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Pourquoi tant de haine contre Jean Luc Mélenchon et la France Insoumise ?

Comment comprendre la haine à l’encontre de Jean Luc Mélenchon et de la France Insoumise ? Tout se passe comme si elle était devenue un lieu commun, une sorte de politiquement correct, sinon une précaution oratoire, qui s’impose dans l’espace public venant de sphères intellectuelles et journalistiques ou de certaines catégories sociales, avec nombre de formules plus ou moins malveillantes, jusqu’à Mediapart où cela semble parfois être un préalable. Parmi les fabriques de la détestation contre LFI Politis n’est pas en reste. Le résultat de l’élection européenne sert d’exutoire à ceux qui veulent en rajouter une couche. Cela ne date pas des perquisitions, qui sans doute ont, j’en conviens, renforcé l’animosité vis-à-vis de Mélenchon, lui même le reconnaît. De cette occurrence, les solidarités attendues se sont absentées. On a vu au contraire une sorte d’invitation à en déployer les effets dévastateurs, pratiquement sans limite, sans mesure, sans interrogation ni la moindre recherche d’une objectivité réflexive qui puisse poindre ici où là : une centaine de policiers mobilisés pour l’occasion, de même que la main mise sur les fichiers des adhérents, paraissait donc ordinaire. Le docteur Michel cymes, invité régulier de la 5, pouvait se permettre de déclarer en guise de diagnostic, « on a pas envie de confier le bouton nucléaire à un fou de cet acabit » ! Curieux et inquiétant jugement d’un praticien qui s’exonère de méthode pour déterminer une pathologie possible : aucune connaissance des symptômes et de l’environnement, du contexte en somme. Réactionnaire patenté avant tout ! Ses patients devront se méfier.

 

Le moment n’est pas à l’intelligence collective : c’est mal vu. A son tour Médiapart à dû le déplorer après sa propre perquisition, marquée par le piteux silence assourdissant des « collègues » journalistes. Or, de même qu’il n’est point impératif d’être en accord avec la ligne éditoriale de Médiapart pour dénoncer les perquisitions dont le journal a fait l’objet, il n’est pas plus nécessaire d’être un rallié de LFI pour s’indigner du traitement qu’elle subi, plus encore quand il s’agit de la mise ne cause des libertés publiques.

 

Les propos tenus par Mélenchon lors de cette séquence ont sans nul doute causé en partie la désaffection de l’électorat de la présidentielle, une désaffection qui constitue une base d’appui inespérée au redoublement apolitique de la phobie anti Mélenchon, plus encore, à travers elle, de l’aversion contre la FI. Toutefois, cette tonalité spécifie les catégories sociales moyennes et hautes où elle s’origine, là où se propage une identité de bienséance morale, de distinction en somme telle que ces groupes aiment pratiquer. Dans les quartiers d’urbanisation prolétaire où j’enquête, les perquisitions ont été vécues et interprétées de façon bien plus contrastées ; Mélenchon y est souvent perçu comme un héros, quelqu’un de « courageux face à la police et à la justice ». Pas d’effet majeur en terme électoral chez les « gens de peu » : une notion utilisée à contre sens par le député-sociologue macroniste Jean Viard dans l’émission C’politique et empruntée, sans le dire, à Pierre Sansot.

 

Chez les gens de peu le vote ne procède pas de modalités cognitives équivalentes à celles des classes que l’on dit moyennes, ils n’agissent pas à coups d’anticipations embrouillées : c’est l’amour du moment présent qui commande, comme dirait Bourdieu. A çà, ils ont le sentiment que la politique ne peut rien leur apporter ! Les classes moyennes quant à elles mobilisent des stratégies « pour avoir mieux » pour soi, si nécessaire contre les autres, s’octroient des idéologies, des opinions selon Karl Marx, les plus en vogue bien sûr. L’écologie y est vécue, interprétée et pratiquée, comme une mode, non comme nécessité vitale. Ça ne mange pas de pain, elle donne bonne conscience puisque le coût des mesures à mettre en œuvre pour chacun, faute de mise en œuvre, n’est pas connu. Comme toutes les autres modes elle s’impose et s’étale en guise de supériorité matérielle et intellectuelle laquelle, sans exigence de vérification, transfère à d’autres la responsabilité les problème, sauf à se flatter de pratiquer le tri des ordures. La non violence s’inclue dans ces idéologies à la mode et de confort intellectuel, au moment même où la violence envahit les sociétés contemporaines et où elle conditionne l’ensemble des activités humaines surplombées par le capitalisme. Abhorrer Mélenchon fait partie des modes portées par les petites bourgeoisies, hautes et moyennes, dont la génération de 68 est le principal vecteur et la source explicative ; j’y reviendrai.

