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Comment survivre au “jeudi noir”… et faire passer la réforme que les “Français” réclament

« Arrêtons-nous sur la pierre angulaire de cette réforme des retraites. » Et de la communication du gouvernement. « La question des régimes spéciaux, relaie Laurent Delahousse dimanche soir sur France 2. Avec une question : Quelle facture cela représente pour les usagers et pour l’État ? » Facile, c’était le matin même en une du Parisien et dans la bouche de Gérald Darmanin. « La facture : 9 milliards d’euros environ chaque année, répète une journaliste. Financés par des taxes mais surtout par l’État. » Donc par le contribuable. Scandaleux… autant que providentiel : l’insistance sur cette gabegie permet de faire oublier que, grâce à la réforme, l’ensemble des Français travaillera plus longtemps pour toucher une pension moindre.

 

« C’est lui [l’État] qui paie une partie des retraites de la RATP et surtout de la SNCF, 3,3 milliards d’euros. Les cheminots partent plus tôt à la retraite, à partir de 52 ans pour les conducteurs, 57 ans pour les autres. » C’est faux. Ils peuvent partir à ces âges mais ils ne le font pas. En moyenne, les cheminots prennent leur retraite bien plus tard, notamment depuis la réforme des régimes spéciaux (menée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy) qui instaure des décotes. En outre, ceux qui sont rentrés après la réforme du statut devront travailler jusqu’à 62 ans. « Ce syndicaliste justifie la participation élevée de l’État. » Bruno Poncet, de Sud-Rail : « À la SNCF, on n’a quasiment plus d’embauches, beaucoup de postes supprimés donc de moins en moins de cotisants. »

« L’État contribue aussi aux retraites de certains marins, des mineurs, des employés de la Banque de France, de l’Opéra de Paris ou de la Comédie-Française. » Cet inventaire n’en finit plus. « Coût total : 7,2 milliards d’euros cette année. Les consommateurs sont également appelés à mettre la main à la poche en payant des taxes pour 1,8 milliard d’euros, ils contribuent aux retraites des électriciens et gaziers, des avocats et clercs de notaire. » La liste des privilégiés est sans fin… mais erronée : les avocats n’en font pas partie. Et France 2 oublie fortuitement de le préciser que les régimes spéciaux concernent seulement 350 000 salariés sur 18 millions.

 

Laurent Delahousse réapparaît. « Le gouvernement est réuni à Matignon ce soir afin de coordonner les éléments de langage. » Déjà transmis à France 2, apparemment. « Et le premier message de communication était visible dans le dress-code du jour, dans le catalogue vestimentaire : chemises ouvertes, jeans et baskets pour clairement afficher de ne pas surjouer la tension, bien au contraire. » Attention, le jour où le gouvernement s’habillera en tailleurs et costards-cravates, ça va saigner.

L’envoyée spéciale à Matignon intervient : « L’essentiel, pour Édouard Philippe, est de mettre en place ce nouveau système d’une retraite universelle à points et signer ainsi la fin des régimes spéciaux. » On y revient. Si l’ensemble des travailleurs était concerné, on vous le dirait.

 

Laurent Delahousse propose : « Voyons comment les usagers se sont déjà organisés pour affronter cette fin de semaine. » Encore ? Mais on l’a déjà vu jeudi dernier, quand TF1 et France 2 faisaient en chœur la promotion de Blablacar et des cars Macron. « Pour ne pas subir la grève du 5 décembre, annonce une reporter, ces deux usagers profitent du week-end pour anticiper. » Contraints de travailler le dimanche pour pouvoir travailler le jeudi, ce n’est pas une vie. « Alban prend quotidiennement le RER. Il cherche un plan B pour se déplacer. En RER, c’est 50 minutes, en taxi une heure, en vélo 1h10. » Et 12h40 à pied. « Il fait la simulation du prix que lui coûterait le taxi. » « J’en aurai pour 32 euros, mais sûrement le triple à cause de la grève. Ma journée de travail va servir à payer mon trajet. Donc autant rester chez moi. »

Toutes ces simulations pour en arriver à la même solution sont encore effectuées par France 2 en faveur de « Germain, qui optera pour du télétravail ». En effet, faute de pouvoir faire ses habituelles « 40 minutes en train », il lui faudrait « 2 heures en voiture et 3h44 à vélo ». Et 21h32 à la nage. « Trop de temps perdu selon lui. » Sans compter que la Seine risque d’être embouteillée par l’afflux de nageurs.

