En 2005, pendant trois semaines, des émeutes ont enflammé les banlieues parisiennes en réaction à la mort de deux adolescents fuyant la police. Des milliers de voitures ont été brûlées et des commerces saccagés. Longtemps ignorée des autorités, une frange de la population, essentiellement composée de familles pauvres et immigrées, laissait libre cours à sa colère. Pour mettre fin aux violences, le président de l’époque, Jacques Chirac, avait déclaré l’état d’urgence.

Voilà maintenant près de trois mois que les “gilets jaunes” manifestent chaque samedi dans toute la France. Bon nombre de ces rassemblements ont donné lieu à des violences – vitrines cassées, voitures brûlées, dégradations sur l’Arc de triomphe et déclarations antisémites. Ce qui a commencé comme un mouvement de protestation contre la hausse des taxes sur les carburants est devenu le symptôme d’une crise de la démocratie représentative. Une crise qui a poussé Emmanuel Macron à proposer des mesures et à lancer un grand débat national.

Mais alors que la mobilisation des “gilets jaunes” se poursuit, un sujet reste absent tant dans les revendications des manifestants que dans les débats : les banlieues. Cette absence en dit long sur la façon dont certains facteurs ayant conduit au vote du Brexit ou à l’élection de Donald Trump s’expriment dans l’Hexagone. Car ici aussi, on observe un enchevêtrement de fractures : entre citadins et ruraux, entre Blancs et minorités, entre riches et pauvres, entre ceux dont on écoute les doléances et ceux qui sont considérés comme une menace pour l’ordre public. Il n’est pas facile de démêler cet écheveau en France, où la loi interdit de réaliser un recensement démographique, ou ne serait-ce qu’un sondage, en fonction de la race ou de la religion. Entre les lignes pourtant, c’est bien de race – et de racisme – qu’il est aussi question ici.

Population non représentée

Les “gilets jaunes” sont un mouvement des classes moyennes et populaires, des catégories de population qui craignent de voir leur situation économique se détériorer encore un peu plus. Partie des milieux ruraux, la contestation a trouvé des soutiens dans les villes. S’il n’est pas entièrement juste de qualifier les participants de “Blancs issus de la classe

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Rachel Donadio