Depuis le début de mon mandat je suis en charge, en tant que commissaire aux finances, du rapport spécial « Ecologie, développement et mobilités durables ». Cette mission me donne la possibilité d’expertiser le budget d’une bonne moitié des missions du ministère de l’environnement et de plusieurs de ses opérateurs publics (type Météo France, Ineris, AFB, ONCFS, IGN, ADEME, ASN). Tous ont un rôle évident en matière environnementale. Parmi eux, le CEREMA-pour Centre d’études et d’Expertise pour les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement.
Derrière les chiffres comptables, il y a évidemment des hommes et des femmes qui ont en commun d’exercer leur métier avec passion et motivation. C’est pour mieux comprendre leurs missions, leur travail et les effets des réductions budgétaires sur leur action que j’ai entrepris de me rendre sur les différents sites de ces opérateurs. Pour le CEREMA, c’était jeudi dernier, 12 septembre. J’ai opté pour le site de Brest consacré au domaine « eau, mer et fleuves ».
Le CEREMA a en effet pour principales missions de promouvoir les modes de gestion des territoires qui intègrent les facteurs environnementaux, économiques et sociaux, d’accompagner les acteurs publics et privés dans la transition vers une économie décarbonée et d’apporter un appui d’ingénierie et d’expertise sur les projets d’aménagement nécessitant une approche pluridisciplinaire.
A titre d’exemple, pour le domaine maritime justement, voici quelques-uns des dossiers qui m’ont été présentés ce jeudi :
- Evaluation prospective des enjeux affectés par le recul du trait de côte
- Mesures de la houle
- La planification maritime
- Les études d’implantations de l’Eolien en mer
- La sécurité maritime
- Luttes contre les pollutions en mer : exemple des Sargasses aux Antilles
Le simple énoncé de ces items confirme l’actualité et l’importance des sujets sur lesquels travaille cet opérateur public sachant que la « Mer » ne représente seulement que 10 % de son activité globale.
Le gouvernement se targuant de placer la transition écologique au cœur de ses préoccupations, on pourrait donc s’attendre à ce que les moyens humains et financiers du CEREMA soient augmentés, ou a minima stabilisés. Il n’en est rien.
Le CEREMA perd au contraire 100 équivalent temps plein (ETP) par an. Selon la trajectoire prévisionnelle, il verrait donc son effectif passer de 3000 ETP en 2014, date de sa création, à 2400 en 2022. La subvention du gouvernement baisse au point qu’ en 2020, si rien n’est modifié, elle devrait être inférieure à la masse salariale !
Ces baisses de subventions amputent les budgets de fonctionnement du CEREMA mais aussi, plus grave, d’investissement. Et alors même que les effets du réchauffement climatique et des dégradations environnementales accroissent la nécessité, et donc les potentielles champs d’étude et d’action, de cet opérateur !
Ces mesures de rigueur sont encore plus sidérantes quand elles touchent un domaine où le gouvernement affiche également bien des ambitions : l’espace maritime français.
La contradiction entre les effets d’annonce en matière environnementale et maritime, je les ai aussi constatés en fin d’après-midi à Brest en visitant le groupement de Gendarmerie Maritime. Occasion là aussi de rencontrer des hommes passionnés par leur mission, à la fois gendarmes ET marins (la précision est utile). Et ces missions sont multiples au point où on se demande comme ces 400 militaires y font face sur un domaine qui va de Brest à Hendaye en recouvrant tout l’espace maritime !
Difficile de comprendre par exemple comment ce groupement opère avec un seul patrouilleur (contre 2 au groupement Manche/Mer du Nord et 2 au groupement Méditerranée). Mais le plus surprenant est ailleurs : depuis 2015, ces gendarmes ont également pour mission de surveiller la préservation des aires marines protégées. Les gendarmes ont, avec rigueur, déterminé combien de temps leur prend cette nouvelle activité : pas moins de 15 % de leur charge de travail globale. Sauf qu’ils le font à effectif constant. Là encore en matière environnementale, comme le CEREMA, on demande aux gendarmes de faire plus avec moins.
Il se trouve que les gendarmes surveillent ces aires protégées en collaboration avec le personnel de l’ONCFS et de l’AFB. Ce sont justement deux de ses agents, des membres du syndicat CGT-Environnement, que j’ai rencontré pour clôturer ce déplacement brestois. Eux aussi ont constaté depuis des années l’abaissement du nombre de postes et le développement du recours aux contractuels. Pire, la fusion prochaine des différents établissements travaillant sur la biodiversité (AFB et ONCFS devenant l’OFB) verrait la suppression de 150 postes. Ce qui devrait encore diminuer l’effectif actuel (environ 150, dont beaucoup de précaires) travaillant sur les 9 Parcs naturels marins et 220 sites Natura 2000. Dans la situation actuelle, on est déjà très en deçà de l’effectif de 30 agents prévus à l’origine pour chaque parc (ils ne sont plus que 21 par exemple pour celui de la Mer d’Iroise pourtant un des mieux lotis), mais la situation va donc empirer.
Dire que dans le même Emmanuel Macron promet de protéger 30 % des surfaces maritimes (aujourd’hui à 23 % mais en trichant largement puisqu’y incorporant de de très grandes surfaces maritimes désertes en Outemer) et de 1 à 10 % les zones de protection renforcée ! Avec quel personnel ?
Ces exemples concrets montrent l’hypocrisie des annonces environnementales d’Emmanuel Macron. Et si on avait besoin de s’en convaincre il suffirait de regarder le sort qui sera réservé au ministère de la transition écologique et solidaire dans le prochain collectif budgétaire : il sera, avec la santé (et oui un autre domaine considéré pourtant comme une priorité !) et les finances, un des trois plus impactés par les baisses budgétaires. Ces nouvelles baisses frapperont un ministère qui a déjà vu ses effectifs fondre comme la banquise sous l’effet du réchauffement climatique : moins 11 300 ETP en 6 ans !
On le voit, il s’agit de faire beaucoup plus avec toujours moins, ce qui à un moment donné veut dire : ne pas faire, et se contenter de communiquer. En mer comme à terre la tartuferie n’a décidément pas de limite.
Eric Coquerel
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