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ÉDITORIAL. Débat démocratique en danger

 

 

«Ne pouvant assurer pleinement la sécurité des biens et des personnes ni les conditions d’un débat vif mais respectueux face à des menaces violentes, l’université a décidé d’annuler cette rencontre.» (1)

En France, à l’université de Bordeaux, une philosophe renommée n’a pu prononcer la conférence prévue jeudi. Elle a été réduite au silence et des étudiants ont été privés d’un enseignement !

Sylviane Agacinski est bien connue pour ses travaux et pour son engagement contre la marchandisation du corps humain. Son éthique manifeste une grande honnêteté intellectuelle et un profond respect des personnes. Mais des collectifs étudiants ont voulu empêcher «la tenue d’un échange légitime et évidemment contradictoire […] dans le cadre des débats sur la PMA et la GPA», expliquent les organisateurs de la conférence.

Ils dénoncent cette forme de censure qui «est une atteinte excessivement grave et violente à la confrontation des idées à laquelle notre université est attachée. Empêcher la discussion au sein d’une communauté participe d’une dérive liberticide. La gravité de cette entrave au débat démocratique ne saurait constituer ni fierté, ni victoire pour quiconque, mais une réelle indignation de tous ceux qui sont attachés à la richesse du dialogue, de l’échange pour comprendre la complexité de notre monde.» (1)

Les menaces et les insultes sont inacceptables sur le plan humain, républicain et démocratique. Nous disons ici toute notre solidarité et notre respect envers Mme Agacinski qui a été si odieusement et si lâchement traitée. Nous disons aussi toute notre inquiétude de voir se développer, au sein de l’Université, des modes d’intimidation et de censure là où la concorde et le débat doivent régner.

Aurait-on oublié les droits de l’homme qui nous sont si chers ? Pourtant, ils stipulent que «la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme: tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.» (2)

Sur le plan démocratique, cet événement est le signe de la montée de l’intolérance dans notre pays : «Ce climat d’intimidation est récent», expliquait Sylviane Agacinski au Figaro (3). C’est «une forme de terreur intellectuelle qui affecte gravement l’état du débat public. Il devient très difficile de débattre en France». Calomnies, insultes, menaces, interdictions frappent, de plus en plus souvent, des intellectuels, des artistes, des journalistes, empêchant l’expression publique de leurs travaux sur les questions sensibles.

Pourtant, la démocratie ne saurait vivre sans débat. Ce qui s’est passé à Bordeaux est une nouvelle alerte. Elle nous invite à développer l’éducation démocratique. Car la démocratie exige de tous les citoyens une certaine abnégation et un certain courage pour dépasser les intérêts particuliers et rechercher le bien commun. Le respect de la liberté d’expression en est le chemin.

(1) u-bordeaux-montaigne.fr (2) Article 11 (3) 24-10-19

Source Ouest France

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