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C’est tant ! C’est trop !

En quelques heures la Macronie a montré son visage le plus glauque. A l’Assemblée nationale en votant l’impunité du glyphosate dans une loi par ailleurs faite de bavardages et de mesures favorables aux puissants du monde de l’agroalimentaire. Au Sénat en menaçant les membres de la Commission d’enquête sur l’affaire Benalla. Dans la rue quand le président de la République a accusé les chômeurs d’être responsables de leur chômage. Président des riches, ennemi des pauvres et se moquant de tout le monde, le président  croit qu’en nous faisant craindre sa destitution par le Sénat il va forcer l’affection des Français comme il voudrait de nouveau forcer leurs votes. On peut affirmer qu’il prend ses désirs pour des réalités qui sont à l’inverse dans le pays.

Cette nuit du 14 au 15 septembre, à 4 heures du matin, avec une loi agriculture qui sent bon le parfum des lobbies, la chimio-agriculture productiviste s’est donné un petit verre pour la route. Monsanto et Bayer ont gagné le doit de continuer leurs arrosages de glyphosate. Les députés « La République en marche » sont venus empêcher nos amendements et tous ceux qui voulaient interdire le glyphosate. Cet horaire pour en débattre, la hargne vulgaire des chiens de garde du groupe parlementaire Macroniste, tout cela dessine un tableau crépusculaire du régime.

Nous sommes à mi-septembre seulement et tous les éléments de crise politique laissés derrière nous fin juillet, loin d’être estompés par les vacances, sont revenus crument sur le devant de la scène. Et tous se présentent sous une forme durcie. Et cela du seul fait des errements de l’exécutif. C’est donc dans la sphère politique que la déstabilisation est la plus avancée alors même que s’avance une séquence de déstabilisation plus globale. En effet l’état économique et social du pays va « prendre cher » avec la présentation du budget de l’État et celui de la Sécurité sociale. Et cela sur fond de coup de frein frappant l’activité étouffée par une politique à contre sens des besoins.

Et là-dessus, revoilà l’affaire Benalla. Elle a déjà fonctionné comme un seuil : il y a un avant et un après Benalla pour la présidence Macron. À présent, cette même affaire revient sur le devant de la scène avec un bras de fer institutionnel sans précédent. Du jamais vu. Macron, Castaner, Benalla en personne d’un côté et de l’autre le Sénat en tant qu’institution. Les uns menacent et font pression, les autres observent sidérés.

Il y a donc désormais un cycle Benalla dans le quinquennat. Le nouvel épisode prend la forme d’une crise politique d’un type absolument nouveau. Bien sûr, il est possible que, dans l’ambiance délétère qui prévaut désormais, personne ne fasse plus attention ni à l’esprit des institutions, ni à leurs règles de fonctionnement, ni au poids des mots utilisés. Que le président de la République rappelle à l’ordre le président d’une des deux assemblées est un débordement de l’exécutif sur le législatif qui ne serait accepté dans aucun État démocratique ailleurs. Au demeurant, comment Macron peut-il croire que le président du Sénat a une autorité sur les choix et l’activité des membres d’une commission d’enquête ? C’est presque aussi choquant que le coup de pression lui-même.

Son garde du corps invective les parlementaires qui vont l’interroger. Mais il n’est pas publiquement rappelé à l’ordre. C’est une façon pour la présidence d’assumer une offense antiparlementaire d’une violence inconnue jusque-là. Là-dessus, monsieur Castaner, ministre chargé des Relations avec le Parlement, reprend la boxe. Il accuse le Sénat d’être un danger pour la République parce qu’il viserait la destitution du Président. L’énormité de l’accusation « danger pour la République » échappe-t-elle à ses auteurs ? Se rendent-ils encore compte de ce qu’ils disent ? Et le reste n’est pas moins sidérant. Le Sénat aurait donc vraiment l’intention de destituer le Président de la République ? On pourrait penser que c’est une bonne nouvelle. Mais qui peut sérieusement la croire ? À moins que le travail de cette Commission ne soit promis à faire des découvertes y conduisant. On se demande lesquelles. Si bien qu’un sénateur socialiste a pu se demander publiquement si Macron n’était pas devenu le garde du corps de Benalla avec ce genre de méthodes d’intimidation.

