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L’automne des Blouses blanches

 

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Au départ lancé dans les urgences, le mécontentement s’étend ces jours-ci à d’autres services, notamment en Île-de-France. Les assemblées générales se succèdent, des collectifs de médecins et de personnels soignants se constituent, et la lecture des courriels échangés témoigne d’un mouvement qui va crescendo.

«Nous faisons le constat d’une situation alarmante dans les hôpitaux publics, avec des pénuries de moyens et de personnels entraînant des pertes de chance pour les patients et un découragement des équipes soignantes», indique ainsi le compte rendu de la réunion qui s’est tenue jeudi soir à Necker. Traduction des «pertes de chance» : quand un examen important est, par exemple, retardé de quelques semaines ou mois, les traitements et soins démarreront plus tard, avec des risques.

La mèche qui a allumé le feu porte un nom barbare : l’Ondam, Objectif national des dépenses d’assurance maladie. Le gouvernement l’a fixé à +2,3 % l’an prochain par rapport à 2019, peu ou prou comme chaque année. Mais outre que les contestataires estiment qu’il faudrait que ce curseur tourne autour de 4 % pour maintenir le niveau de soins, l’effort de maîtrise des dépenses porte légèrement plus sur l’hôpital que sur la médecine de ville. La différence est minime, mais le symbole est fort.

Où trouver l’argent ?

La journée de mobilisation annoncée pour le 14 novembre promet d’être suivie et visible, ne serait-ce que parce que défileront ensemble - c’est rare - des grands professeurs de médecine et des infirmières et infirmiers. En face, le gouvernement est pris au dépourvu. Agnès Buzyn, ministre de la Santé, a annoncé un plan pour l’hôpital il y a un an, mais il a pris du retard. La revendication d’une hausse de 300 € net par mois des salaires des paramédicaux coûterait 4 milliards d’euros. Où les trouver ?

La question est toujours là même quand il s’agit de services publics : c’est celle des moyens que la Nation veut y consacrer. S’agissant de la santé, l’effort a triplé par rapport à ce qu’il était dans les années 1950, en pourcentage de la richesse nationale. Mais contrairement à une idée reçue, avec le même critère, les budgets affectés aux hôpitaux sont restés stables depuis trente-cinq ans (4 % du PIB). Alors que le vieillissement de la population et les traitements de pointe coûtent de plus en plus cher.

Les gouvernements, de gauche comme de droite, ont fait implicitement le même choix longtemps : pour que les Français paient de leur poche le moins possible pour leur santé (et c’est le cas par rapport aux autres pays développés) et continuent de choisir librement leur médecin, l’hôpital et l’industrie pharmaceutique ont été mis sous tension. Avec des bricolages. Ainsi, la promesse d’un départ à la retraite précoce compensait la faiblesse des salaires. Mais ce type de compromis boiteux ne fonctionne plus.

Sur le papier, on devine ce qu’il faudrait faire. Amplifier encore le préventif pour diminuer le curatif - cela existe déjà en dermatologie, pour le cancer du sein et du colon -, médicaliser des Ehpad, mettre fin à la tarification à l’activité qui multiplie les actes inutiles, etc. Agnès Buzyn n’a certes pas été inerte, elle a déremboursé l’homéopathie et veut par exemple encadrer la chirurgie de l’estomac, qui a triplé en dix ans. Mais avant d’autres décisions lourdes d’organisation, elle devra ouvrir sa tirelire.

(*) Directeur délégué de la rédaction des Échos.

Source : Ouest France

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