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Européennes : Glucksmann en tête, Faure en renfort

Place publique se jette dans le bain. Ce vendredi matin, le mouvement lancé cet automne par des personnalités de la société civile devrait annoncer ses ambitions : se présenter aux européennes. Et, selon nos informations, c’est Raphaël Glucksmann qui mènera la liste. Il formera un binôme avec la fondatrice de l’ONG Bloom Claire Nouvian pour mener la campagne – même si celle-ci ne figurera pas en haut de la liste. Tous seuls, comme des grands alors qu’ils répètent depuis des semaines que «non», ils ne souhaitent «pas ajouter de la confusion à la confusion en multipliant les listes» au milieu d’une gauche éclatée en mille morceaux ?

Pas tout à fait. Mardi, lors d’une réunion, ils ont trouvé un accord avec Olivier Faure : le premier secrétaire du PS est partant pour se ranger derrière eux. Il n’avait pas vraiment le choix. Le député est conscient que son parti ne vend plus du rêve depuis des lustres. Après avoir tenté de convaincre des visages connus, à l’image de Christiane Taubira ou Ségolène Royal, Olivier Faure n’a pas trouvé une tête de liste capable d’attirer les foules. En janvier lors de ses vœux à la presse, il a proposé deux possibilités : «Je me mets à disposition du rassemblement. Si nous pouvons rassembler derrière nous, nous en serons extrêmement heureux. Si la condition du rassemblement, c’est que ce soit X ou Y, nous sommes prêts à discuter de toutes les situations, hypothèses. Mais si le rassemblement échoue je ne me déroberai pas.» Comprendre : en cas d’échec dans les négociations, le premier secrétaire mènera la liste socialiste.

Une éventualité qui ne lui filait pas le sourire. Loin de là. Place publique est un cadeau de Noël tardif. Cependant, l’accord n’est pas encore officiel. Samedi, lors d’un conseil national qui s’annonce bouillant, Olivier Faure devra convaincre les têtes de son parti. Comme tous les sujets, la question divise le PS. Le premier secrétaire joue gros. Plusieurs socialistes craignent l’effacement du poing et la rose derrière des figures de la société civile. Parmi les craintifs, François Rebsamen et Stéphane Le Foll. «C’est terminé le temps où un parti hégémonique dominait à gauche, personne ne peut y arriver seul», répond le premier secrétaire.

«Œil du photographe»

Place publique guette les discussions au sein du PS à distance. Glucksmann sait que Faure joue «gros». Et il garde en mémoire la dernière présidentielle, avec un Benoît Hamon tiraillé entre les différents courants avant de plonger dans les urnes. Il préfère regarder devant. En privé, il confie aux sceptiques qu’il compte mener une campagne «dynamique, ouverte» à toute la gauche. Une main tendue aux écolos et à Génération·s. Mais les chances d’un rapprochement sont aussi improbables qu’une tempête de neige à Ouagadougou.

Malgré la situation chaotique à gauche, Glucksmann croit en ses pouvoirs, persuadé de réaliser un score qui fera mentir les sondages et les mauvaises langues. Au tout début du mois de novembre, lors de notre première rencontre, la petite bande était toute heureuse de poser sous l’œil du photographe. Ce jour-là, ils ne s’imaginaient pas un instant mener une liste avec le Parti socialiste. Glucksmann rêvait de rassembler toute la gauche. Il est tombé sur des têtes dures. Claire Nouvian, elle, lâchait : «Nous sommes réunis parce que c’est la merde politiquement.» La fondatrice de l’ONG Bloom expliquait également qu’elle ne souhaite pas être élue au Parlement. Ces derniers jours, ses copains lui ont mis la pression. Elle a fini par accepter avec l’assurance de ne pas occuper les premières places sur la liste.

Alors que Place publique est en ébullition et que la campagne se dessine, l’un des plus fidèles bras droit de Glucksmann reste à l’ombre. Thomas Porcher qui aime voir son nom écrit en gros et sa tête sur les écrans ne répond plus aux messages des journalistes. Il n’est pas fan de la stratégie. L’économiste qui envisageait sérieusement de devenir député européen ne sera pas sur la liste. Au sein du mouvement, on nous assure que Porcher, n’est pas «fâché» et que la petite bande des Powers Rangers est soudée comme au premier jour.

«Mon petit frère»

Jeudi, à l’heure du déjeuner, Olivier Faure était à table, entouré d’une poignée de journalistes. Le premier secrétaire a refusé de cracher le morceau. On a fait mine de ne pas savoir. Aucune déclaration officielle avant le conseil national de samedi. Seulement quelques indices. Au sujet de Glucksmann, il dit : «On se connaît depuis très peu de temps, la première fois, c’était au mois de septembre. Il est grand, beau et fort. C’est un peu mon petit frère.» Et sur la stratégie, il répète à plusieurs reprises : «Ma ligne a toujours été celle du rassemblement.» Faure sait que ses ennemis sont nombreux chez les socialistes. Mais il est convaincu d’obtenir la majorité, lors du vote de samedi, et filer les clés du camion à Place publique. «Dans un premier temps, nous annoncerons la tête de la liste et ensuite le reste et l’ordre des candidats», ajoute le premier secrétaire. L’exercice est périlleux et les places sont chères. Olivier Faure assure que tout se fera en bonne intelligence avec Place publique.

Au milieu des tractations en coulisses et du nouvel amour naissant entre le jeune mouvement et le vieux parti, Léa Salamé fait un pas en arrière (lire encadré). La journaliste de France Inter et France Télévisions partage sa vie dans le civil avec Glucksmann. En accord avec ses employeurs, elle va se mettre en retrait le temps de la campagne des européennes. Elle fera son retour en mai. Selon quelques personnes de son entourage Léa Salamé vit le moment avec philosophie : «Elle va profiter des trois mois pour faire autre chose, se reposer.» Entre ses nouveaux copains du PS, les débats à venir et les meetings, Raphaël Glucksmann vient, lui, de mettre un pied dans un nouveau monde.•

Rachid Laïreche
Source : Libération

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