 

Un mot sur la « personnalité » de Mélenchon puisque la détestation semble se fixer là dessus. Curieuse raison qui évacue allégrement l’homme politique pour le réduire à une incarnation puérile, mais commode, d’un tourment psychologique emprunt de « sectarisme » contre l’épanouissement de la « gauche », contre son rassemblement. Le coupable, telle une sorte de souffre-douleur expiatoire, c’est lui ! Mais Mélenchon mérite-t-il vraiment cela ? Les qualificatifs employés pour le caractériser ont-ils un sens, un début de réalité ? S’agit-il simplement d’exagérations incontrôlées, d’hypertrophies verbales irraisonnées ? Je pose la question. Après les perquisitions, sans sa réaction rugissante, il avait un « boulevard devant lui » dit Gérard Miller, « mais il est comme çà !» prévient-t-il. Et alors, car enfin, Jean Luc Mélenchon c’est surtout autre chose, une autre dimension, politique, intellectuelle et morale obscurcie par l’événement. Obscurcie ? C’est peu dire. Des louches ont été rajoutées à tour de bras, jusqu’aux propos insensés de Monique Pinçon Charlot, éminemment remarquable par ailleurs pour ses travaux sociologiques sur la bourgeoisie, obnubilée par son tropisme anti-mélenchon lors de l’interview sur le site « Regard » : « un bureaucrate qui a trempé dans les cloaques de la mitterrandie ». Nous discutions beaucoup de ces trajectoires d’apparence insolites avec Jean Pierre Debourdeau – Villeneuve, que le directeur de Médiapart a sans doute connu aussi sous ce pseudo –, à propos des mouvements suivis par les leaders sociaux-démocrates, notamment pendant la seconde république espagnole.

 

J’ai découvert Mélenchon en février 2013 à Tunis, où je coordonnais une étude sur la « révolution de jasmin » en cours. Dans une réunion publique organisée par l’UGTT, Mélenchon a fait un discours majeur, décrivant les tâches de tout mouvement populaire fondées sur l’écologie politique (j’ai l’enregistrement pour ceux que cela intéresse). Prenons un autre exemple moins connu, celui d’un fervent actuel de l’union des gauches : Gérard Filoche, Matti pour les initiés. Dans les années 1970, il voyait dans le Parti Socialiste un « Parti Ouvrier Bourgeois », çà ne l’a pas empêché d’y entrer. On ne peut comprendre et saisir le sens de ces mouvements qu’en les contextualisant ! C’est à dire par l’analyse des moments où s’opèrent des conversions fondées sur des convictions confrontées à des réalités sociales et politiques : des prises de conscience en somme. Ce que dit Mélenchon dans ses meetings aurait-il donc si peu d’importance? Au point de ne pas vouloir les écouter ?

 

Je pose aussi cette question à Médiapart, à son directeur-fondateur, aux autres fondateurs et à ceux qui poursuivent leur projet éditorial. Tout en reconnaissant qu’ils ne pratiquent pas l’insulte, heureusement ce n’est pas le style, il faut noter quelques faits significatifs, pas très « journalistiques », d’une opposition méthodique contre LFI. Je passe sur les articles récents des rédacteurs en charge de documenter la FI. Encore que le texte de Fabrice Arfi après les perquisition pose problème quand ce qui est dit prétend se fonder sur « la ligne éditoriale d’un journalisme d’investigation » ; il y avait sans doute mieux à faire que se limiter à la publication facile des procès verbaux d’audition des cadres du Parti de Gauche. Par exemple, savoir qui avait voulu les perquisitions, comment elles avaient été organisées, sous quelles autorités, etc., pour y déceler les intentions politiques éventuelles. Rien de ce genre n’a été réalisé à ce jour. Quand un « parti-pris » s’ajoute au parti-pris, on ne peut qu’être inquiet.

