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L’Allemande Sahra Wagenknecht lance un nouveau mouvement, inspiré des Insoumis

Annoncé depuis quelques mois, le mouvement allemand de gauche contestataire Aufstehen (« Se lever ») voit le jour ce samedi 4 août avec la mise en ligne d’un site Internet tout neuf, où tout un chacun peut s’inscrire pour devenir membre. À sa tête : Sahra Wagenknecht, coprésidente au Bundestag du groupe Die Linke, la cinquième force de l’hémicycle.

Avec ses 69 députés, le groupe parlementaire de la gauche radicale allemande s’est retrouvé en bien mauvaise posture à l’issue des élections législatives de septembre 2017, arrivant derrière les conservateurs de la CDU/CSU, les sociaux-démocrates du SPD, l’extrême droite de l’AfD et les libéraux du FDP. Avec ce nouveau mouvement, Sahra Wagenknecht espère faire revenir les électeurs traditionnels de la gauche qui ont basculé vers l’abstention ou l’extrême droite.

Née en 1969, ayant grandi de l’autre côté du rideau de fer, cette économiste de formation incarnait depuis longtemps la frange la plus radicale de Die Linke. Le mouvement qu’elle lance est toutefois indépendant du parti et n’est pas destiné, selon elle, à lui faire concurrence. Dans le sillage de Aufstehen, on retrouve d’ailleurs des figures du SPD. C’est un mouvement qui veut dépasser la logique des partis traditionnels. « L’objectif du mouvement est de faire pression sur les partis pour les obliger, le SPD en premier lieu, à faire une politique plus sociale », expliquait-elle dans l’entretien qu’elle avait donné à Mediapart à ce sujet, en mai dernier.

Sahra Wagenknecht, au Bundestag, en avril 2017. © Reuters Sahra Wagenknecht, au Bundestag, en avril 2017. © Reuters

D’après Der Spiegel, on y trouve également des personnalités issues des domaines de la culture et de la recherche, comme le metteur en scène de théâtre Bernd Stegemann ou encore l’économiste Wolfgang Streeck. Autre soutien, plus politique celui-là : la figure écologique de premier plan Antje Vollmer, ancienne vice-présidente du Bundestag, rapporte Der Tagesspiegel.

Pourquoi créer un tel mouvement aujourd’hui ? « Nous voulons promouvoir les valeurs d’un État plus social, des salaires plus élevés et plus justes, une politique étrangère européenne autonome, une politique de désarmement, etc. », expliquait Sahra Wagenknecht à Mediapart. Sur les retraites, précisait-elle, il s’agit de « créer un nouveau système d’assurance où tout le monde cotiserait, du fonctionnaire jusqu’à l’indépendant, et pas seulement le salarié comme aujourd’hui ».

Plus généralement, la députée entend défendre un programme « où l’État protège les gens d’un capitalisme débridé, d’une mondialisation pilotée par les multinationales et d’une concurrence aiguisée par le dumping social » : « Nous voulons rebâtir un État qui fasse une politique active pour la moitié la moins favorisée de la population et pour ceux qui sont les perdants de la donne actuelle. »

Sahra Wagenknecht ne s’en cache pas: elle prend pour modèle la transition effectuée par Jean-Luc Mélenchon du Parti de gauche (PG) vers La France insoumise (FI). « Ce que Jean-Luc Mélenchon et ses amis ont déjà atteint est tout à fait impressionnant, assurait-elle en mai à notre correspondant à Berlin. Notre parti a toujours eu des positions communes avec celles de FI. Mais FI parvient à atteindre un électorat beaucoup plus important que le nôtre. Nous voulons faire la même chose. »

Avec la création de ce mouvement, la députée allemande met sur la table une bataille interne qui l’oppose entre autres à Kaja Kipping, la coprésidente de Die Linke (que Mediapart avait également rencontrée, en 2016), laquelle s’est rapprochée de la mouvance initiée par l’ancien ministre grec des finances Yanis Varoufakis, le DiEM25. Wagenknecht, elle, prend ses distances avec ce rassemblement partisan d'un fédéralisme européen plus poussé pour résoudre les crises du continent. « Je suis favorable à une Europe qui réunisse des démocraties souveraines », clarifiait-elle à ce sujet dans l’entretien donné à Mediapart.

Autres points de discorde, sur lesquels Sahra Wagenknecht apporte des précisions : la politique d’accueil des réfugiés menée par Angela Merkel en 2015, sur laquelle elle se montre critique, au risque de se fâcher avec une partie de l’électorat de Die Linke ; et la zone euro, au sujet de laquelle elle rejoint Jean-Luc Mélenchon. (« Il faut se tenir prêt à mettre en place un nouveau système qui permette une dévaluation des monnaies, pour offrir davantage de souplesse », nous disait-elle en mai).

Pour autant, Die Linke ne semble pas prendre ombrage de l’initiative de la députée. « L’initiative est dirigée vers les sympathisants déçus des autres partis, a ainsi déclaré Bernd Riexinger, le coprésident du parti, vendredi. Je ne crois pas que l’initiative aura des conséquences substantielles sur Die Linke. » De son côté, Dietmar Bartsch, qui assure avec Sahra Wagenknecht la coprésidence du groupe parlementaire et s’était montré sceptique vis-à-vis de son projet, a finalement exprimé son assentiment. « Il existe une culture combattive de droite, a-t-il dit au Spiegel. Peut-être qu’il y a là une chance de renforcer la gauche politique dans son ensemble, et de retrouver des majorités parlementaires. »

Une campagne est prévue en septembre pour accompagner le démarrage du mouvement.

 

 

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Source: médiapart

Catégories: Allemagne, Union européenne, Insoumission, Gauche radicale

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