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Brest. Urgences de la Cavale Blanche : « Les soignants fuient »


Comment devient-on infirmière aux urgences ?

« Il faut être volontaire et il y a toujours des volontaires mais, en revanche, ils ne restent plus. En dix-huit mois, on a perdu 42 infirmières et aides-soignantes ! Les soignants fuient. Comment se fait-il que des gens qui adorent leur travail d’un seul coup s’en vont ? C’est à force d’être sous pression face aux demandes de rendement et à un manque de lits. On n’a plus le temps humainement de s’occuper des patients qui passent des heures sur les brancards en attente d’un lit d’hospitalisation, ou cachés dans un lieu appelé attente post-urgences (Apu). Entre nous, on appelle ça « Apu de lits » pour « ll n’y a plus de lits ». L’Apu est installée dans les anciennes urgences chirurgicales. Il n’y a pas de fenêtre et pas de point d’eau, et c’est impossible de changer les gens quand ils sont souillés ».


Comment se déroule une journée de travail ?

« On commence à 6 h 30 jusqu’à 14 h 30, mais parfois on découvre sur le planning que l’on est finalement de l’après-midi, parce qu’il faut pallier une absence, alors on rentre chez soi. Il nous arrive d’être très souvent rappelées à la maison. Si on commence à 13 h 30, on finit à 21 h et ceux de la nuit font de 20 h 45 à 6 h 30. Avec la grève, on doit s’inscrire chaque jour avant 11 h sur la liste des grévistes en salle de pause, puis on reçoit l’assignation par le cadre de service, parfois par un huissier à la maison. Cela va finir par coûter cher en assignation. On travaille avec un brassard « en grève ». Les patients sont avec nous à 90 % et les médecins du service aussi. Si on faisait mal notre travail, cela se saurait depuis longtemps et en plus ils ne viendraient plus ! ».


Comment l’afflux des patients est-il géré ?

« Nous avons deux infirmières d’accueil qui orientent les patients en fonction de la gravité. Ceux qui peuvent marcher vont en salle d’attente, les autres sont installés sur un brancard. Le service dispose de 20 boxes individuels et de l’espace « Aber » de neuf brancards séparés par des rideaux. Et puis il y a quatre lits dans le service d’accueil des urgences vitales (Sauv), ce que l’on appelle la salle de déchocage ».

« Quand tout est plein, si je suis l’infirmière d’accueil, je m’arrache les cheveux, parce qu’il faut trouver une solution. La situation peut très rapidement devenir dramatique. Je peux m’appuyer sur le médecin d’accueil et d’orientation (MAO), s’il est disponible, qui fera un examen rapide du patient et confirmera qu’il faut trouver une place. Après, il faut aller voir les infirmières des différents secteurs et les médecins des urgences pour trouver une place. Je laisse mon patient à l’accueil avec la famille, les ambulanciers ou les pompiers, je leur dis « je reviens », la question c’est quand ? Pendant ce temps, ce box d’accueil est bloqué, on ne peut plus voir personne et les ambulances continuent à arriver, parfois huit ambulances les unes derrière les autres… Il faut sortir quelqu’un d’un box, moins gravement malade pour mettre un plus grave. C’est une situation fréquente. Les jours les pires sont le lundi et le vendredi. Certaines semaines, c’est lundi tous les jours.

Le matin, il nous manque un aide-soignant pour surveiller les patients qui sont dans l’espace « Aber » et les couloirs. C’est un paradoxe parce que, le matin, il y a parfois des gens dans le couloir. Ils y ont passé la nuit. C’est de plus en plus courant ».


Quels types de patients arrivent prioritairement en salle de déchocage ?

« Les urgences graves, les accidents de la route, les œdèmes aigus du poumon, les détresses respiratoires aiguës, c’est de la réanimation. Pour ces quatre patients, il y a une infirmière, un aide-soignant, un médecin senior, un interne et parfois un externe. Mais il faut être deux infirmières pour une intubation. Face à un arrêt cardiaque, il faut trois infirmières, alors on va chercher les collègues à l’accueil, dans les boxes ou dans l’unité d’hospitalisation de courte durée, qui dispose de 18 lits pour des patients qui sortent des urgences. On ponctionne des soignants déjà surbookés pour les envoyer dans une situation de stress complet. Un coup de main qui peut durer deux ou trois heures. Pendant ce temps-là, l’autre infirmière laissée seule à l’accueil fait ce qu’elle peut. Cela peut occasionner des erreurs et pertes de chance pour les autres patients. Auparavant, il fallait une ancienneté d’au moins une année d’urgences pour travailler en Sauv. Parfois au bout de trois jours, ils doivent y aller. C’est mettre en très grande difficulté ces professionnels qui débutent aux urgences ».

Source : Télégramme
Agran

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