Christian Benedetti / candidat FI européennes 2019


Je commencerai par dire : enfin. Le débat sur la place de l’art et de la culture en France et en Europe commence. Il s’agit, avec ce débat sur la culture de ce que nous avons construit de commun et sur l’art, de notre capacité à nous représenter le monde. Je ne vois pas ce que signifierait la politique sans cet enjeu.
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Disons d’emblée que cette tribune n’est pas creuse. Il y a des phrases fortes que je partage avec mes colistiers de la France Insoumise : « Déformater nos regards et libérer notre imagination » ou « placer la culture comme l’élément structurant de notre avenir », comme « ouverture à l’autre, la découverte, le partage, l’hospitalité » et « conscience de sa propre histoire et porte l’altérité ».
Ceux qui me lisent savent combien ces idées me tiennent à coeur. Peut être cela aurait-il mérité de parler plus singulièrement de l’art : On ne peut poser un regard sur une œuvre d’art sans se sentir plus libre.
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C’est justement pour cela que je serai sévère avec vous. Messieurs Faure et Gluksman, je ne veux pas épiloguer sur votre « Trop longtemps la politique libérale et l’austérité ont dominé le continent », ni rappeler indéfiniment que ce constat partagé concerne une époque où vous étiez en responsabilité et qu’au référendum de 2005 vous votiez pour le constitutionnaliser avec le TCE. Mieux vaut tard que jamais.
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Je veux vous interpeller sur un premier obstacle : comment ferez-vous avec les Traités européens actuels qui contraignent les politiques publiques et prônent la concurrence libre et non faussée ? Le bonheur est toujours une idée neuve en Europe, oui! Hélas, l’Union européenne et ses traités actuels ne permettent rien de tout cela. L’Union ne porte aucun projet de civilisation. Elle étouffe la démocratie et écrase la souveraineté populaire, comme on l’a vu en France après le « non » de 2005 au traité constitutionnel européen. L’euro a servi de garrot pour étrangler la Grèce et d’autres pays. Le libre-échange, les délocalisations, le dumping social et environnemental suppriment des emplois en France et opposent les peuples les uns aux autres. Les droits sociaux et les services publics sont attaqués par l’Union et son dogme de la « concurrence libre et non faussée ». Le dérèglement climatique s’accélère, mais les lobbies productivistes continuent de faire la loi. L’Union européenne offre les pleins pouvoirs à la finance et aux évadés fiscaux contre l’intérêt général. Elle se soumet à l’OTAN. Elle refuse le co-développement avec les autres peuples, saccage leurs marchés nationaux et pousse à l’exil les travailleurs paupérisés, les laisse se noyer en méditerranée et les pourchasse une fois arrivés.
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L’Union européenne telle qu’elle fonctionne, celle de Junker, Merkel ou du commissaire européen à la culture membre du parti de Victor Orban, se soumet aux intérêts des groupes multinationaux.
Or votre tribune n’aborde pas cette question pourtant cruciale des politiques publiques et notamment, en ce qui concerne le thème de votre tribune, en faveur de l’art et de la culture. Comment ferez-vous sans les définir, sans y assigner des objectifs à atteindre et déployer les moyens adaptés ? Ne voyez vous pas ce qui saute au yeux : la destruction des politiques publiques et notamment celle de l’art et de la culture ?
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Vous dites aussi : « Il est temps d’inventer cette coopération nécessaire entre le monde intellectuel, les artistes et les experts au niveau européen. » Ce n’est pas de coopération dont les artistes comme les intellectuels ont besoin, c’est d’indépendance et de moyens pour créer et penser. Et d’une totale liberté pour les artistes, un déploiement de l’art partout, aider à sa circulation et à la rencontre des œuvres avec les habitants. Je m’élèverai toujours contre toute instrumentalisation de l’art. L’art ni les artistes n’ont pour fonction de cacher les dégâts humains dus au libéralisme, à la soif de profit et à absence de politiques sociales et de justice. Ils ne peuvent pas même les réparer. Les politiques doivent prendre leur responsabilités.
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Et pitié, ne dissolvez pas l’art dans la culture. La culture ne s’invente pas, l’art si. Si l’art est recouvert par le marché, le monde n’est plus l’espace de l’être humain. Cela devrait se construire dès l’école avec les enseignements artistiques et la présence des artistes dans les établissements. Où en sommes nous quand tout est précarisé et privatisé ? L’Europe a besoin de toutes les forces de la création pour faire exister une vie politique

Je voudrais enfin revenir sur votre affirmation concernant « les réussites de l’Union européenne, à commencer par le fait que, selon vous « nous avons construit une Institution politique enviée, et même jalousée, par les autres continents. Ces succès s’appuient sur un terreau culturel commun, travaillé des mêmes valeurs et des mêmes élans libérateurs. » Ne voyez vous pas ce dont les Gilets jaunes en France sont la plaque sensible : une injustice sociale et un mépris de la parole populaire ? Ne voyez vous pas que cela se répand en France comme en Europe et que c’est cela même qui ouvre la voie à l’extrème droite dans de nombreux pays européens ?
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Vous le voyez, il y a de nombreux enjeux dont nous pourrions discuter. Cela s’appelle la démocratie. Monsieur Gluksman, je suis prêt à débattre avec un candidat représentant chaque liste dans la presse, dans une salle, à la radio, à la télévision.
Et vous ?
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Christian Benedetti, metteur en scène, acteur directeur du Théâtre-Studio à Alfortville
Et candidat LFI pour les élections européennes 2019.
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La tribune du JDD : https://www.lejdd.fr/…/tribune-demain-ne-peut-attendre-redo…

L‘interview de Christian Benedetti : https://www.facebook.com/cbenedettiFI/posts/729194567478268?__tn__=K-R

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