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L'Europe va créer une alliance des matières premières pour assurer son indépendance

Avec le Covid-19, la question de la souveraineté nationale a été mise sur le devant de la scène. Emmanuel Macron lui-même a maintes fois appelé de ses vœux à la reconquête d’une souveraineté sanitaire, industrielle et alimentaire. C’est d’ailleurs un des objectifs du plan de relance de 100 milliards d’euros qui doit préparer la France de 2030. Mais pour y parvenir, c’est à l’échelle européenne qu’il faut penser.

"L'Europe doit désormais prendre en main ses intérêts stratégiques afin d'assurer une souveraineté, devenue nécessité commune", écrit dans une tribune le commissaire européen à l’industrie Thierry Breton. Et justement, le 3 septembre, la Commission européenne a tiré la sonnette d’alarme concernant la trop grande dépendance de la zone envers des pays non européens, comme la Chine, pour certaines matières premières nécessaires à sa transition numérique et verte.

"L'Europe aura besoin de 18 fois plus de lithium d'ici 2030"

"Entre 75 et 100 % de la plupart des métaux que nous utilisons proviennent de pays non-membres de l'UE, la Chine fournit 98 % de notre approvisionnement en terres rares", a prévenu l'un des vice-présidents de l'exécutif européen, Maros Sefcovic, appelant les Européens à "prendre conscience de la dure réalité". Et à l'avenir, cette dépendance risque de s'accroître considérablement: "Rien que pour les batteries des voitures électriques et le stockage énergétique, l'Europe aura besoin, par exemple, de 18 fois plus de lithium d'ici à 2030 et jusqu'à 60 fois plus d'ici à 2050", a-t-il ajouté, lors d'une conférence de presse à Bruxelles.

Le Financial Times, qui a eu accès au dossier de la Commission européenne, a dévoilé la liste des 30 matériaux critiques pour l’Union. Cela va du lithium, au phosphore en passant par le magnésium ou encore le tungstène. L’Europe n’est pas seulement dépendante de la Chine. Elle l’est aussi de l’Australie pour le lithium ou de la République démocratique du Congo pour le cobalt.

"Alors que nous parvenons à une compréhension accrue de l'importance de ces matériaux, nous entrons également dans un moment de relations commerciales de plus en plus politisées", a déclaré au journal britannique Kristine Berzina, chercheur principal au German Marshall Fund des États-Unis. "L'UE devrait tirer les leçons de sa longue lutte contre la dépendance énergétique de la Russie et agir comme un bloc unifié plutôt que comme des États individuels."

La question de l'acceptabilité

Pour changer la donne, la Commission compte créer d’ici la fin du mois une "alliance européenne pour les matières premières" afin de renforcer la résilience de l’Europe. Cette alliance inclura les entreprises minières, les entreprises qui utilisent ces métaux critiques, celles qui recyclent, les ONG, les syndicats, les 27 États membres de l'UE, les régions qui sont intéressées et la Banque européenne d'investissement (BEI). Le but, selon Thierry Breton est de "diversifier l’approvisionnement" et de "développer ses propres capacités en matière d’extraction, de transformation, de recyclage, de raffinage et de séparation des terres rares". 

Pour l’instant, Bruxelles compte utiliser le satellite d’observation de la Terre Copernicus pour trouver de nouvelles ressources en Europe. La zone serait en effet "dotée de ressources qui ne sont pas exploitées", assurait à Novethic Jean-Philippe Tridant Bel, membre du cabinet de conseil Alcimed. "Il nous faut arrêter d'exporter cette pollution. Mais l'Union européenne est peu habituée à exploiter ses ressources en raison de son passé colonial, contrairement à la Russie, la Chine et les Etats-Unis qui ont une logique plus internalisée", expliquait-il alors. Reste à savoir si la population acceptera, au nom de la relocalisation, de relancer des mines sur son territoire alors que les impacts environnementaux de ces projets sont régulièrement pointés du doigt par les associations écologistes. 

Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP

Source : Novethic

 

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