Bien sûr, depuis le début de tout cela, je n’ai pas quitté le sourire en coin. Comment oublier que nous avons été accusés d’être des violents ce 1er mai même au cours duquel les barbouzes du président tabassaient les passants ? Comment oublier le nombre de fois où l’on m’a accusé d’être excessif et agressif en voyant ces personnages agresser l’institution parlementaire et un sicaire du pouvoir injurier les sénateurs ? Comment oublier que ces gens m’ont reproché de ne pas avoir « accepté le résultat de la présidentielle » comme s’ils en doutaient eux-mêmes au point d’être devenus si chatouilleux sur la stabilité de cette présidence face à une simple commission d’enquête ?

La portée de cet enchaînement et son contexte à la suite de l’année Macron secoue en profondeur tout l’édifice républicain. Quel genre d’État de droit sommes-nous devenus ? Voyons ce tableau. Un accord international s’applique sans être discuté devant notre Parlement. La règle sociale est négociée entreprise par entreprise. Le président agresse le Parlement sans aucune réaction des oies médiatiques du Capitole. Et ainsi de suite. Telle est devenue la France sous Macron : une start-up sans conseil d’administration.

Mais ce pays est tellement plus que cela ! La camisole macronienne éclatera.
Dans ce contexte institutionnel rendu si explosif par Macron lui-même, les épisodes de la démission et du remplacement de Nicolas Hulot puis de la nomination et du remplacement de de Rugy ont aggravé les problèmes qui se posaient au pouvoir dans ce cas. Le diagnostic et le bilan de Hulot fonctionnent comme un réquisitoire et une motion de censure de la politique écologique en cours. Puis il y a eu une séquence de mise aux enchères du ministère de l’Écologie, où, pour finir, aucun écolo connu n’en a voulu.

Dans cette ambiance, les gesticulations de Cohn Bendit ont continué de donner l’impression d’un grand n’importe quoi : le président discute d’égal à égal avec un histrion perdu de réputation. La nomination de de Rugy s’est donc présentée comme un pis-aller misérable. Il révélait qu’au fond le seul souci du pouvoir était de s’approprier un bon gisement de complaisances. Comme si ça ne suffisait pas est arrivé le sketch masculiniste de l’élection de Richard Ferrand au perchoir de l’Assemblée nationale. Bilan final de l’ensemble : une ambiance glauque précipitant l’image du régime Macron dans les basses cases des mauvais souvenirs de décadence du passé.

Ce tableau d’impuissance à maitriser l’histoire dont il est l’acteur, fait de Macron, en quelque sorte, une nouvelle victime de l’univers déstabilisé qu’a provoqué son élection. Rien ne tient désormais, pas même lui. C’est sans doute cette crainte qu’exprime Castaner quand il pense voir venir une destitution du président.

Pour ma part, j’ai toujours mené mes combats en tâchant de tirer partie de l’énergie que déploie l’adversaire. Ici la macronie nous fournit une énergie très auto-destructrice qui fournit les moyens de nombreuses prises. Je vois de plus un autre point d’appui dans la stratégie de Macron. Il veut installer le paysage d’un face à face avec Le Pen dans l’élection européenne. Et de la même façon, il y aurait un face à face Orban/ Macron. Dans l’un et l’autre cas personne n’a l’air de se soucier vraiment du paroxysme de crise politique que cela signifierait au deux échelons national et européen. Opportunément, un sondage sur 565 personnes vient confirmer au niveau national ce paysage espéré par le pouvoir.

Au fond, assez cyniquement, Macron compte comme d’habitude sur un vote forcé du type de celui qui lui a permis d’être élu président. J’ai la certitude que cela ne peut fonctionner. Les gens savent que le pouvoir de l’État n’est pas en cause avec une élection européenne. Dès lors, la mobilisation forcée n’aura pas lieu aussi facilement « pour faire barrage » que la macronie peut le croire. Les castors en ont marre. Au demeurant, les électeurs euro-béats sur lesquels compte Macron vont s’éparpiller entre la liste de EELV, celle du PS et peut-être même une liste centriste. Par contre, le vote anti-macron sera bien stimulé par le contexte. Comptez sur nous pour faire savoir qu’en cas d’un vote sanction net, Macron sera plus proche de la sortie de secours de l’Élysée que du trône !

