· 

Documentaire sonore L’identité en transit passe par France Culture

 

« Ne me demandez pas de raconter ma transition », imploraient la plupart des transgenres contactés par Perrine Kervran pour témoigner dans LSD, la série documentaire en quatre épisodes qui leur est consacrée sur France Culture. « Tous étaient échaudés, avec la sensation de s’être fait exploiter par les médias focalisés sur la transformation de leur corps », rapporte la productrice. Elle a donc choisi d’orienter son ­enquête non plus sur leur quotidien intime mais sur l’Histoire des transgenres stigmatisés par la société à travers les époques. Elle découvre alors que les récits à sensation multipliés dans la presse occultent la transphobie. Avec une problématique centrale méconnue, comment la médecine en France a mis la main sur les trans, les désignant comme malades mentaux et les contraignant – sous couvert de psychiatrie – à subir des mesures eugénistes. Ainsi jusqu’en 2016 toute personne souhaitant changer de sexe à l’état civil devait obligatoirement avoir subi une opération de réassignation génitale irréversible, soit une stérilisation.

Etat des lieux de la militance

Mais en démarrant ses recherches, Perrine Kervran se heurte à un nouveau problème : elle constate qu’il n’existe aucun texte universitaire sur les mouvements trans. « Alors je me suis tournée directement vers les ­acteurs et les témoins des différentes ­générations, poursuit-elle. J’ai dû rencontrer longuement chaque personne avant les interviews pour gagner leur confiance, ce que je ne fais jamais lors de mes reportages. » A partir de là, elle retrace l’histoire de la transidentité – distincte de celle des LGB (lesbiennes, gays, bisexuels) – à travers leurs témoignages d’une force peu commune et des archives édifiantes : les premières opérations du sexologue Magnus Hirschfeld dans le Berlin des années 1930, le cabaret du Carrousel, à Paris, qui a permis à de nombreux trans de vivre sans se cacher après-guerre ; les mobilisations activistes en 1968, les groupes radicaux dans les années 1970, dont le Fhar (Front homosexuel d’action révolutionnaire), sans oublier les coups d’éclat aussi glamour que provocateurs des androgynes Gazoline, la multiplications des associations diverses inspirées d’Act up, les marches Existrans. Elle dresse aussi un état des lieux de la militance aujourd’hui portée par les revendications contre la ­Sofect (Société française d’études et de prise en charge de la transidentité), qui veut garder le contrôle sur les parcours transidentitaires. Le tout est enrobé par le mixage remarquable d’Annabelle Brouard. La réalisatrice a utilisé exclusivement des créations de musiciens transgenres ou d’artistes intéressés par les questions du genre pour accompagner ces récits poignants, ceux d’une quête identitaire en marche.

Écrire commentaire

Commentaires: 0