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La Lettre de Macron aux Français est un chef-d'oeuvre d'entourloupes

La lettre aux Français de Macron est très longue. Sûrement pour espérer noyer ainsi sa vacuité. Macron aurait pu résumer son manque de respect du mouvement des Gilets Jaunes, et de la majorité du peuple qui les soutient dans leurs revendications légitimes de justice sociale et de justice fiscale, en un "je ne changerai rien (comme l'avais prévenu Bruno Le Maire son ministre de l'économie) mais je vais fastidieusement -sur cinq pages- faire semblant de m'intéresser à vous sans répondre à aucune de vos demandes".

Cette lettre aux Français est, en effet, un chef d'œuvre d'entourloupes, dont on peut faire les quelques commentaires qui suivent:

"Chez nous, un grand nombre de citoyens paie un impôt sur le revenu, parfois lourd, qui réduit les inégalités (...) et plus loin Mais l'impôt, lorsqu'il est trop élevé, prive notre économie des ressources qui pourraient utilement s'investir dans les entreprises, créant ainsi de l'emploi et de la croissance. Et il prive les travailleurs du fruit de leurs efforts. Nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour corriger cela afin d'encourager l'investissement et faire que le travail paie davantage". Impôt sujet central! Le président de la République fait semblant de ne pas connaître les travaux de l'économiste Thomas Piketty -pourtant mondialement connu et lu jusqu'à la Maison Blanche sous Barack Obama- qui a très bien montré que les plus riches ne payaient que très peu d'impôts grâce à l'optimisation fiscale, source première de l'injustice fiscale dénoncée par les Gilets Jaunes. Celle-ci a même été aggravée, ainsi que l'évasion fiscale, par Macron en supprimant l'ISF, en imposant une "flat tax" à 30% sur les dividendes et en supprimant même l'"exit tax" installée par... Nicolas Sarkozy. En réalité, la moitié de l'impôt est payé par tous les citoyens par la TVA et ensuite les classes moyennes, aisées ou pas, payent un lourd impôt sur le revenu. Les banksters et les très riches, eux, ne paient quasiment rien et dans cette lettre ils seront les seuls absolument rassurés par Macron puisqu'il déclare ne pas vouloir rétablir l'ISF, et qu'on comprend qu'il ne reviendra pas sur le CICE qui plombe nos finances publiques sans créer aucun des emplois promis.

La Lettre de Macron aux Français n'est que mépris et déni de responsabilité.

Et de poursuivre par, "Les aléas de la vie, comme le chômage, peuvent être surmontés, grâce à l'effort partagé par tous". Justement non! Comment se fait-il que le Président ne sache pas que presque dix millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, que le chiffre réel du chômage s'élève à plus de 18% et que près de 5 millions de citoyens sont mal logés? Et tout cela dans la cinquième puissance mondiale! Mais cela ne suffit pas à Macron qui en guise de cadeau de bonne année a promulgué un décret le 30 décembre durcissant les sanctions encourues par les chômeurs. Tout cela dans un pays où l'année 2018 aura été marquée par un record historique des dividendes versés aux détenteurs d'actions du CAC 40!

"C'est aussi l'impôt qui permet de régler les intérêts de la dette très importante que notre pays a contractée au fil du temps". La sempiternelle justification de la dette qui n'existe que parce que notre pays se soumet aux absurdes lubies néolibérales qui nous font emprunter avec intérêt sur les marchés financiers de l'argent qui leur a été prêté gratuitement par la Banque Centrale Européenne. Plutôt que de justifier l'inaction qui profite aux rentiers, un Président soucieux des intérêts de la Nation refuserait, lui, de rembourser une dette qui ne cesse de croître et qui justifie toutes les reculades sociales et toutes les destructions de services publics.

"Chez nous, l'éducation, la santé, la sécurité, la justice sont accessibles à tous indépendamment de la situation et de la fortune." C'est de moins en moins vrai, à cause de l'érosion de l'Etat imposée par une Union Européenne menée par des technocrates néolibéraux fanatiques que Macron chérit au point de vouloir transférer la souveraineté de la France à Bruxelles. Les salariés des maisons de retraite et des hôpitaux, comme bien des patients, savent combien cette assertion du Président est fausse-suffisamment d'établissements de soins en lutte le prouvent! Les ruraux et le France périurbaine voient les services publics s'éloigner de plus en plus! Chez nous, l'éducation, la santé, la sécurité, la justice devraient être accessibles à tous indépendamment de la situation et de la fortune, c'était notre idéal, celui du Conseil national de la résistance et celui de la République. Mais Macron, après ses prédécesseurs dont il continue l'action, détruit cet idéal. Un Président qui aurait compris ce qui se passe dans son pays, plutôt que d'interroger sur des "nouveautés"- et de facto sur les services publics à sacrifier-aurait initié un débat pour demander aux citoyens ce qu'ils souhaitent récupérer des services publics préalablement confisqués en termes de santé, de justice, de transport, d'éducation, de sécurité ou de solidarité.