 

« Face à ce mouvement, reprend Laurent Delahousse, le mot d’ordre dans de nombreuses entreprises est également à l’anticipation. Alors comment s’organise-t-on afin de limiter pour les salariés les difficultés pour se rendre au travail ? Mise à disposition de vélos, covoiturage, télétravail… » Tout ce que nous vous avons déjà raconté jeudi, mais vu du côté des employeurs. Voici un pub-restaurant qui fait des stocks de denrées non périssables et dont le patron appelle les salariés pour connaître leur disponibilité. « Des salariés et, plus grave pour eux, des clients qui risquent de ne pas venir. » Cette grève va coûter très cher à notre économie, presque autant que le mouvement des maudits Gilets jaunes. « Certaines entreprises sont prêtes à payer pour que les salariés travaillent. » Incroyable. « Ici, la directrice a réservé des VTC pour ses commerciaux. » Histoire de densifier un peu plus le trafic automobile.

Le lendemain, BFMTV aussi donne ses conseils pour affronter la grève du 5 décembre. « Je suis sûr que, vous qui nous regardez, vous êtes déjà dans la perspective de cette journée, avec les difficultés que cela va représenter pour vous. » Pour Bruce Toussaint, il va de soi qu’aucun gréviste ne regarde BFMTV. « Ça va être un peu la foire au système D. » Elle a commencé jeudi sur France 2 et TF1.

« Nous sommes le 5, anticipe une journaliste, vous préparez vos enfants pour l’école quand le mail du directeur de l’école tombe, les classes resteront fermées. » Ces directeurs préviennent toujours au dernier moment. « Il faut faire garder les enfants, direction Internet où les demandes de nounous explosent sur la plateforme Yoopies, qui met en relation parents et baby-sitters. » Merci pour la publicité gratuite. Le fondateur de la start-up explique : « À chaque grève, on voit qu’il y a une augmentation de demandes. On a mobilisé notre réseau de baby-sitters en leur demandant de pouvoir se rendre disponibles à la dernière minute et grâce à cela les parents ont l’assurance de trouver une solution au dernier moment. » Une formidable souplesse que n’offrent pas les fonctionnaires.

 

Pour faire face à la grève des salariés privilégiés, la journaliste propose encore de recourir à des précaires ubérisés : « Aucun train ou métro ne circule, poursuit la journaliste, les VTC s’attendent à être débordés, Kapten table sur dix fois plus de réservations cette semaine, elle a prévu de renforcer sa flotte, comme Uber. » Avec de telles mesures, j’ai bon espoir que soit battu le record du nombre de kilomètres d’embouteillages.

 

« Toujours dans la peau d’un usager, relance Bruce Toussaint, vendredi, je voudrais faire venir la grand-mère de province pour garder les enfants mais y a pas de TGV. » La journaliste ajoute : « Et puis île de Ré-Paris à pied, c’est un peu compliqué. » Les mamies de BFMTV habitent naturellement sur la très chic l’île de Ré (où tous les dirigeants de médias parisiens ont leur résidence secondaire). « Mamie envisage le covoiturage. Chez Klaxit, les réservations explosent. » Merci pour la publicité gratuite. « Finalement, mamie opte pour une location de voiture à un particulier, il y aura plus 30 % de demandes jeudi pour Ouicar et Getaround. » Merci pour la publicité gratuite. Pas de doute, le record du nombre de kilomètres d’embouteillages sera battu, ce qui suscitera nombre de micros-portières (variante automobile du micro-trottoir).

Si j’en crois BFMTV (et TF1, et France 2), les start-up du nouveau monde sont providentielles en cas de grève. Des grèves qui ne seront plus qu’un mauvais souvenir quand ces entreprises auront étendu leur empire et remplacé les services publics. Bruce Toussaint conclut : « Le patron de Blablacar sera avec nous dans quelques instants. » Et celui de Flixbus un peu plus tard.

