On le connaît surtout pour LeCapital au XXIème
siècle (2013), un bestseller vendu à plusieurs millions d’exemplaires qui montrait de quelle manière les deux guerres mondiales avaient conduit à une réduction des inégalités
héritées du XIXème siècle. Thomas Piketty revient avec Capital et idéologie (Seuil, 2019), une étude des discours justifiant les inégalités. Un livre
qui, ce sont ses mots, est mieux que le précédent. Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et
professeur à l’École d’économie de Paris, chroniqueur au journal LeMonde, il revient sur la
transformation des sociétés dites « ternaires » en sociétés de propriétaires au XIXème siècle, élargissant le regard aux sociétés esclavagistes, coloniales, communistes, postcommunistes
de divers pays.
Il montre ainsi que, de tous temps et en tout lieu, des récits ont permis aux élites de justifier les inégalités. Même la Révolution française, censée mettre fin à l’ordre
d’Ancien Régime - un système où la noblesse et le clergé dominaient les travailleurs,- en valorisant la propriété censée émanciper l’individu, a finalement sacralisé cette dernière pour se
transformer en système encore plus inégal que celui qu'elle remplaçait. Une tendance que poursuit aujourd’hui l’hyper-capitalisme à grand renfort de discours méritocratiques visant à culpabiliser
les perdants du système.
Une des grandes nouveautés du régime inégalitaire actuel, c’est cette culpabilisation très forte des perdants, des non-méritants.
(Thomas Piketty)
Revenir sur l’histoire des inégalités est un moyen, nous dit Thomas Piketty, de montrer que le progrès n’est pas linéaire, et que l’ordre actuel n’est pas voué à demeurer. Surtout, il soumet
lui-même des propositions de changement qui, loin de bannir complètement la propriété privée, visent surtout à la faire circuler pour que tout le monde en profite : un impôt annuel et
progressif sur la propriété, une dotation universelle en capital qui consisterait à attribuer 120 000 euros à tous les jeunes de 25 ans- pour les encourager notamment à acheter un logement-,
la valorisation des formes de cogestion, qui permettraient aux salariés de participer à la vie de l’entreprise… autant d’idées en faveur d’un « socialisme participatif ».
Il y a une forme d’apprentissage dans l’histoire. La chute du communisme et la transformation de la Russie en paradis fiscal et néoliberal illustrent ses basculements.
(Thomas Piketty)
33 min
Thomas Piketty, le nouveau Capital
Thomas Piketty, économiste transdisciplinaire, étudie l’histoire des inégalités et des idéologies qui les sous-tendent. Il nous en parle dans son dernier ouvrage, "Capital et
idéologie" (Seuil, septembre 2019).
On le connaît surtout pour LeCapital
au XXIème siècle (2013), un bestseller vendu à plusieurs millions d’exemplaires qui montrait de quelle manière les deux guerres mondiales avaient conduit à
une réduction des inégalités héritées du XIXème siècle. Thomas Piketty revient avec Capital et idéologie (Seuil, 2019), une étude
des discours justifiant les inégalités. Un livre qui, ce sont ses mots, est mieux que le précédent. Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et professeur à l’École d’économie de Paris, chroniqueur au journal LeMonde, il revient sur la transformation des sociétés dites
« ternaires » en sociétés de propriétaires au XIXème siècle, élargissant le regard aux sociétés esclavagistes, coloniales, communistes, postcommunistes de divers
pays.
Il montre ainsi que, de tous temps et en tout lieu, des récits ont permis aux élites de justifier les inégalités. Même la Révolution française, censée mettre
fin à l’ordre d’Ancien Régime - un système où la noblesse et le clergé dominaient les travailleurs,- en valorisant la propriété censée émanciper l’individu, a finalement
sacralisé cette dernière pour se transformer en système encore plus inégal que celui qu'elle remplaçait. Une tendance que poursuit aujourd’hui l’hyper-capitalisme à grand
renfort de discours méritocratiques visant à culpabiliser les perdants du système.
Une des grandes nouveautés du régime inégalitaire actuel, c’est cette culpabilisation très forte des perdants, des non-méritants.
(Thomas Piketty)
Revenir sur l’histoire des inégalités est un moyen, nous dit Thomas Piketty, de montrer que le progrès n’est pas linéaire, et que l’ordre actuel n’est pas voué à demeurer.
Surtout, il soumet lui-même des propositions de changement qui, loin de bannir complètement la propriété privée, visent surtout à la faire circuler pour que tout le monde en
profite : un impôt annuel et progressif sur la propriété, une dotation universelle en capital qui consisterait à attribuer 120 000 euros à tous les jeunes de 25 ans-
pour les encourager notamment à acheter un logement-, la valorisation des formes de cogestion, qui permettraient aux salariés de participer à la vie de l’entreprise… autant
d’idées en faveur d’un « socialisme participatif ».
Il y a une forme d’apprentissage dans l’histoire. La chute du communisme et la transformation de la Russie en paradis fiscal et néoliberal illustrent ses basculements.
(Thomas Piketty)
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