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Mélenchon profite d'un hommage à Jospin pour justifier une troisième présidentielle

« Dans le monde militant, les personnalités attentives comme lui sont rares ; encore plus dans les milieux dirigeants. Il force le respect. » C'est avec ces mots émus que Jean-Luc Mélenchon a répondu lundi dans L'Obs aux amabilités exprimées à son endroit par Lionel Jospin. Figure politique respectée par le plus large spectre allant des Insoumis aux socialistes proches de François Hollande en passant les écologistes, l'ancien premier ministre vient de publier Un temps troublé aux éditions du Seuil. Dans ce cadre, il a salué - toujours dans l'Obs - « le talent », les « intuitions politiques » et « le sens du verbe » du député de Marseille dont le mouvement « compte ». L'ancien Premier ministre socialiste a même avoué regarder les Insoumis « avec sympathie et sans effroi ». De quoi regonfler le drapeau de Jean-Luc Mélenchon qui veut rassembler la gauche sous son unique bannière et fonder « une nouvelle force politique ».

« Je ne me suis jamais senti en opposition avec lui, mais en divergence »

C'est un dirigeant doté de « classe », a ainsi jugé l'ex candidat aux présidentielles de 2012 et 2017 et qui semble donc prêt à franchir le cap d'une troisième tentative en 2022. Sa décision sera rendue officiellement en octobre. « Je ne me suis jamais senti en opposition avec lui, mais en divergence », indique Mélenchon . Il a longtemps fréquenté Jospin au PS et avec qui, plus jeune, il a partagé les bancs de la gauche la plus radicale. Mais les bancs de leur jeunesse étaient différents.

Sur les années socialistes, il note qu'avec Jospin dont il fut l'un des ministres, « la discussion est toujours possible. Ce ne fut pas le cas avec ses successeurs.» Un tacle à l'adresse du « dernier en date » des patrons du PS, Olivier Faure, jugé « de surcroît insultant ». Source de cette pique, une passe d'arme récente entre les deux sur le dossier sensible de la laïcité.

Mélenchon ne tarit donc pas d'éloges sur Lionel Jospin qui, à le lire « appartient à une variété de militants politiques qui ne cherchent pas à écraser les autres, à les enfouir sous les anathèmes, mais à l'emporter par le raisonnement. » « Il ouvre peut-être une nouvelle séquence, celle du dialogue et du débat respectueux », avance même le patron des Insoumis alors que la gauche et les écologistes peinent encore à s'entendre en cette rentrée malgré leurs espérances.

Jospin «ouvre le dialogue» de manière «exigeante»

Jospin - qui souligne tout de même un « conflit » chez Mélenchon « entre son intelligence et son tempérament » - pourrait-il être faiseur d'unité à gauche pour 2022 ? Mélenchon en tout cas, tire la couverture vers lui-même s'il s'en défend. « Je ne cherche pas à l'instrumentaliser, à lui faire dire en ma faveur ce qu'il ne dit pas. Il existe des différences entre son point de vue, qui est celui d'un social-démocrate avancé, et le mien, celui d'un républicain écologiste anticapitaliste. Il plaide pour la lucidité. » Mais pour Mélenchon, Jospin « ouvre le dialogue » de manière « exigeante » sur les « questions de fond ».

Sur ce fond, Jean-Luc Mélenchon aborde plusieurs points dont celui de l'usage du mot « peuple » critiqué par Jospin. « Les manifs sont couvertes du drapeau national comme symbole d'une communauté d'appartenance non clivante », indique le leader des Insoumis. « J'admets qu'il y a là un défi. Mais le pire serait de ne pas admettre l'existence du peuple comme nouvel acteur social. Pour ma part, je le fais jusque dans le détail. C'est pourquoi je ne parle pas d'« union de la gauche » mais d'union du peuple. Et c'est pourquoi je propose, sans faire de fétichisme des mots, le verbe « fédérer » plutôt qu'unir ou rassembler. »

2002 : «La gauche s'est disloquée dans ce désastre. Et elle ne s'est jamais reconstruite.»

Jean-Luc Mélenchon, n'hésite pas par ailleurs, à faire le point sur la défaite de Lionel Jospin en 2002 face au FN. « La dispersion
extrême nous a privé du deuxième tour pour une poignée de voix. Mais la dispersion n'est pas seule coupable, juge-t-il a posteriori. La vérité oblige à dire qu'il n'y avait plus ni imaginaire collectif ni revendications partagées dans l'électorat de notre famille politique. Le bilan socialement brillant de Lionel Jospin ne semblait pourtant
s'ouvrir sur aucun horizon. Lui-même semblait y avoir renoncé en disant que son programme n'était pas socialiste. Mais aucune alternative ne se montrait crédible. La gauche s'est disloquée dans ce désastre. Et elle ne s'est jamais reconstruite. »

«Je crois aux campagnes longues qui se donnent le temps de convaincre en profondeur»

À le lire, en conclusion, il serait donc seul capable de relever ce drapeau de la gauche. Sa stratégie est exposée. « Il ne suffit pas d'être « contre ». C'est une majorité d'adhésion qu'il faut construire », assure l'ex candidat. « C'est pour ça que je crois aux campagnes longues qui se donnent le temps de convaincre en profondeur. D'autant qu'il s'agit de gouverner dans la catastrophe climatique et la dislocation économique et politique du monde qui est en cours ». Anticipant de quelques semaines, il livre son état d'esprit : « Si je suis candidat, j'arriverai fort de mon bilan électoral, de mon expertise, muni d'un programme ouvert, d'une brillante équipe soudée idéologiquement et décidée à fonder avec ceux qui l'auront voulu une nouvelle force politique ».

Comme en 2017, Jean-Luc Mélenchon avance en affirmant que s'il gagne le pouvoir, ce sera pour le redonner. « Cette force sera celle de la suivante génération », assure-t-il avec une conclusion que lui seul dans la classe politique peut sans doute se permettre : « Il faut imaginer Cincinnatus heureux ». Une référence à l'essai d'Albert Camus sur le mythe de Sisyphe, poussant éternellement son rocher mais y trouvant la joie et une source de révolte, et à Cincinnatus, ce paysan devenu consul et dictateur pour sauver son pays de l'ennemi, avant de se retirer.

Source : Par , Le Figaro Politique

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