 

Dans une discussion avec Régis Debray, Edwy Plenel lui demande pour qui il votera aux européennes, « il est probable que je m’abstienne » rétorque-t-il  ; « à gauche ?» renchérit le journaliste. Debray lui répond « Encore faudrait-il qu’il y ait une gauche ». Dans l’entretien LFI n’est jamais évoqué, ni de façon critique, ni comme « gauche », ni comme « populiste » : tout simplement nié et plus encore ignoré. Convenons qu’Edwy et Régis a partagé ce point de vue, bizarre dans un journal qui dit la « vérité » ! Un brin de connivence donc, ils ont partagé en partie l’histoire d’un marxisme rénové après la révolution cubaine, quand Debray entretenait des liens avec la Ligue Communiste et la 4ème Internationale. Pour eux donc, il n’y de force de changement que celle qui se proclame de « gauche » ! Quid du programme, quid de la politique désastreuse de ladite « gauche » au pouvoir, enfin quid des années passées par Régis aux côtés de Mitterrand ? Il en est sorti pour suivre la voie universitaire sans faire, que je sache, aucune autocritique sur son passage à l’Élysée. En s’engageant dans le Front de Gauche, puis en créant LFI, Mélenchon accroché à un idéal de progrès social a fait la sienne. « Il a remis la gauche sur ses deux pieds » s’est justifié François Ruffin. Pour beaucoup, comme moi, nous n’avions plus d’autre choix crédible que celui proposé par Mélenchon et LFI. C’est probablement son tort si je puis dire, le tort d’avoir été sur le point de réussir ce que d’autres ont vainement tenté depuis les années 1970 : la construction d’une alternative au capitalisme et ses incarnations néolibérales et ultralibérales. Cela explique peut-être les argumentaires hostiles à son encontre ; l’hypothèse mérite d’être étudiée.

 

Dans la « Règle du jeu », Jean Renoir fait dire au personnage qu’il interprète « il y a quelque chose de terrible en ce monde, c’est que chacun a ses raisons ». Quelles sont les raisons d’Edwy Plenel et de ceux de sa génération ? C’est ce à quoi je m’intéresse ici. J’ai de l’affection pour Edwy Plenel : essentiellement pour deux raisons. La première nous renvoie en cette fin juin 1973. Je visitais avec quelques militants le local de l’impasse Guéménée saccagée par la Police après les affrontements contre le meeting d’Ordre Nouveau. Les enquêteurs y découvrir deux vieux fusils rouillés qui allaient servir de prétexte à la dissolution de la LC. On y avait rencontré Edwy qui devait assumer la responsabilité et la protection de l’endroit. Errant et décontenancé, mais solide dans l’exécution de sa tâche, il nous avait fermement invité à quitter les lieux. C’est la dernière image que je garde d’Edwy militant. Je ne l’ai revu qu’une fois depuis. Devenu journaliste au Monde, il était venu participer à un débat après la projection d’un film dans le cadre du festival des films de femme de Créteil, au cinéma de la MJC du Mont Mesly que j’animais. Le socle initial de ses espérances ne m'ont pas paru avoir changé.

 

Le deuxième, agrafé au premier, renvoie à son attachement profond pour Daniel Bensaïd ; à l’amitié qu’ils se vouaient l’un à l’autre. Daniel, comme le rappelle Plenel dans la nécrologie qu’il lui a consacré sur Médiapart, proposait justement avant sa mort de « tout reprendre, de tout revoir, tout rediscuter et tout redisputer, remettre en jeu le passé et l’avenir ». N’est-ce pas ce que tente LFI ? Une « remise en jeu du passé et de l’avenir » au milieu d’une gauche trop mouillée dans les trahisons pour donner un quelconque espoir, d’une extrême gauche trop épuisée par les échecs, dont le NPA que Bensaïd avait voulu et qu’il aurait peut-être sauvé, est le dernier avatar. Mais surtout, il nous avait convaincu à travers le débat qu’il entretenait avec Edwy Plenel que le journalisme d’investigation pouvait porter un projet politique en continuité avec l’idéal de l’émancipation. Un projet non partisan commencé à la fin des années 1990 avec la nouvelle formule du Monde. Je me souviens de Daniel nous demandant ce que nous pensions de cette nouvelle formule ! C’était pour lui, comme pour Edwy sans doute, une méthode pour radicaliser la démocratie, pour éclairer les enjeux et leurs déterminismes sociaux, la mainmise des pouvoirs sur les procédures économiques et politiques, mainmise mais aussi surtout lieu et outil de multiples arrangements entre amis. La poursuite du travail révolutionnaire en quelque sorte par d’autres moyens ou, pour le dire mieux, participer à l’indispensable « révolution citoyenne » que réclame l’épuisement de la cinquième république ? Alors pourquoi tant de froideur face à l’expérience LFI, tant de ressentiment vis à vis de Mélenchon ?

