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BFMTV réussit la rentrée politique de Marine Le Pen

Des sondages tout plein de “percées”, une tête de liste aux européennes qui cumule toutes les qualités, une rentrée médiatique parfaitement orchestrée : sur BFMTV, seuls Marine Le Pen et le Rassemblement national sont en mesure de s’opposer à Emmanuel Macron.

 

« Elle semble avoir le vent en poupe, Marine Le Pen. » Et le vent se renforce, ce dimanche sur BFMTV. « On le voit actuellement dans les sondages. » Et sur toutes les chaînes. « Le mouvement des Gilets jaunes a fait renaître de ses cendres le Rassemblement national, qui n’a jamais eu autant de percées dans les sondages. » Avec toutes ses percées, le RN est un peu la chignole des sondages. « Il semble que ce sera de très bonnes élections pour le Rassemblement national. » En tout cas, BFMTV s’y emploie.

 

« Marine Le Pen a donc lancé sa campagne pour les élections européennes, résume la présentatrice. Vous avez suivi son discours en direct sur BFMTV. » Et son exégèse par Jérémy Brossard, du service politique. « Elle a dressé le clivage entre les européistes et les patriotes, elle reprend un peu le clivage qu’Emmanuel Macron avait lui-même identifié entre les progressistes et les tenants du repli identitaire. » Serait-ce que ce « clivage » leur sied à tous deux ? « Sans doute sont-ils les deux rivaux principaux de ces élections européennes… » Ah bon ? Mais pourquoi ? « Parce que, si l’on en croit les sondages… » D’accord, j’ai compris : parce que les sondages. Et les sentiments : « … on a le sentiment que les autres forces politiques, les Insoumis ou Les Républicains, sont loin derrière et que le véritable match des européennes, ce sera évidemment Marine Le Pen et Emmanuel Macron. » Evidemment.

 

« Elle a utilisé des termes très clairs, m’éclaire Jannick Alimi, du Parisien. Elle surfe sur le mouvement populiste qui déferle en Europe, aux Etats-Unis ou en Amérique latine… Quand je dis “elle surfe”, ce n’est pas négatif. » Ouf, j’ai eu peur. « Elle a très bien capté la colère des Gilets jaunes, elle a été une des premières à la capter. » Sans doute parce que les rond-points de Saint-Cloud sont l’épicentre du mouvement. « La France des Gilets jaunes est plutôt celle de la classe modeste qui correspond au socle naturel du RN. » Les experts de BFM sont formels, les Gilets jaunes votent Le Pen, c’est naturel.

 

Apolline de Malherbe salue le choix de la tête de liste du Rassemblement national aux européennes. « Avec la figure de Jordan Bardella, ils vont pouvoir reprendre les arguments d’Emmanuel Macron qui disait : “Nous sommes le nouveau monde.” » Si j’en crois l’éditorialisre, il suffit d’être jeune pour incarner un « nouveau monde », aussi rétrograde soit-il. « Franchement, qu’est-ce qu’il y a de plus nouveau que d’oser mettre à la tête de sa liste un jeune homme de 23 ans quasiment inconnu ? » Je ne sais pas. Un jeune homme de 22 ans quasiment inconnu ? Selon Apolline de Malherbe, désigner cet inconnu (omniprésent sur les plateaux, notamment ceux de CNews) n’est pas un handicap. « La marque Le Pen est extrêmement puissante. » Presque autant que la marque BFM. « Le Rassemblement national est un des derniers partis à tenir véritablement la barque. » Avec le vent en poupe, c’est plus facile.

 

Jannick Alimi tempère l’enthousiasme d’Apolline de Malherbe : « Jordan Bardella, aussi jeune et aussi brillant soit-il… » « Et efficace, hein, la coupe l’éditorialiste. Très efficace… » « Absolument, très efficace, convient l’éditorialiste. Vous avez raison, il est très compétent, il a le cuir épais. » Ce jeune homme possède toutes les qualités. Autant qu’une tête de liste, c’est le gendre idéal. « Mais c’est un pis-aller », assure Jannick Alimi, rappelant que Nicolas Bay ou Louis Alliot étaient pressentis mais qu’ils ont été empêchés par l’enquête en cours sur leurs assistants parlementaires. Apolline de Malherbe se range à son avis : « Il apparaît presque comme une marionnette. » « Mais il est compétent, insiste Jannick Alimi. Il va certainement prendre en épaisseur au fil de mois. » Je ne doute pas que BFMTV l’y aidera.