 

Revenons à dimanche soir. TF1 aussi a son envoyée spéciale à Matignon. « Des ministres qui travaillent même le dimanche. Pas de costume-cravate mais plutôt jeans-baskets, quitte à surjouer un peu une forme de décontraction. » Un tout petit peu. « En restant très flou sur cette réforme des retraites et en renvoyant les premiers arbitrages à la mi-décembre, développe Anne-Claire Coudray, le gouvernement pensait sans doute décourager certains salariés d’aller manifester. Mais cette stratégie a plutôt produit l’effet inverse. Les syndicats ont mis à disposition des simulateurs dont les scénarios encore incertains ont convaincu leurs adhérents qu’ils avaient beaucoup à perdre. » Des simulateurs perclus de scénarios encore incertains ? Ça sent l’arnaque.

 

Un reporter explique : « Que vous soyez cadre ou fonctionnaire… » Peu importe les ouvriers et les employés. « … Les syndicats vous invitent à calculer votre pension avec le futur système à points. » Un représentant du Snes-FSU se livre à une démonstration avec son simulateur. « Résultat, ce professeur perdrait plus de 800 euros par mois par rapport au système actuel. » Le syndicaliste témoigne : « Nos utilisateurs ont été abasourdis par la faiblesse des pensions. »

« Une baisse drastique également observée pour les cadres, poursuit le reporter. De quoi donner des sueurs froides à plus d’un salarié ayant testé l’un de ces simulateurs. » Et de quoi en donner aussi aux téléspectateurs de TF1 : voici le journaliste qui interpelle les gens dans la rue pour leur faire des simulations abasourdissantes. « Il m’annonce moins 1 162 euros par mois, s’épouvante une passante. Je serai dans la rue le 5 décembre. » Je rêve : TF1 est en train de recruter des grévistes et des manifestants !…

 

Je ne rêve pas longtemps. « Alors, reprend le reporter, ces calculateurs sont-ils fiables et faut-il vraiment s’inquiéter ? Pas selon cet économiste. » Surprise, cet « économiste » est aussi un salarié du groupe TF1 officiant sur LCI, où il milite ardemment pour la réforme du gouvernement. Le 20 heures ne le précise pas et le présente comme auteur du livre Retraites, la dernière chance, en oubliant de citer le sous-titre, la réforme ou le chaos. Le journaliste prévient : « Impossible aujourd’hui d’avoir des projections précises, le gouvernement n’ayant que trop peu communiqué. » Ça sent l’arnaque.

 

L’« économiste » précise : « Ça profite à ceux qui sont opposés à la réforme et qui tirent parti de cette espèce de flou, de cette espèce de légèreté du gouvernement. » Une arnaque montée par les syndicats archaïques. « Quand on parle de la retraite, il faut dire des choses précises ou alors ne pas en parler. » Par exemple, il faut dire, comme sur LCI, que « la période d’après-guerre est celle des grandes escroqueries sociales ». Fomentées par les malfrats du Conseil national de la Résistance. Conclusion du reporter : « Un manque de clarté qui explique peut-être pourquoi de nombreux secteurs seront en grève ce jeudi. » Finalement, TF1 est sur la même ligne que Jean-Michel Blanquer, qui déclare lundi matin à sur France Inter : « Certains sont en grève car ils ne comprennent pas tout. » Heureusement, il y a France 2 et TF1 pour m’aider à comprendre.

« Les syndicats ont-ils les moyens de faire durer cette grève ? », s’inquiète ensuite TF1. « Cet ancien conseiller de Nicolas Sarkozy », Raymond Soubie, omniprésent sur les plateaux ces derniers temps, répète ce qui est seriné par tous les « experts » depuis des semaines : « Il faut savoir qu’au mois de décembre, y a un treizième mois à la RATP donc, financièrement, les salariés ont plus le temps de tenir. » Si le gouvernement avait été prévoyant, il aurait supprimé le treizième mois de ces privilégiés avant de lancer la réforme des retraites.

