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Comment le cas Zemmour symbolise 30 ans de big bang médiatique

Le 28 septembre, Eric Zemmour a déclaré : “Tous nos problèmes aggravés par l’immigration sont aggravés par l’islam". Il a aussi présenté les mêmes immigrés en "colonisateurs" et décrit une France en proie à une “islamisation de la rue”. Et soutenu que “dans la rue, les femmes voilées et les hommes en djellabas sont une propagande par le fait”. Entre autres. Le polémiste tenait ces propos depuis la “Convention de la droite” de Marion Maréchal - Le Pen. Mais il les tenait, surtout, en direct à la télévision, puisque LCI avait décidé de retransmettre de large moments de cet “événement” en direct. En particulier le passage de Zemmour à la tribune. Et donc de les rediffuser en boucle, puisque c’est le principe de la chaîne d’information en continu.

 

Tandis que des plaintes partaient dès le lendemain pour le CSA (envoyées par SOS Racisme mais aussi par de nombreux téléspectateurs), et qu’un conflit éclatait au sein de la chaîne de télévision, cet épisode est l’occasion de regarder ensemble ces deux questions :

 

  • non seulement ce que Zemmour a dit (et qui relève de la loi, comme au moins trois de ses interventions passées qui lui ont valu d’être condamné au tribunal)
  • mais aussi ce que sa position dans l’espace public (et les chiffres de vente de ses livres) nous dit du champ journalistique, ou plutôt médiatique.

 

Quand la journaliste de LCI lance l’intervention en direct depuis “La Palmeraie”, où se déroulait le rassemblement d’extrême-droite, elle dit : “Et on écoute Eric Zemmour”, puis elle se tait. C’est-à-dire que les programmes s’interrompent pour laisser le micro au polémiste - et faire de l’audience avec son seul verbatim. Une demi-heure montre en main. Or dans son dernier livre paru le 12 septembre 2019, Le Venin dans la plume (à La Découverte), l’historien Gérard Noiriel nous invite justement à réfléchir à l’audience d’Eric Zemmour comme à un symptôme qui nous parle non seulement de racisme et d’islamophobie, mais aussi de ce qui se joue dans les médias.

 

Lucrative inversion

L’ouvrage de l’historien ambitionne d'éclairer le cas Zemmour depuis la trajectoire et l’audience du polémiste haineux que fut Edouard Drumont, tête de file du camp antisémite à la fin du XIXe siècle en France. Gérard Noiriel dessine un parallèle entre les deux hommes, qui partagent une grammaire commune et des procédés rhétoriques. La symétrie des haines est frappante. Déjà 150 ans plus tôt, Edouard Drumont excellait dans ce que Noiriel nomme “la rhétorique de l’inversion” : les deux pamphlétaires façonnent une contre-histoire identitaire. Un récit défensif qu’ils présentent comme une vérité taboue qui serait au fond attaquée par l’histoire officielle ”bien-pensante”, “droits-de-l’hommiste” et globalement donneuse de leçons. Une narration de soi en tant que franc-tireur de l’ordre établi, en somme.

Ce faisant, l’un comme l’autre occupent un terrain médiatique qui est loin d’être périphérique… tout en criant à la victimisation. Le site Les Jours a récemment révélé qu'Eric Zemmour, qui cependant dénonce la muselière, venait d'être recruté par la chaîne Cnews malgré une troisième condamnation pour incitation à la haine. Paradoxal ? Plutôt consubstantiel, si l'on suit le raisonnement de Gérard Noiriel qui cherche à démontrer dans Le Venin dans la plume en quoi ce sont, justement, les conditions matérielles propres à ce champ médiatique qui accompagnent et, même, qui permettent par exemple l’émergence d’Edouard Drumont… jusqu'au recrutement d’Eric Zemmour sur une chaîne de télévision qui lui confiera bientôt une émission quotidienne du lundi au jeudi, de 19 heures à 20 heures

Pour dresser ces lignes parallèles de la polémique xénophobe érigée en position sociale, Gérard Noiriel identifie par exemple des circonstances comparables quand chacun des deux hommes entame sa carrière journalistique, alors qu’un gros siècle sépare (Drumont est né en 1844, Eric Zemmour en 1958). L’historien montre que l’un comme l’autre devient journaliste à un moment où l’on recrute largement, et que l’un comme l’autre quitte alors sa classe d’origine pour rejoindre un monde plus aisé socialement. Mais il montre surtout que tous les deux bénéficient de logiques d’audimat chauffées à la formule choc et à l'affrontement (en duel pour de vrai chez Drumont, mais seulement à coups de petites phrases en ce qui concerne Zemmour).

Source : France Culture

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Commentaires: 1
  • #1

    6667collaborer (dimanche, 27 septembre 2020 17:28)

    Débattre ne signifie pas inciter à la haine contre un groupe humain tout comme la liberté d’expression ne veut pas dire appel au meurtre.C’est un détournement,un dévoiement d’un droit qui nous est cher en France à savoir le droit d’exprimer librement ses opinions.Malgré de multiples condamnations en justice le fascisant zemmour réitère ses appels au meurtre sous couvert de liberté d’expression en bénéficiant de la collaboration idéologique de quelques chaînes d’infos ne sachant plus quoi faire pour faire grimper l’audimat.C’est pitoyable & dangereux pour ne pas dire abject.De ce point de vue zemmour et consorts sont très proches des fourriers de l’islam politique :c’est le même combat CONTRE la démocratie et les principes des Lumières.