 

Apolline de Malherbe salue l’efficacité du retour médiatique de Marine Le Pen. « Cette histoire de l’alliance avec Thierry Mariani a été habilement placée juste avant sa rentrée. » En effet, en début de semaine, la nouvelle recrue a écumé tous les plateaux, où se sont aussi pressés les dirigeants du RN invités à vanter son ralliement…. Bien joué.

Mais BFMTV n’a pas démérité. Comme dirait Apolline de Malherbe, son histoire de « grande enquête sur la dynastie Le Pen » a été habilement placée juste au moment de la rentrée politique de Marine Le Pen : elle est diffusée ce lundi soir sur la chaîne info, qui nous abreuve de bande-annonces et de teasers depuis une semaine.

 

La bande-annonce, d’abord. « Enquête sur une dynastie unique, les Le Pen. » C’est donc l’angle familial que BFMTV a choisi. « Jean-Marie le fondateur, Marine l’héritière, Marion l’avenir. » Marion Maréchal est l’avenir ? Je l’ignorais, ça me fait plaisir. « Un incroyable feuilleton politique et familial avec des secrets, des pardons et des trahisons. » Mais pas de politique, j’espère. Parce que, comme le confie Marion Maréchal à la fin de la bande-annonce : « J’ai vu la politique atomiser ma famille à toutes les générations. » Snif, je verse une larme.

Jeudi matin, entre deux bande-annonces, le présentateur rappelle : « BFMTV propose une nouvelle grande enquête sur un feuilleton politico-familial qui passionne les Français depuis plus d’un demi-siècle, la dynastie Le Pen. » Pas sûr que ça les passionne autant que BFMTV. « Ce matin, nouvel extrait, avec les coulisses de la réconciliation du patriarche avec ses filles. » Je sens que ça va être émouvant. « C’était lors des 90 ans de Jean-Marie Le Pen, l’été dernier, au domaine familial de Montretout. »

 

Un tendre cliché montre le patriarche entouré de ses deux filles, c’est poignant. « Une photographie envoyée à la presse officialise ce que Jean-Marie Le Pen appelle “l’âge des indulgences”. » Le nonagénaire explique : « Au moment où on va avoir froid, on essaie de se réchauffer le cœur. » Il est touchant, Jean-Marie, en papi-gâteau. « C’est donc l’esprit tranquille que Jean-Marie Le Pen peut fêter ses 90 ans. » Voilà qui me réchauffe le cœur.

 

Le lendemain, c’est la présentatrice qui s’y colle : « Vous savez que BFMTV vous propose une nouvelle grande enquête sur ce feuilleton politico-familial qui passionne les Français depuis plus d’un demi-siècle, la dynastie Le Pen. » Oui, je le sais (difficile de faire autrement) et ça me passionne toujours autant. Le présentateur promet que la grande enquête reviendra sur « les liens entre Marine Le Pen et sa nièce Marion racontés sans langue de bois par les cadres du parti. Extrait ». Las, l’extrait ne se rapporte en rien aux liens entre « l’héritière » et « l’avenir ».

 

Il met en scène une avocate devenue l’amie de Marine Le Pen pendant leurs études. « Entre les deux femmes, le courant va vite passer en dépit du fossé qui en apparence les oppose. » « Elle venait de Saint-Cloud et moi de la Cité des 4000 à La Courneuve, raconte l’intéressée. Si j’ai réussi à devenir une copine alors que moi j’étais communiste et elle frontiste… » Notez que Marine Le Pen a des amis communistes (et ostensiblement basanés), preuve de son immense tolérance. « … C’est parce que j’ai crevé l’abcès dès le début. Je lui ai dit : “Marine, je ne suis pas d’accord avec les idées de ton père et je n’ai jamais digéré le “détail” des chambres à gaz. Elle a beaucoup ri et elle m’a dit : “Attends, mon père, il ne dit pas que des trucs intelligents, ça lui arrive de dire des conneries aussi.” » J’ai beaucoup ri.

Avant même d’avoir vu l’intégralité de la grande enquête de BFMTV, je suis grandement rassuré : Marine Le Pen est beaucoup plus sensée que son père. Ce qui ne l’empêche pas sa fifille de chérir son gentil papa.

 

 

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