"C'est pourquoi la France est, de toutes les nations, une des plus fraternelles et des plus égalitaires." Et elle est En Marche vers une société qui l'est de moins en moins en raison des réformes du Président des riches, comme s'échinent à lui expliquer les Gilets Jaunes depuis neuf semaines.

"Comment ne pas éprouver la fierté d'être Français?" Certes! Mais n'est-ce pas le Président Macron qui alternativement semble préférer le Danemark ou l'Allemagne et tous ses chers "luthériens" plutôt que les "gaulois rétifs aux réformes".

"La société que nous voulons est une société dans laquelle pour réussir on ne devrait pas avoir besoin de relations ou de fortune, mais d'effort et de travail." Sauf que Macron ne sait pas que "réussir", ce n'est pas être milliardaire -en oubliant que ce n'est qu'"à force d'effort et de travail" des autres qu'on devient milliardaire. Non, réussir, c'est vivre une vie d'homme utile aux autres, qui aime, se cultive, a du plaisir, et vit en paix et en harmonie avec ses semblables. Cet idéal est impossible dans la société de la concurrence généralisée que Macron veut mettre en place, où, justement, "les relations et la fortune" seront surdéterminantes une fois le socle égalitaire républicain détruit, et, où réussir se fera au prix du malheur de dix autres êtres humains.

"Si tout le monde agresse tout le monde, la société se défait!" Passage gratuit et de mépris envers les Gilets Jaunes alors que Macron et son gouvernement provoquent le peuple depuis neuf semaines, en ne punissant pas les exactions policières, en ne s'excusant pas face aux centaines de manifestants blessés, mais au contraire en voulant imposer une grotesque loi "anticasseurs" qui sera gravement attentatoire aux libertés fondamentales. Et ce, sans comprendre que la révolte populaire est légitime quand tout est permis au fort pour agresser socialement le faible. Après trente-cinq ans de violences sociales imposées par les politiques néolibérales et les dénis de démocratie, il est légitime que les faibles finissent par se défendre et se révolter. Le seul responsable des violences qui peuvent s'en suivre ne peut être, et comme cela l'a toujours été dans l'Histoire, que celui qui tient les rênes du pouvoir. Aujourd'hui Monsieur Macron, vous êtes le seul responsable des éventuelles violences comme l'était Monsieur Capet lors de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 ou des Tuileries le 10 août 1792.

"Et peut-être découvrirons-nous que nous pouvons tomber d'accord, majoritairement, au-delà de nos préférences, plus souvent qu'on ne le croit." Certes, mais contre votre idéal de société. Pour une République de nouveau souveraine, solidaire, juste et indépendante. Pas pour une France esclave des traités européens et des marchés et qui se saigne au profit des 1% les plus riches en leur offrant la quasi impunité fiscale au détriment des plus pauvres.

"Nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour corriger cela afin d'encourager l'investissement et faire que le travail paie davantage." Traduire: "Nous allons débattre, mais en fait, nous ne changerons rien". C'est donc l'évasion fiscale qui sera d'avantage favorisée et le travail précaire qui sera moins payé!

Il s'agit d'une opération de communication misérable qui ne sera d'aucune utilité face aux Gilets Jaunes et aux Français qui seront moins dupes qu'il ne le croit.

De même, sur la transition énergétique, Macron se demande "Comment faire partager ces choix à l'échelon européen et international pour que nos producteurs ne soient pas pénalisés par rapport à leurs concurrents étrangers?" C'est justement impossible en vertu des traités européens et de libre-échange, comme le CETA ou le JEFTA, imposés par l'UE et salués par Macron. Une seule solution pour satisfaire ce vœu pieux présidentiel: rompre les traités européens et de libre échange qui nous empêchent de réglementer sur notre propre sol et exclure les produits qui nuisent à l'environnement!

Sur l'immigration, rien n'est dit des travailleurs détachés (sûrement là encore par respect religieux pour l'UE), ni sur les solutions à apporter à l'impossibilité de reconduire efficacement à la frontière les déboutés du droit d'asile. Quant à la laïcité, Macron semble oublier qu'il en est le principal fossoyeur en se pliant au modèle communautariste et en voulant "rassurer" les diverses Eglises.

Le président a fait avec cette lettre mielleuse un exercice pour tenter de masquer, derrière son "projet productif" ses manies néolibérales arrogantes: baisser les impôts, réduire les services publics, diminuer les salaires et surtout ne rien changer à ce qui se fait depuis si longtemps sous l'impulsion de la volonté des banques et de Bruxelles et dont il n'est que l'ultime exécutant docile! Rien sur les responsabilités de l'Union Européenne, la Banque Centrale Européenne et la pression généralisée qu'elle exerce sur la zone euro, rien sur la question des salaires et des retraites, donc rien sur une évolution positive du niveau de vie. Bref, il s'agit d'une opération de communication misérable, qui ne convaincra que les convaincus et qui ne sera d'aucune utilité face aux Gilets Jaunes et aux Français qui seront moins dupes qu'il ne le croit face à cette Lettres aux Français en forme de coquille vide, et qui assurément restera dans l'Histoire comme celle d'un Président méprisant refusant de prendre ses responsabilités.

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