Mais l’agitation de la menace Le Pen et son instrumentalisation une fois de plus joue aussi pour déstabiliser le régime. Car cela approfondit à la fois le sentiment d’une insupportable manipulation supplémentaire mais aussi celui d’une crise politique qui ne se règle jamais. Cette conjonction va beaucoup nous aider à nous valoriser comme alternative rompant avec ce face à face du pouvoir (quel qu’il soit) et des Le Pen qui dure depuis vingt ans. Mais surtout, il va aggraver le sentiment d’un pouvoir Macroniste qui n’a rien changé, sinon en pire, depuis sa mise en place. Le sentiment d’une crise politique à laquelle répond précisément notre proposition de Constituante et notre objectif de la sixième République. Bref : plus le pouvoir Macroniste joue avec le feu, plus se raccourcit le chemin vers le pouvoir.

Dimanche s’est close la Fête de l’Humanité 2018. Le message essentiel des dirigeants communistes aura été de taper sur « La France insoumise » tout en lançant des appels à « l’union des gauches ». À l’inverse, pour nous,  les responsables insoumis, le souci essentiel était par-dessus tout d’éviter les incidents. Bref, à tout prix, éviter les images qui nuiraient aux relations sur le terrain entre des femmes et des hommes avec qui nous agissons le plus souvent au coude à coude. Car ce sont ces liens que certains veulent briser à tout prix.

Le groupe parlementaire a donc décidé d’éviter la cérémonie du discours de Pierre Laurent, devenu le haut lieu des provocations verbales. En effet, l’an passé, quatre mois après la présidentielle, ce discours avait été l’occasion d’une agression verbale assez odieuse pour que nos représentants s’en aillent en refusant de le saluer. Cette année, avant même la fête, la tête de liste de la direction du PCF aux européennes avait, de façon préméditée, invectivé de façon spécialement offensante le député insoumis Adrien Quatennens. En effet, pour mettre en cause sa position sur l’immigration, il avait évoqué contre lui le devoir d’accueil inconditionnel de son grand-père fuyant le nazisme. On ne peut faire pire pour rendre toute relation impossible. La grossièreté du procédé nous a conduit à penser qu’il s’agissait d’une volonté délibérée de l’actuel cercle dirigeant du PCF dont Brossat est devenu la vitrine. Ce cercle a multiplié les offenses ces trois dernières années pour sauvegarder ses alliances avec le PS. Ian Brossat est la figure emblématique  de cette stratégie aux côtés d’Anne Hidalgo à Paris. Nous savons que les européennes ont lieu 9 mois avant les municipales et celles-ci sont la véritable cible de l’équipe dirigeante actuelle du PCF.

Évidemment, l’absence au discours de Pierre Laurent n’avait rien d’un boycott de la Fête comme a voulu le faire croire Ian Brossat. Les Insoumis étaient nombreux dans les allées de la Fête. Leurs députés et porte-paroles ont honoré toutes les invitations qui leur avaient été adressées. En évitant le discours de Pierre Laurent au stand du CN du PCF, nous avons évité tous les incidents et les images désastreuses qui seraient allées avec. De la sorte nous avons aussi rendu service aux communistes de la Fête que des images de provocations auraient desservis, comme ce fut le cas lorsque notre stand avait été dégradé à deux reprises ou les accrochages filmés avec gourmandise à la sortie du discours de Pierre Laurent !  Il s’agit de sauver les dialogues futurs. Ces dialogues reprendront, un jour ou l’autre, quand cette page sera tournée par les communistes.