« Bonsoir François Lenglet », salue Anne-Claire Coudray. Encore un économiste de renom. Et encore ces insensés régimes spéciaux : « Ce matin, Gérald Darmanin est revenu à la charge sur les régimes spéciaux de la SNCF, de la RATP, ils coûteraient aux contribuables français 8 milliards d’euros par an. » Presque autant que sur France 2. « La réforme est censée supprimer ce déficit, est-ce que c’est aussi simple ? » « Non, parce que même si les régimes spéciaux étaient supprimés demain, il faudrait subventionner les retraites de ces entreprises publiques au moins encore vingt ans à cause de la démographie. » Malheur… « La SNCF a 140 000 actifs pour 250 000 retraités. » Évidemment, puisque les cheminots partent à la retraite à 52 ans. « C’est cet écart qui explique en large part le déficit de 3,3 milliards d’euros annuels. »

 

« De plus, si suppression il y a, elle ne sera que progressive, se désole François Lenglet. Il faudra donc subir une transition qui va s’étaler sur des années peut-être des décennies. » La « subir » va être insupportable. « Sans compter le financement des compensations… » Cette litanie de mauvaises nouvelles n’en finira donc jamais ? « En 2008-2010, quand Nicolas Sarkozy avait réformé les régimes spéciaux, il avait dû faire de lourdes concessions sur les salaires et sur l’avancement. » Pour donner de nouveaux privilèges aux privilégiés. « Au point que, pendant les dix années suivant la réforme, le coût pour les finances publiques a été plus lourd qu’avant. » Catastrophe. « Une réforme, ça peut donc coûter cher, un paradoxe que notre gouvernement va découvrir, qui s’explique par une loi de la vie sociale : un avantage acquis ne se supprime pas, il se rachète. » Il faudrait réformer les lois de la vie sociale en même temps que le système des retraites.

 

« Le Premier ministre en tenue ultra-décontractée », salue LCI deux heures plus tard. « Y a une volonté de dédramatiser, déduit l’éditorialiste Renaud Pila. Je trouve qu’Édouard Philippe a beaucoup appris de son père en politique, qui était Alain Juppé, qui est arrivé en 1995 avec son “droit dans ses bottes” et on sait ce qu’il est advenu. » Cette fois, le Premier ministre arrive souple dans ses baskets, il va sans problème faire passer la réforme des retraites. Jean-Marie Le Guen, représentant de la gauche sur le plateau de LCI, déplore : « Il y a eu un débat sur le fait que les mères de famille de plus de trois enfants. En fait, c’était certains cas d’un certain type de personnes… » En fait, c’était tous les types de mères de famille, quelles que soient le nombre de leurs enfants et le niveau de leurs revenus pendant leur vie active, mais l’invité semble l’ignorer.

« La faiblesse des syndicats qui ne veulent pas négocier, poursuit Jean-Marie Le Guen, c’est de rester sur du blocage SNCF et RATP, ça ne permet pas d’emporter la conviction d’une majorité de Français. On n’est pas du tout dans le syndrome 95. » Un véritable syndrome de Stockholm : les usagers soutenaient leurs preneurs d’otages. Le présentateur Damien Givelet annonce : « Le président du Sénat, qui est un des principaux opposants d’Emmanuel Macron, espère qu’on puisse continuer à négocier jusqu’à jeudi. » Gérard Larcher, un des principaux opposants ? Comme Jean-Marie Le Guen, alors.

 

Pour Guillaume Roquette, du Figaro, « il y a une difficulté pour la droite à se distinguer d’Emmanuel Macron sur ce sujet-là comme sur beaucoup d’autres ». Le président serait de droite ? Première nouvelle. « Emmanuel Macron fait plus ou moins ce que la droite avait promis de faire et qu’elle n’a pas toujours fait. Mais la droite a quand même eu le courage de repousser l’âge de la retraite… » Jean-Marie Le Guen proteste : « La gauche aussi. » Guillaume Roquette en convient : « Il existe une gauche responsable dont vous étiez l’un des symboles. » Une gauche de droite.

Jean-Marie Le Guen démontre que la réforme est vraiment de gauche : « Le système de la retraite à points va créer que certains y gagnent, les femmes, les petites retraites et les carrières interrompues, hachées. » A moins que ce ne soit l’inverse. « Deuxièmement, les Français ne cessent de reculer l’âge auquel il partent à la retraite, ils prennent leur retraite en moyenne à 63,2 ans lorsqu’ils travaillent dans le privé. » A cause de leur addiction au travail, pas du tout parce que les réformes successives (et les décotes imposées par les régimes complémentaires) les y obligent. « Il y a effectivement dans le public encore un certain nombre de problèmes qui se posent. » Feignants de fonctionnaires privilégiés. « Notamment dans les régimes spéciaux, c’est pour ça que les gens de la SNCF et de la RATP ne sont pas contents. » Et qu’ils grognent. « L’idée d’arrêter que ces gens arrêtent trop tôt n’est pas quelque chose de scandaleux. » On ne m’avait pas dit que Jean-Marie Le Guen était devenu porte-parole du gouvernement.

