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gilets jaunes. « La braise est encore chaude pour une deuxième vague »

emet­tons le gilet jaune sur le ta­bleau de bord ! » Ce mot d’ordre, l’un des pre­miers du mou­ve­ment en no­vembre 2018, cir­cule à nou­veau sur les ré­seaux so­ciaux de­puis la mi-août. Des cen­taines de gi­lets jaunes, tou­jours ac­tifs, veulent ra­meu­ter les troupes avant le 12 sep­tembre. Avec l’ob­jec­tif de faire de ce nou­veau sa­medi de ras­sem­ble­ment – le pre­mier de­puis le confi­ne­ment – un point de dé­part pour une nou­velle phase de mo­bi­li­sa­tions. « Les re­tours sont plu­tôt em­bal­lants sur les ré­seaux so­ciaux, s’en­thou­siasme Jack Miault, l’une des fi­gures du mou­ve­ment. Nous avons sou­haité re­mettre en avant nos trois re­ven­di­ca­tions qui étaient celles du début : vivre et non plus sur­vivre ; une dé­mo­cra­tie di­recte et par­ti­ci­pa­tive ; et la fin des pri­vi­lèges des élus, il faut re­ve­nir à cette base. » « On y croit vrai­ment, clame Phi­lippe Ver­dier, gilet jaune de la pre­mière heure, au rond-point de Pouilly-en-Auxois (Côte-d’Or). La braise est en­core chaude et le mou­ve­ment va connaître sa deuxième vague, même s’il n’a ja­mais cessé d’exis­ter. »

 

Quasi in­vi­sibles sur le ter­rain mé­dia­tique de­puis plu­sieurs mois, les gi­lets jaunes ont main­tenu la flamme sur de nom­breux groupes Fa­ce­book et mé­dias qui leur sont consa­crés, tan­dis que plu­sieurs ronds-points ont été ré­in­ves­tis après le dé­con­fi­ne­ment. « Il y a en­core énor­mé­ment d’ac­tions lo­cales, avec des ras­sem­ble­ments le week-end, des opé­ra­tions de péages gra­tuits », énu­mère Va­nina Bruzzi, qui a « tenu » plu­sieurs mois le rond-point de Mon­ta­bon, dans la Sarthe. « De­puis que la date du 12 sep­tembre a été fixée, nous sommes en­core plus pré­sents, pour mon­trer que nous sommes tou­jours là, et qu’il est temps de nous re­joindre ! »

 

« la fin d’un monde, le leur »

 

Mais le mou­ve­ment peut-il vrai­ment ras­sem­bler da­van­tage et re­trou­ver l’am­pleur qu’il avait au plus fort de la contes­ta­tion ? « Ce qui est sûr, c’est que notre ré­volte doit cette fois abou­tir à quelque chose, es­père Phi­lippe Ver­dier. Mais que ce soit pour la dé­mis­sion de Ma­cron ou un acte fort comme le ré­ta­blis­se­ment de l’ISF ou l’ins­tau­ra­tion d’un ré­fé­ren­dum d’ini­tia­tive ci­toyenne par exemple, nous de­vons ras­sem­bler en­core plus, le 12 sep­tembre, et sur­tout après. »

 

Pour l’un des prin­ci­paux ini­tia­teurs de cette jour­née de lutte, Jé­rôme Ro­drigues, la ma­ni­fes­ta­tion doit jus­te­ment fé­dé­rer au-delà des gi­lets jaunes : « On ne porte peut-être pas le même maillot, mais nous avons le même ob­jec­tif : la fin d’un monde, le leur, le début d’un monde meilleur, le nôtre », a-t-il dé­claré dans son appel à ma­ni­fes­ter.

 

L’épi­dé­mie de Co­vid-19, sa ges­tion, ainsi que la crise éco­no­mique et so­ciale qui en dé­coule ont par­ti­cu­liè­re­ment exa­cerbé les co­lères. « Sur le ter­rain, on sent bien que des gens qui étaient peu concer­nés par la po­li­tique ou ne se ren­daient pas compte de cer­taines réa­li­tés sont au­jour­d’hui ré­vol­tés, constate Va­nina Bruzzi. Pen­dant la crise, tout le monde a vu que ceux qui te­naient le pays à bout de bras, ceux qui étaient les plus ex­po­sés par le virus, étaient les plus pré­caires, ceux qui ne comptent pas. Les gens ont aussi plus de recul sur notre com­bat, qui ne leur fait plus peur et qui est plus que ja­mais lé­gi­time. »

 

« Ils nous ont pris pour des idiots »