De ce point de vue, nous aussi nous attendons beaucoup du congrès communiste. Nous espérons que soit tournée la page des relations lamentables qui prévalent depuis trois ans. Car le Front de Gauche est mort de notre refus de la stratégie d’alliance à géométrie variable de la direction communiste actuelle. De notre refus des « primaires de toute la gauche ». Mort du refus du PCF de permettre les adhésions directes au Front de Gauche et les comités de base. De leur refus de rompre avec Tsípras après sa trahison. Collusion qui continue aujourd’hui encore, alors même que  le porte-parole de Syriza propose un front de Macron à Tsípras en Europe « face aux populismes ». De leur refus de dire si oui ou non leur politique européenne se fait à traités constants comme le disent Hamon et Brossat ou s’il acceptent la statégie de la désobéissance aux traités que nous proposons. Bref, il faut le rappeler : la fin du Front de Gauche n’a pas été une fâcherie personnelle mais une rupture politique sur des questions politiques.

Le divorce dure parce que rien de tout cela n’est réglé au PCF. Et parce que la ligne Brossat, pour trouver un accord avec Hamon, se construit sur une mise au ban des Insoumis sur la base de diffamations communes contre les Insoumis. Tout cela pour protéger la poursuite des alliances à géométrie variable. La nouvelle alliance qui se profile est un attelage des plus étranges si l’on tient compte de la ribambelle de déclarations identitaires entendues récemment. Benoît Hamon-Varoufakis-PCF ? Pourquoi pas ? Cela facilitera la clarification. Bien sûr, nous savons que cette coalition consacrera toute son énergie comme aujourd’hui à nous réserver tous les coups et à tout faire, comme à la présidentielle, pour empêcher notre succès. Mais ce nihilisme sans projet sera vite décrypté.

Rien ne le dit mieux que l’appel du député PS Carvounas. Celui-ci était le porte-parole de Manuel Valls un temps. Il comparait alors les communistes aux nazis. A présent, il appelle à une liste PCF/ PS/ EELV dans le noble projet de « ne pas disparaître ». Quel programme ! Où le peuple trouverait-il son compte dans ce sauvetage ? Les électeurs trancheront. Et alors le paysage sera solidement redessiné pour préparer sérieusement la conquête du pouvoir en 2022 au fil des élections locales. J’ai la ferme conviction que la voix des urnes fera le travail d’apurement qu’elle a commencé aux élections présidentielles. Nous espérons tout d’elle. Rien des combines et accords de sauvetage mutuel auxquels s’invitent entre eux nos agresseurs.

Pour nous, l’essentiel est ailleurs. Sur le terrain, ici et là dans les luttes, à l’Assemblée nationale, le plus souvent, les Communistes et les Insoumis marchent ensemble. D’autant plus facilement que souvent des Insoumis se disent communistes et que des Communistes se disent insoumis. C’est bien. « La France insoumise » est bien un label commun. Chacun en dispose pour mener à bien son travail en vue de l’insoumission de la société tout entière. Personne ne renonce à son identité. Cette façon de vivre en commun se fait sans discours ni négociations. C’est une coopération spontanée. Et quand cela ne se fait pas, cela tient davantage au comportement des personnes qu’aux divergences d’idées. Il ne s’agit pas de dire que les programmes sont les mêmes.

Résumons. Le but des communistes est la révolution socialiste, la propriété collective des moyens de production et le communisme. Ils amorcent un tournant écologiste qui nous réjouit. Le nôtre c’est la Révolution citoyenne, le partage des richesses, la planification écologique et la 6ème République. Ces deux projets ont des plages communes mais ils ne se confondent pas, cela va de soi. Mais cela n’empêche pas d’ici-là d’agir ensemble. C’est pourquoi nous attendons donc beaucoup du prochain congrès communiste.

Nous attendons d’avoir des interlocuteurs fiables qui tiennent parole, garantissent une ligne constante, renoncent à l’injure et à la trahison de la parole donnée dans leurs relations avec nous comme l’a fait pendant toutes ces années la direction communiste actuelle. Le reste est l’affaire des communistes et je ne m’en mêlerai point. Notre conviction est que des communistes sûrs d’eux-mêmes seraient des interlocuteurs plus fiables. Mais il va de soi que nous attendons aussi des clarifications sur les sujets brûlants que Brossat a mis à l’ordre du jour.