 

Bref, pour beaucoup, il s’agit de souiller l’homme politique pour mieux ruiner le projet qu’il porte, lui et son mouvement. Pour des raisons de lutte pour l’hégémonie à gauche, les concurrents se réjouissent de tels avatars. Cependant, la malveillance agressive, sinon la haine, contre celui qui fut l’initiateur de LFI n’est pas conjoncturelle, rancunes et animosités se sont accumulées depuis mai 1968. Elle se forme au cours des contestations, des mouvements sociaux et politiques qu’a connu le pays ; c’est ici qu’il faut fouiller car l’émergence du mouvement France Insoumise et son ancrage dans l’espace politique, de son énonciation publique, en est l’aboutissement. Il est indispensable de comprendre ce que charrie cet achèvement poussant devant lui les scories accumulées suite aux débats et controverses, aux batailles politiques, aux luttes pour l’hégémonie à l’extrême gauche, aux conflits interpersonnels etc., qui nourrissent les haines actuelles. Mélenchon en est une des victimes circonstancielles, mais elles livrent à bien d’autres protagonistes des armes de règlement de compte ; l’espace politique « macronisé » en est bourré.

 

C’est la fin de mai 1968 comme moment fondateur générationnel, au sens de Karl Mannheim, comme espace-temps, comme « situation sociale d'appartenance à un même espace historico-social, déterminant une même forme de stratification de la conscience », c’est à dire l’aboutissement d’un cours politique singulier structuré par la cinquième république : un effet générationnel qui s’achève en même temps que le vieillissement de la génération d’âge. Les trajectoires des figures qui ont symbolisé 68, Cohn-Bendit et beaucoup d’autres, en sont la preuve. Derrière nous les vieux débats autour du Deuxième souffle (D. Bensaïd et C. Scalabrino) ou de La répétition générale (D. Bensaïd avec H. Weber) ; nous connaissons maintenant, au-delà des grèves ouvrières qu’il a déclenché et encouragé, la nature sociologique de mai 68 : un mouvement catégoriel petit bourgeois destiné à remplacer l’encadrement économique et politique issu des l’après guerre ! Cela ne fait plus aucun doute aujourd’hui. Le bilan est en cours, c’est pourquoi Mélenchon, qui peut, en regard de la gauche traditionnelle, se prévaloir des 20 % à la présidentielle de 2017, en prend plein la figure.

 

J’ai vu monter cette répulsion à l’Université de Besançon ou à travers ses liens avec l’OCI et dans l’espace politique local des années 1970. Elle s’exprime encore avec autant de force après toute ces années. On ne lui pardonne rien quand on pardonne à d’autres, erreurs de jeunesse, etc. Au même moment d’autres rancunes tenaces prenaient forme dans cette région, dans le Pays de Montbéliard où je tentais de construire la LC. On y était confronté aux grèves de la faim organisées par la Gauche Prolétarienne, au drame vécu par les époux Blanchet, au soutien à l’occupation de l’usine LIP. Fait peu connu, la ligue de Besançon avait distribué un tract préconisant le fameux « on produit, on vend, on se paie » une semaine avant que les « Lip » le décident ; certes, nous avions des discussions sur ce thème avec les militants syndicaux CFDT et du PSU, mais on était pas peu fiers. Notre investissement dans la construction des Comités de Soldat, à Montbéliard puis à Grenoble nous a valu nombre d’inimitiés, dans la gauche et dans l’extrême gauche. Car en concurrence ou en alliance avec les organisations, nous n’étions pas à l’abri de tentations militaristes ; on savait stopper les trains qui traversaient la France vers l’Espagne et je me souviens d’un meeting où nous prétendions donner une date de la révolution, comme l’avait fait Trotski pour la révolution allemande avortée.

 

Je raconte çà pour montrer en quoi, à partir d’un vécu et d’une expérience personnelle, les scories évoquées plus haut sont vivaces. En effet, j’ai retrouvé dans les années 1980 tous les hommes et femmes, tout ce petit monde qui était mon quotidien dans les années 1970-1980, chacun recasé à sa place sociale de prédestination, de prédilection devrait-je dire, mais animées d’hostilités réciproques, jusqu’à l’Université où appartenir à un clan, à une histoire, ouvrait ou fermait les voies du recrutement. Politiquement, de façon schématique à défaut de pouvoir détailler ici, on trouve globalement deux groupes : ceux qui proviennent du maoïsme et ceux qui ont été trotskistes et dans chaque branche leurs différentes tendances et courants. Les premiers sont allés dans les partis de droite, dans le sillage d’André Gluksmann. Je n’ignore pas que certains, à Grenoble notamment, se sont engagées dans des directions bien plus honorables : écologie, lutte anti-corruption, etc. Les seconds ont suivi Henri Weber au Parti Socialiste, ce dernier allait même les chercher un par un ; bien sûr le Mitterrand donnait le rythme. Tous ont fait ou continuent de faire de jolies carrières, soit dans le champ politique, soit dans le champ économique, universitaire ou journalistique. Je m’amusais parfois à regarder le Comité Directeur du Parti Socialiste comme une reproduction du Comité Central de la LCR. Il y avait là toutes les tendances trotskistes, scissions de l’OCI, plus ou moins entristes, des Wébériens, des Filochiens, ainsi que leurs dissidences internes, tous recomposés en courants propres du PS, fabiusiens, strauss-sahniens, rocardiens, mitterrandiens, émmanuelliste, chevénementistes, mélenchonistes, bref, là où chacun pouvait faire sa pelote.

