· 

“Envoyé spécial” dévoile l’étendue des liens entre Steve Bannon et le Rassemblement national

« Je vais planter un pieu dans le cœur de l'Europe ». De qui cette sympathique saillie ? Steve Bannon, le gourou du populisme américain, celui qui affirme être « l'homme qui a fait Donald Trump ». Il en a été aussi le rapide conseiller stratégique à la Maison Blanche avant d'être évincé en août 2017. Depuis, « Goebbels », comme l’a surnommé un journaliste de Fox News s'est trouvé une nouvelle mission : faire triompher « le national populisme » en Europe.

Dans cette croisade, Steve Bannon peut s'appuyer sur quelques leaders nationalistes en pleine ascension. Il est au mieux avec le chef de la Liga italienne et vice-premier ministre, Matteao Salvini, et croise régulièrement le premier ministre hongrois Victor Orban, dont il a sans doute apprécié la grande barrière anti-migrants tout en barbelée qui sépare la Hongrie et la Serbie.

Bannon sait aussi se rendre utile là où ça coince encore un peu. En France par exemple. C'est ce que démontre l’édifiante enquête de Paul Moreira et Edouard Perrin diffusée ce jeudi 9 mai dans Envoyé spécial. Les liens entre Bannon et le Rassemblement National y sont longuement montrés comme lorsqu’il a été l'invité d'honneur du congrès du parti en mars 2018. L'Américain est exhibé comme une caution internationale de premier plan.« Il a une grande expertise et on en profitera autant qu'on peut », explique Marine Le Pen, qui se réjouit de participer à la « Fondation » créée par l'Américain. Elle insiste notamment sur « sa grande connaissance d'Internet ». Connaissance surtout en matière de manipulation d'informations comme l’ont démontré la campagne présidentielle américaine et, avant elle, la campagne en faveur du Brexit. Dans les deux cas, Bannon via des sociétés spécialisées, a tenté d’influencer les élections via des informations parfois biaisées en direction d’électeurs sélectionnés à partir de leurs profils Facebook riches en données personnelles. Des pratiques parfaitement assumées comme le montre un extrait hallucinant du reportage où l’on voit deux leaders nationalistes britanniques détaillant leurs pratiques devant une commission d'enquête.

La fake news du pacte de Marrakech, c’est lui

Et la campagne européenne dans tout ça ? L'occasion est trop belle. Steve Bannon est déjà entré en action. C'est à lui que l’on doit, par exemple, la fausse information concernant le pacte de Marrakech signé sous l’égide de l’ONU par de nombreux Etats le 10 décembre 2018. Selon lui, ce pacte était synonyme d'ouverture massive des frontières et allait entraîner « un déferlement de près de 480 millions de migrants sur toute l'Europe ». Une « invasion organisée », enfonçait même Marine Le Pen. En réalité, ce texte ne visait qu’à améliorer la coopération en matière de migrations internationales tout en laissant les États complétement souverains en matière de politique migratoire. Qu’importe, « la rumeur » va s'étendre, gonflée par les complotistes en tout genre, et même trouver un certain écho chez certains leaders des gilets jaunes.

Une indéniable réussite en matière de diffusion et de propagation. Peut-être l'expertise soulignée par Marine Le Pen ? A moins que Bannon, qui se définit lui-même comme un homme d'affaires (en plus d'un dirigeant de médias, d'un réalisateur et d’un producteur de cinéma), ait d'autres compétences. C'est aussi et surtout ce que raconte cette enquête. L’homme n'est pas un ennemi de la finance. Il y a même de nombreux amis toujours prêts à donner un coup de main ou participer financièrement à des campagnes en cas de besoin. C'est d'ailleurs d’argent (deux millions d’euros pour être précis) dont il parle avec Louis Aliot et Jérôme Rivière (le trésorier du RN). Une image et un dialogue captés par la réalisatrice américaine Allison Klayman lors du tournage de son film consacré à Steve Bannon (The Brink, sorti le 29 mars aux États-Unis). Les extraits laissent au moins planer le doute sur une éventuelle aide financière directe ou indirecte au RN, même si ses dirigeants le démentent. Mais là où le doute ne subsiste pas, c’est l’envie des dirigeants du RN d’associer encore plus étroitement Steve Bannon à leur conquête du pouvoir.

Dans une scène finale hautement révélatrice, Jérôme Rivière propose ni plus ni moins à Bannon de participer à des réunions secrètes qui se tiennent tous les mardis avec de hauts fonctionnaires français. Devant l’Américain qui s’interroge, le dirigeant du RN précise : « C’est une réunion avec Marine. Ce sont des gens qui veulent rester anonymes, des ambassadeurs, des préfets, des gens vraiment au coeur du gouvernement qui nous soutiennent mais ne veulent pas être reconnus publiquement. » Eloquent… 

Source : Télérama

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0