Par exemple, nous ne sommes pas d’accord pour que l’immigration soit le débat central de la prochaine élection comme l’a proclamé Brossat au nom du PCF. Ce serait servir la soupe à Macron et Le Pen. Et nous ne sommes pas d’accord pour renoncer à traiter les causes de l’immigration comme l’affirme Brossat contre Quatennens au nom du devoir d’accueil inconditionnel de son grand père juif fuyant les nazis. Nous ne sommes pas d’accord pour taire le fait que le patronat utilise la main d’œuvre sans-papier pour la maltraiter et la sous-payer dans le but de se procurer de la main d’œuvre peu chère et de peser sur le salariat organisé. En le disant, cela ne signifie ni que nous rendons les migrants responsables des bas salaires ni du chômage comme nous en accusent calomnieusement Besancenot, Hamon, Brossat.

Nous avons prévu de créer un statut de réfugié économique pour répondre au problème que posent les personnes dans cette situation sans sombrer ni dans l’expulsion générale ni dans le refus du contrôle. Nous nous prononçons pour la régularisation des travailleurs sans-papier et le même contrat de travail pour tous en opposition au statut de travailleur détaché. Nous ne sommes pas pour le droit de libre installation. En effet nous défendons la réalité des frontières parce que nous en avons besoin par ailleurs pour appliquer notre programme et faire du protectionnisme solidaire, de la relocalisation, de l’impôt universel, du contrôle des marchandises et de la douane. C’est une position de raison que la nôtre. Nous pensons qu’elle mérite d’être discutée en tant que telle et non disqualifiée par l’injure.

Du coup, nous attendons de nos contradicteurs que leurs positions soient clarifiées. Nous attendons qu’elles soient mises en mots comme une politique applicable au pouvoir et pas simplement une déclamation en vue de nous flétrir. Certes, aujourd’hui il semble qu’il suffise de nous insulter pour être dispensé de préciser ce que l’on défend soi-même. Il suffit de dire « LFI, c’est flou » sans jamais démontrer quoi que ce soit pour être aussitôt repris en boucle. Cela ne durera pas : le vrai flou est celui de nos contradicteurs. Il ne résistera pas à un débat sérieux. Nos positions sont argumentées. Elles forment un tout. Un document écrit les présente. Nos positions ne sont pas celles qui nous sont attribuées par des journalistes trop fainéants pour lire notre programme sur le sujet ou des politiciens trop éloignés de la vie institutionnelle pour avoir écouté nos oratrices et orateurs à la tribune de l’Assemblée nationale. Et l’amnésie sur la participation de chacun à la loi Valls sur l’immigration ne durera pas non plus, qu’on se le dise.

Bref, sur cette question, nous espérons que le congrès communiste donne des réponses claires car c’est à ce prix qu’un dialogue argumenté est possible. Mais est-il réellement souhaité ? Le niveau de violence verbale actuelle de l’équipe de Pierre Laurent montre que non. Peut-être parce que l’addition des flous dans les choix ne laisse plus que la hargne comme dénominateur commun et le report sur autrui des causes de son impuissance.  Nous sommes certains que les communistes  n’accepteront pas cette identité rabougrie et cette hargne si exclusive.

À bientôt camarades !

Le 29 août dernier, le député européen insoumis Younous Omarjee intervenait en Commission environnement du Parlement européen pour dénoncer le nouvel accord de libre-échange signé par l’Union européenne avec le Japon : le JEFTA. Comme il remettait en cause avec éloquence le dogme du libre-échange, l’administration de ce Parlement a essayé de l’intimider pour qu’il supprime les vidéos de ses interventions sur Twitter. « Fake news » que son propos selon la personne zélée qui essayait de l’intimider. Je vais donc montrer que cela n’impressionne aucun d’entre nous !

Le JEFTA est le plus grand accord de libre-échange jamais signé. Il dépasse l’accord entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Il couvre un tiers de l’économie mondiale et plus de 600 millions d’habitants. Sur le modèle du TAFTA ou du CETA, il dépasse les frontières traditionnelles des simples droits de douanes pour s’intéresser aux règlementations et libéraliser à tous crins.