 

« La crise a confirmé ce que dé­noncent les gi­lets jaunes de­puis le début, que l’im­pôt est très in­juste en France, abonde Fran­çois Boulo, avo­cat rouen­nais et porte-pa­role, en 2019, du mou­ve­ment en Seine-Ma­ri­time. L’im­pôt est sup­porté par la classe moyenne, mais est di­rigé vers les ul­tra-riches, au dé­tri­ment des ser­vices pu­blics et, en par­ti­cu­lier, bien sûr, des hô­pi­taux. »

 

Le plan de re­lance ul­tra­li­bé­ral et les re­tours des ré­formes de l’as­su­rance-chô­mage et des re­traites ne cal­me­ront pas la ré­volte, tan­dis que la ges­tion de la crise, les in­jonc­tions contra­dic­toires, les men­songes n’ont fait qu’aug­men­ter – si cela était en­core pos­sible – la dé­fiance en­vers ce gou­ver­ne­ment. « Ils nous ont pris pour des idiots et ça conti­nue, s’énerve Va­nina Bruzzi. On ne res­pon­sa­bi­lise pas les gens, on les oblige, on les force à mettre des masques deux mois après leur avoir dit que ça ne ser­vait à rien, on ne veut plus les suivre tête bais­sée. »

 

Pour au­tant, si la ré­volte so­ciale pa­raît ex­trê­me­ment vive, il n’est pas cer­tain que le mou­ve­ment des gi­lets jaunes re­trouve son im­por­tance, à en croire de nom­breux an­ciens ac­tifs, au­jour­d’hui dé­mo­bi­li­sés et dé­cou­ra­gés. C’est le cas de Jé­rôme Bar­rault, qui a en­dossé son gilet pen­dant près d’un an avant de le rac­cro­cher dé­fi­ni­ti­ve­ment : « Je n’y crois plus et je pense que le mou­ve­ment a fait son temps, ra­conte cet élec­tri­cien or­nais. Si nous avions dû être vic­to­rieux, ça au­rait été en 2019. Au­jour­d’hui, il y a tout à re­faire, mais nous sommes sor­tis de ça épui­sés, cou­pés de nos fa­milles, mu­ti­lés pour cer­tains. C’est triste de re­non­cer à cause de la ré­pres­sion po­li­cière ter­rible qu’on a subie, mais on ne peut pas l’ou­blier. Comme moi, la plu­part de mes ca­ma­rades ne sont pas prêts à re­par­tir à la guerre. »

 

PCF et FI présents le 12 septembre

 

L’avo­cat Fran­çois Boulo hé­site éga­le­ment à ma­ni­fes­ter le 12 sep­tembre, ne croyant plus au suc­cès des gi­lets jaunes, faute de pro­jet com­mun et de re­pré­sen­ta­tion po­li­tique : « Nous n’avons pas été ca­pables d’émettre de réelles pro­po­si­tions po­si­tives pour un monde d’après, or, c’est comme cela qu’on au­rait pu ras­sem­bler et ga­gner. Nous au­rions sû­re­ment eu be­soin d’un appui po­li­tique, et des par­tis, mais ils res­tent di­vi­sés, ob­nu­bi­lés par la pré­si­den­tielle, et in­ca­pables de se poser au­tour de la table pour pro­po­ser aux gi­lets jaunes un pro­jet qui leur cor­res­pond », juge l’avo­cat. « Ce qui est dif­fi­cile, c’est que nous ne de­vons pas être op­por­tu­nistes, ne pas s’ap­pro­prier leur mou­ve­ment », lui ré­pond Phi­lippe Ju­ra­ver, res­pon­sable de l’es­pace des luttes de la France in­sou­mise, qui as­sure pour au­tant avoir tou­jours sou­tenu leur com­bat.

 

Comme le PCF, la FI pré­voit d’être pré­sente le 12 sep­tembre aux côtés des gi­lets jaunes, si la pré­fec­ture, au nom de la lutte contre l’épi­dé­mie, ne res­treint pas la ma­ni­fes­ta­tion. Celle-ci se fera en tout cas mas­quée, bien que sur les ré­seaux so­ciaux, de nom­breux par­ti­ci­pants po­ten­tiels contestent cette obli­ga­tion, pous­sant les prin­ci­pales fi­gures à mul­ti­plier les ap­pels à res­pec­ter les me­sures sa­ni­taires. L’une d’entre elles es­père avoir trouvé l’as­tuce : « Tous en masques jaunes ! »

 

fledu@humanite.fr

 

 

 

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