 

C’est à ce pot-pourri – unis par la « synthèse » – qu’après son départ du Doubs, Mélenchon va participer à Paris en créant avec Julien Dray, autre ancien de la ligue qui travaillait en son sein pour l'OCI, la Gauche Socialiste. Autrement dit, certes il partage les repas des « éléphants », ceux de Mitterrand aussi sans doute, mais a soigné sa distinction de « Gauche ». LFI en est la prolongation singulière et volontariste qui parie sur une rupture profonde avec le système politique français et l’apparition d’une nouvelle génération de militants formés à répondre aux exigences écologiques et sociales contemporaines. Selon Mélenchon cela implique de rompre radicalement avec l’anxiété des appareils des partis de la gauche traditionnelle de savoir comment ils assureront une continuité de carrière à leurs cadres. Quand ils parlent d’unité, c’est d’abord de cette angoisse qu’ils cherchent à s’affranchir. Est-ce trop demander à Médiapart de s’y intéresser un peu ? Mélenchon n’est évidemment pas exempt de critiques, néanmoins, éviter la critique argumentée en préférant la détestation n’est pas me semble-t-il dans la culture des fondateurs de Médiapart. En revanche, c’est ma thèse, elle est contenue dans le modèle culturel et socio-politique produit par la génération 68.

 

Le mouvement qui sourde depuis 1995 dans les profondeurs de la société, les effets socio-politiques du référendum de 2005 et le surgissement des Gilets Jaunes annonce possiblement la naissance d’un nouveau cycle générationnel et une redéfinition des rapports socio-politiques noués pendant la séquence antérieure. La question était posée à l’entrée du troisième millénaire : qu’elles formes de contestation sociale et politique émergeront de la configuration naissante ? LFI est une première réponse. Il est certain que sa méthode sera essentielle en vue de la recomposition qui s’annonce, une recomposition qui ne dépend pas uniquement des volontés des uns ou des autres, mais des évolutions sociales mêmes et des conflits qui les accompagneront.

 

Le problème n’est pas de savoir pourquoi les pauvres votent à droite comme on le suggérait souvent, mais pourquoi ils ne votent pas à gauche. Les gauches ont échoué à le résoudre. En fait elles n’ont jamais vraiment essayé, sauf à croire à un effet magique de l’unité des gauches réclamée une nouvelle fois à corps et à cris. Elles n’ont pas plus réussi dans la lutte contre le FN. Avec un FN à 23 %, après des années de manifestation aux cris de « F comme fasciste N comme nazi, à bas le Front National », de même que les actions qui l’ont porté, la formule est un fiasco. Tout juste a t’elle servi à mobiliser certaines fractions des catégories sociales moyennes qui revenaient chez eux satisfaites du « travail bien fait ». Mais aucun effet d’entraînement à noter vers la gauche des catégories populaires, celles qui vivent dans les quartiers d’urbanisation prolétaire où c’est surtout l’abstention qui l’emporte ! Comment les gauches peuvent-elles imaginer pouvoir piocher en s’unissant, à supposer que cela soit faisable, dans le vivier de l’électorat abstentionniste, d’aller au-delà de celui habituel de la gauche et de créer un mouvement des électeurs RN vers elles ? Unies ou pas, que le PS se refasse une santé, ce qui n’est pas exclu, les anciennes gauches ne sont plus en capacité désormais d’y parvenir. Ce constat terrible oblige à repenser les cadres politiques du progrès social dans la période et invite à ne plus détester LFI et Mélenchon.

 

 

 

 

 

PS : Je publie post en sachant qu’il ne sera pas recommandé sur le club, comme mes autres textes. Ça ne fait rien, je n’en voudrait à personne. L’humeur de mon âge n’accepte plus aucune aigreur ni détestation.

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