Il va sans dire qu’un tel accord aura des conséquences majeures sur la vie des Européens. Mais comme d’habitude, c’est dans le plus grand secret et sans procédure démocratique que la Commission a choisi de le négocier et, pour finir, de l’adopter cet été. Tout est calamiteux dans cette affaire. Le secret et l’intimidation y règnent en maîtres. Par exemple, alors que le mandat de négociation de la Commission a été adopté en 2012, son contenu reste encore aujourd’hui secret. Jamais le Parlement européen n’a été consulté pendant les négociations. Pourtant, Jean-Claude Juncker a annoncé la conclusion sans crier gare le 17 juillet. Pire : le 22 mai 2018, les ministres des Affaires étrangères ont entériné une nouvelle procédure d’adoption des accords commerciaux. Elle prive les Parlement nationaux de tout rôle. Les députés français ne seront donc même pas consultés sur le JEFTA. Et cet abandon de souveraineté a été accepté par le gouvernement de Macron.

La méthode anti-démocratique est en accord avec le contenu, antisocial et anti-écologique. Le JEFTA abaisse voire supprime les droits de douanes dans beaucoup de secteurs. C’est ainsi que le Japon a obtenu une baisse des droits de douanes sur les voitures. L’Union européenne préfère donc pousser à consommer plus d’automobiles plutôt que d’investir dans la recherche pour produire des voitures moins polluantes. Car en baissant ses droits de douanes, l’UE se prive d’un moyen d’intervention publique. Ces droits représentent en effet une partie non négligeable de ses recettes propres, qui ne proviennent pas de transferts des États. Avec le JEFTA, elle se prive immédiatement de 970 millions d’euros par an et, à terme, de plus de 2 milliards d’euros. Et comme si cela ne suffisait pas, sachons que cette ouverture totale se fait vis-à-vis d’un État qui n’a pas ratifié la convention de l’Organisation internationale du travail sur l’abolition du travail forcé. Ni celle sur la discrimination au travail.

Mais l’accord ne se contente pas des droits de douanes ! Il pousse à la privatisation et à la concurrence partout. Et notamment dans le domaine des services publics. Il sera interdit aux entreprises publiques de traiter les entreprises, services ou marchandises de l’Union européenne différemment de leurs homologues japonais. Les marchés publics des grandes villes européennes se trouvent également ouverts. Une collectivité qui voudrait par ses commandes publiques favoriser des produits locaux pourrait donc se voir mettre en défaut par le JEFTA.

Sur le plan du climat, l’accord est désastreux. Lors de l’émission de radio au cours de laquelle il a annoncé sa démission, Nicolas Hulot a rappelé à quel point ces accords de libre-échange étaient contradictoires avec la lutte contre le réchauffement climatique. Le grand déménagement du monde est responsable de 15% des émissions de dioxyde de carbone dans le monde. La fondation pour la Nature et l’Homme et l’institut Veblen ont dénoncé l’accord JEFTA comme accentuant le dérèglement climatique.

La protection de la biodiversité passe aussi par pertes et profits. Toutes les taxes douanières sont supprimées sur la pêche alors que le Japon est connu pour la surexploitation des ressources halieutiques. Et surtout, comme nous l’avons rappelé, Younous omarjee et moi, chacun dans nos assemblées, le Japon pratique la pêche à la baleine, une espèce menacée pour laquelle il existe pourtant un moratoire international sur la pêche. L’accord ne fixe aucune limitation ou interdiction a ce sujet en dépit des condamnations des organismes internationaux unanimes que cette activité a valu au Japon.

Macron a accepté tout ça lors du Conseil européen du 17 juillet dernier. Il a également accepté le fait que ni le peuple ni le parlement français n’ait son mot à dire sur le sujet. Que reste-il de de sa promesse selon laquelle plus jamais on ne devait voir un accord international etre adopté comme l’avait été le CETA ?  Il reste quelque chose : c’est pire à présent !

