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Etienne Chouard mange-t-il les petits enfants ?

Je n’étais pas chaud pour que l’on lance le débat sur la création d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC). Je le pense inutile. Le moment n’est pas constituant, il est celui de la défaite politique frontale à infliger au bloc bourgeois unifié l’année dernière autour du coup d’État de Macron.Tout répit donné à ce pouvoir lui permet de poursuivre l’accomplissement de sa feuille de route. Destruction de l’État providence français. Alors détruisons les destructeurs, en imposant l’ECHEC de la solution Macron inventée comme dernière chance par l’oligarchie et la haute fonction publique d’État. C’est un préalable. On fera tous les référendums que vous voudrez après.

Le problème étonnant est que le débat débouche sur le lynchage en grand d’un de ses promoteurs. Mathieu Morel nous donne son avis sur le délire qui vient de s’emparer de la presse et des réseaux. Pourquoi Étienne Chouard est-il ainsi diabolisé ? En fait, la question est simple, beaucoup de ceux qui se piquent d’avoir la fibre sociale et de ne vouloir que du bien au peuple français, mais dès lors que celui-ci reste bien tranquille, ont été terriblement gênés par sa soudaine insurrection. C’est que l’on veut bien être de « gauche », mais à condition de dire aux prolos ce qu’ils doivent faire. Et puis de garder son âme suffisamment propre pour ne pas encourir les critiques des professeurs de vertu de la « gauche du capital ». Il était quand même difficile de suivre la presse de pouvoir et ses petits valets sur les accusations délirantes lancées contre les « gilets jaunes », traités de populistes, xénophobes, fascistes, nazis, et évidemment antisémites. Alors, on se jette sur le prétexte qui va permettre de prendre des pincettes : Pierre a parlé à Paul qui a parlé à Jacques qui a croisé Marcel, dont la cousine connaît Alain qui lui-même a croisé un drôle de méchant il y a 15 ans. Je ne connaissais Étienne Chouard que de nom avant qu’il me demande en ami il y a quelques semaines sur Facebook. Ce que l’algorithme m’a donné à lire depuis ne m’a pas choqué. Mais je pense que ce n’est pas le débat, l’objectif de tout ce tapage n’est destiné qu’à provoquer une diversion, dont le pouvoir a bien besoin.

Régis de Castelnau

 

 

Etienne Chouard mange-t-il les petits enfants ?

 

Ce fameux RIC, qui fait frémir tous les démocrates brevetés du « cercle de la raison », a vu ressurgir la figure d’Etienne Chouard. Sans surprise, une presse indépendante (et subventionnée) – opportunément abondée, une fis de plus, par un « antifascisme » que je n’aurais décidément pas aimé devoir croiser dans les années 40 – se précipite dans les poubelles afin d’y trouver de quoi se mettre sous la dent. Et avec un client pareil, il n’était pas difficile de prévoir qu’elle ne serait pas déçue.

Etienne Chouard s’est fait connaître en 2005, en livrant un travail assez prodigieux sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe dont il a décortiqué les articles sur son blog pour alerter sur ce dont nous sommes précisément en train de crever grâce au Traité de Lisbonne qui en est la copie à peu près conforme, au détail près que nos sages élites n’ont pas eu l’imprudence, 3 ans après le « non » tonitruant de 2005, de demander aux Français leur avis puisqu’elles le connaissaient. La corrélation est assez amusante pour mériter d’être rappelée : 2005 reste une plaie béante qui ne se refermera pas par de belles paroles ou de lénifiants slogans. Déjà, d’ailleurs, les opposants à ce Traité – de même que ceux qui, 13 ans plus tôt, s’étaient opposés à celui de Maastricht – se voyaient systématiquement rangés par la même presse à l’extrême-droite : au pire comme agents masqués, au mieux comme idiots utiles.

De son propre aveu, il a vécu 2005 comme un « éveil politique » et, à la suite du succès – provisoire – du « non » à ce référendum, a continué ses pérégrinations avec, de mon point de vue, un entêtement et une ingénuité aussi louables qu’agaçants et imprudents, voire franchement casse-gueule. Comme un explorateur qui vient de découvrir que la réalité dans laquelle il vivait n’est qu’un décor, il a fureté un peu partout derrière ce théâtre d’ombres. Dans ce genre de démarche guidée par une curiosité vorace et la remise en question d’à peu près tout, je sais, d’expérience, qu’on ne met jamais bien longtemps à découvrir la multitude de groupes, de mouvances, d’idéologues, d’hurluberlus, de fanatiques qui existent « en-dehors du système », et où se croisent le pire comme le meilleur.

