aussi gagné à venir écouter ce que Gabriel André et Yvon Coat, syndicalistes de la CGT Cheminots de Quimper présents à la projection, avaient à dire. Ils auraient ainsi appris, par exemple, ceci: après avoir participé (minoritairement) à la construction de la nouvelle ligne Tours-Bordeaux, le secteur privé –notamment Vinci– a obtenu que les trains de la SNCF y paient un péage démesuré. Et qu'il y ait au moins 33,5 allers-retours par jour même si plusieurs trains sont quasi-vides! Cette ligne va donc donner à la SNCF des clients supplémentaires... mais aggraver son déficit. Tel est le genre de montage absurde, kafkaïen, avec des trains vides payant des péages exorbitants, qu'on nous vend comme une "modernisation" nécessaire.

 

« Partout où une réforme de démembrement du monopole public ferroviaire est faite au profit du privé, les mêmes conséquences néfastes surgissent, aussi bien en Allemagne qu'au Japon. »

 

Ils auraient aussi appris, plus simplement, que partout où une réforme de démembrement du monopole public ferroviaire est faite au profit du privé, les mêmes conséquences néfastes surgissent. Par exemple, aussi bien en Allemagne qu'au Japon, on observe la hausse des accidents, un matériel de plus en plus vétuste, et l'abandon des petites lignes.

 

Enfin, vos éditorialistes et vos journalistes auraient appris à la source que, malgré leur matraquage permanent sur "l'essoufflement" de la grève et sur "la division" des syndicats, la mobilisation continue. A cela deux raisons simples. La première, c'est que la loi adoptée n'est qu'un cadre général: qu'il s'agisse du contenu de la convention collective des cheminots, de l'avenir des droits à la retraite, du sort des gares, ou encore du sort du matériel roulant, rien de tout cela n'est encore traité. La deuxième, c'est que les assemblées générales des cheminots ne désemplissent pas: un peu partout en France, c'est le signe clair qu'ils entendent continuer le combat.Chers grands médias: à voir vos Unes, vos éditoriaux et vos papiers, de toute évidence cela vous déplaît. Mais bis repetita: pour continuer à défendre, par la lutte, leurs droits et la qualité du transport ferroviaire, les cheminots n'ont pas besoin de votre permission.

 

Thomas GUENOLE

 

 

Source :https://www.huffingtonpost.fr/thomas-guenole/chers-grands-medias-les-cheminots-n-ont-pas-besoin-de-votre-permission-pour-continuer-la-greve_a_23462747/

 

 

 

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0