L’Union européenne est un paradis pour ceux qui veulent éviter de contribuer par l’impôt à hauteur de leurs revenus. Elle abrite pour cela en son sein plusieurs paradis fiscaux. Et aucune règle ne permet de lutter contre les montages crapuleux pour payer le moins possible. Les géants du numérique en profitent à plein. Facebook et Apple ont pour point commun de rapatrier leurs bénéfices en Irlande. Au final, le taux d’imposition moyen de Google dans l’Union européenne est de 0,82%. Quant à Apple, c’est encore moins. L’entreprise qui est la première capitalisation boursière du monde paye 50 euros d’impôts en Europe chaque fois qu’il en gagne un million. Soit un taux d’imposition effectif de 0,005%.

La chance pour les voleurs du fisc est qu’il se trouve toujours un État européen pour bloquer toute tentative de les faire payer, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Cette fois, c’est le gouvernement allemand qui endosse le rôle de protecteur de l’évasion fiscale. En mars 2018, la Commission européenne a fait, sous la pression des scandales à répétition, une proposition limitée aux États membres. Il s’agit d’instaurer une taxe de 3% à l’échelle européenne sur le chiffre d’affaire généré par la vente d’espaces publicitaires en ligne et la vente des données personnelles. Cette taxe serait largement insuffisante pour recouvrer les sommes non payées par les multinationales du numérique, étant donné leurs taux d’impositions actuels.

Par ailleurs, elle ne vise pas toutes leurs activités. Les revenus générés par le commerce en ligne ou les abonnements ne seraient ainsi pas concernés. Des entreprises comme Netflix ou Amazon, pourtant champions de l’évasion fiscale, passeraient entre les mailles du filet. Ce n’est donc pas une proposition de nature à rétablir la justice fiscale. Mais tout cela c’est encore trop pour le gouvernement allemand qui dirige l’Europe. Il a fait savoir par la voix de son ministre des Finances, Olaf Scholz, que cette proposition était « non productive » et constituait une « diabolisation » des GAFA.

En vérité, le patronat allemand a surtout peur de représailles des États-Unis. Toutes les multinationales du numérique sont américaines. Et Trump menace déjà de rétablir des droits de douane importants sur les importations de voitures aux États-Unis. Or, le secteur automobile représente 20% de l’activité industrielle de l’Allemagne et 25% des exportations allemandes aux États-Unis. 90% du marché américain des automobiles de luxe est occupé par des constructeurs allemands. Pour protéger son industrie automobile, l’Allemagne semble donc décidée à bloquer toute tentative pour taxer en Europe les multinationales américaines.

Si l’Allemagne bloque, ce serait un nouveau camouflet pour Macron. Après le glyphosate, après le « budget de la zone euro », le gouvernement Merkel aura une fois plus choisi les intérêts du capital allemand plutôt que le fameux « couple franco-allemand » des fantasme de l’eurolatrie ordinaire. Il existerait pourtant une solution pour faire, sans attendre le feu vert de Merkel. Dans le cadre du projet de loi sur l’évasion fiscale, la France insoumise a déposé un amendement pour permettre au fisc français d’utiliser des données comme le chiffre d’affaire, le nombre de ventes, le nombre d’utilisateurs pour estimer le bénéfice réel réalisé en France et prélever l’impôt en conséquence. Par exemple, si Apple réalise 10% de ses ventes en France, on estime que son bénéfice français est égal à 10% de son bénéfice mondial. Cela permettrait de couper l’herbe sous le pied des tricheries et montages qui permettent aux multinationales de ne déclarer qu’un bénéfice ridicule en France.

Il n’y a pas besoin pour cela d’attendre l’Union européenne. C’est une décision qui dépend du Parlement français et dont l’application peut être mise en œuvre par l’administration fiscale française. C’est d’ailleurs ce que dit l’économiste qui en a apporté l’inspiration, Gabriel Zucman. « Il est très important de comprendre que la France peut réformer sa fiscalité unilatéralement. On peut continuer à essayer de négocier avec les paradis fiscaux au sein de l’Union européenne, mais cela risque de prendre des décennies. A ce stade, il vaut mieux que la France fasse cavalier seul. » déclarait-il dans Le Monde, en novembre 2017.

Mais Macron ne décide rien sans l’aval de Merkel. Et Merkel a dit non.

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