Pour ledit « système », toutes ces dissidences plus ou moins folkloriques ne présentent pas un grand danger – peut-être même quelques avantages – dès lors que s’y trouvent quelques opportuns croquemitaines auxquels il pourra, en cas de besoin, amalgamer tous les autres de la même manière qu’il sait – jusqu’à présent du moins – pouvoir compter sur l’existence de l’épicerie Front National pour gagner des élections de plus en plus laborieuses.

Au cours de son cheminement, Chouard a fait sien un principe : si l’on se prétend démocrate, alors on doit pouvoir parler avec tout le monde, y compris n’importe qui. On peut trouver ça naïf (c’est mon cas) mais lorsqu’on constate que la « démocratie » est devenue le cercle fermé, de plus en plus restreint, d’une caste qui octroie seule les brevets de respectabilité et les anathèmes, la question ne manque pas forcément de pertinence. Pourquoi, sinon, ne pas rétablir officiellement un « suffrage censitaire », réservé au « cercle de la raison » ? Ça aurait au moins le mérite d’une certaine cohérence mais assumer sa propre hypocrisie n’est jamais facile, ni très agréable.

Sur le principe, donc, il n’a pas forcément tort : la démocratie se fait bel et bien avec tout le monde. Pourtant, s’il n’y a rien de répréhensible en soi, ne serait-ce que pour sa culture personnelle ou pour « prendre un pouls », à aller prendre connaissance de ce qui se raconte chez les uns ou chez les autres, y compris chez des Soral ou d’autres sbires du même marigot, la prudence la plus élémentaire devrait commander de ne PAS fricoter à l’aveuglette avec n’importe qui. Il en est – et Soral est de ceux-là – avec lesquels on ne fricote pas. Tout court. Sauf à vouloir se retrouver à coup sûr englué dans son sillage, qu’on le veuille ou non, et assuré d’en ressortir marqué au fer rouge – si toutefois on a la chance d’en ressortir. L’erreur désastreuse, la faute navrante de Chouard est d’avoir complètement manqué de discernement au sujet de ce zozo-là. Par une naïveté têtue, par une critiquable inconséquence, par un idéalisme ingénu que ses propres amis lui ont d’ailleurs reproché à juste titre. Erreur qu’il a reconnue par la suite mais… trop tard et de façon trop alambiquée pour un monde amateur de slogans et de raisonnements simples, faciles à mettre dans des cases.

Bref… il a fait le con. Et en beauté ! Il n’est ni le seul ni, sûrement, le dernier mais il y est allé en fanfare.

Or lorsqu’on a l’ambition de faire de l’éducation populaire, lorsqu’on prétend vouloir s’adresser au grand nombre, faire ainsi le con se paie très cher, et très longtemps. On ne se compromet pas avec ce genre d’individu. Simplement parce que ça ne sert strictement à rien. Parce que si on ne sait pas ce qu’on pourra peut-être y gagner, on sait en revanche que ce qu’on y perdra à coup sûr est bien trop précieux. C’est pourtant un écueil d’autant plus facile à éviter que n’importe quel curieux qui souhaite savoir par ses propres moyens ce que pense un Soral de tel ou tel sujet constatera que ses monologues et diverses logorrhées pullulent un peu partout et qu’il suffit de quelques clics pour en prendre connaissance sans trop se salir… et comprendre rapidement qu’on s’est donné beaucoup de mal pour quelques franches nausées et pas grand-chose d’utile.

Je ne suis ni pro-Chouard, ni anti-Chouard. Ses marottes m’agacent souvent, ses maladresses m’exaspèrent et je ne saurais même pas dire si je suis d’accord avec ses travaux puisque j’ai cessé de les suivre depuis longtemps. Ce qui me semble sûr en revanche, c’est qu’il fournit avec opiniâtreté et de bonne foi un travail sincère, aussi critiquable qu’estimable (qu’on le juge donc là-dessus !), et que pour le reste, il n’est jusqu’à preuve du contraire coupable que d’un entêtement inconséquent et d’une naïveté confondante. Fautes effectivement répréhensibles, que la bonne foi ne suffit peut-être pas à excuser totalement mais qui, si elles peuvent éventuellement motiver une certaine circonspection à son égard, ne justifient pas les procès pour « rouge-brunisme supputé » et autres chasses aux sorcières en meutes, surtout de la part de démocrates auto-certifiés, eux-mêmes prompts à pratiquer sur autrui l’amalgame douteux et approximatif sans jamais craindre l’accusation infâmante de « confusionnisme », braves zélés chiens de garde d’un ordre qui les entretient et qu’ils redoutent par-dessus tout de voir bousculé par des gueux surgis de nulle part.

Aux dernières nouvelles, il vient de demander à ses accusateurs de pouvoir se défendre publiquement, face à eux. La façon dont sa requête sera traitée – si toutefois elle l’est – sera peut-être éclairante.

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