 

Renaud Pila, lui, est le porte-parole des Français, dont il possède une intime connaissance au point de savoir ce qu’ils pensent « au fond d’eux-mêmes » : « On dit que les Français majoritairement sont contre la retraite à 63 ou 64 ans mais au fond d’eux-mêmes, chaque Français le sait, il voit bien les pays européens autour, il voit bien l’allongement de la durée de la vie, il le sait qu’il va devoir travailler plus longtemps. » Pour toucher une moindre pension. Au fond d’eux-mêmes, les Français sont favorables à la réforme du gouvernement.

 

« Jeudi noir : les Français résignés ? », interroge BFMTV le lendemain, lundi. « Le jeudi noir, avertit Olivier Truchot, les Français sont obligés de s’y préparer. » Rappelons que les grévistes ne sont pas français (pas plus que résignés). À un représentant de l’Unsa, il demande : « Vous confirmez que jeudi sera une journée noire dans les transports en commun ? » Tout ça parce que, selon le présentateur, « Emmanuel Macron a perdu le combat de la pédagogie »… C’est juste une question de pédagogie. « … À part peut-être pour les régimes spéciaux. Gérald Darmanin a rappelé que ça coûtait 9 milliards d'euros, les régimes spéciaux. » Le Parisien, et France 2, et TF1, et BFMTV aussi. « Les Français ont compris qu’il fallait supprimer les régimes spéciaux. » À croire que les Français travaillent à la télé.

« C’est un rapport de force, analyse l’éditorialiste Anna Cabana. Il y a quelque chose de chimique dans cette équation-là. » Comme dans les grenades lacrymogènes. Une sondologue d’Odoxa révèle : « Les Français comprennent intuitivement qu’ils travailleront plus pour toucher moins. » Mais ce n’est qu’une intuition.

 

Ruth Elkrief apparaît : « L’opinion publique va-t-elle basculer du côté du gouvernement si la grève dure ? » Cinq minutes avant, Olivier Truchot en doutait : « Plus la grève durera, plus les Français se retourneront contre le gouvernement. »

 

Une heure plus tard, Alain Marshall lance son émission 20h politique « avec comme trio d’éditorialistes Anna Cabana, Laurent Neumann et Ruth Elkrief ». L’assurance d’un débat à couteaux tirés. « Nous sommes en préchauffe avant la journée de contestation de jeudi. » Depuis le temps que les chaînes préchauffent, elles sont déjà en surchauffe. Et devraient s’embraser jeudi.

Le présentateur évoque les protestations des entreprises du BTP contre la hausse du prix de leur gazole : « Est-ce qu’on va tenir bon face au BTP ? » « On ne tiendra pas bon, prédit Laurent Neumann. On va trouver une solution. » « On va trouver des solutions pour tout, promet Ruth Elkrief. On va tout arranger. » Mais qui est donc ce « on » ? Les éditorialistes de BFMTV sont entrés au gouvernement ? « Il faut attendre que la grève se passe et ensuite on va tout arranger. » « On est prêt à lâcher du lest, confirme Anna Cabana. Mais on va pas dire ça comme ça. L’expression, c’est : on écoute, on entend, on comprend et on répond aux préoccupations et aux souffrances des Français. » « Ah oui, réagit Alain Marshall, les éléments de langage sont déjà prêts. » Ils ont été transmis dimanche à la réunion de Matignon à laquelle les éditorialistes de BFMTV étaient conviés. « Mais il faudra les sortir au bon moment. » Dès maintenant.

 

« S’il y a autant de monde dans la rue et que cette réforme passe, prédit Laurent Neumann, ça voudra dire que le gouvernement a été extrêmement courageux. » Il faudra l’applaudir à longueur d’antenne. « Au sein même du gouvernement, révèle Anna Cabana, on n’est pas très content de la manière dont la pédagogie a été faite par l’exécutif. » Toujours cette maudite pédagogie qui fait défaut alors que les Français sont déjà convaincus au fond d’eux-mêmes.

Source : Samuel Gontier , Télérama

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