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Les masques sont-ils efficaces contre le Covid-19 ?

Ils sont obligatoires dans les espaces publics mais sont loin de faire l'unanimité. Le port du masque est l'une des mesures emblématiques prises pour lutter contre la circulation du coronavirus. 

 

Mais aux États-Unis et en Europe, des rassemblements anti-masques ont déjà eu lieu. Les manifestants dénoncent tour à tour une solution inadaptée, une mesure plus politique que sanitaire, voire carrément une tentative de "museler" les contestations. Pourtant, le port du masque est défendu par une majorité de médecins à travers le monde.

 

Pour répondre à nos questions sur l'efficacité du masque, nous avons interrogé Véronique Merle, médecin de santé publique, cheffe de service du département de prévention des infections liées au soin au CHU de Rouen et professeure à l'université Rouen Normandie.

 

Les masques sont-ils efficaces contre le Covid-19 ?

 

Véronique Merle : "Il n'y a aucun doute là-dessus, le masque est efficace pour empêcher le virus de se transmettre de personne à personne. Cela fait des années qu'on utilise le masque pour d'autres infections, par exemple la grippe."

 

Pourquoi les masques n’empêchent-ils pas la progression de l’épidémie ?

 

Véronique Merle : "C'est normal et on s'y attendait. C'est parce qu'il y a toujours un décalage entre le moment où on met en place une mesure, par exemple le masque, ou il y a quelques mois, le confinement. Il y a des contaminations qui se sont produites avant la mise en place des mesures. Il y a en effet une inertie qui se fait et qui fait qu'on va avoir de nouveaux cas pendant quelques jours, quelques semaines. La mesure de port de masque, c’est dans les espaces publics et dans les espaces extérieurs. Il reste une cible qui, pour l'instant, n'est pas touchée, ce sont les espaces privés, les rassemblements familiaux, les rassemblements d'amis. Et là, il y a de la transmission qui se fait encore."

 

Pourquoi les autorités considéraient-elles le masque comme inutile il y a quelques mois ?

 

Véronique Merle : "Le fait qu'il manquait de masques à l'époque a contribué à ça. Il y avait aussi, je pense, une préoccupation : la population ne savait pas comment on utilisait un masque, et un masque qui n'est pas bien utilisé, ce n'est pas une bonne idée. Donc, à l'époque, on a préféré utiliser la mesure du confinement plutôt que les mesures du masque. Maintenant, la population comprend comment ça s'utilise. On comprend à quoi ça sert. Et maintenant, c'est un enjeu qu’on l'utilise pour éviter la transmission."

 

Les masques sont-ils vraiment utiles à l’extérieur ?

 

Véronique Merle : "Oui, ça sert à quelque chose parce que quand on est dehors, on croise des gens. Et quand les gens se rapprochent, il y a un risque de transmission. Alors évidemment, si vous êtes seul sur une île déserte, il y a moins de risque. Mais c'est difficile de dire à la population : 'Il faut porter le masque' et quand il y a un peu moins de monde, 'là, vous pouvez ne pas le porter'. C’est inapplicable et si on veut que la mesure soit mise en place, il faut des choses assez simples."

 

Faut-il absolument le porter sur le nez ?

 

Véronique Merle : "Ce qui est sûr, c'est que c'est un virus qui est dans les voies respiratoires. Quand on est infecté, il sort par le nez, par la bouche. L'endroit par lequel il aime le mieux entrer, c'est le nez et ensuite la bouche. Donc, si vous mettez le masque sous le nez, autant ne pas le mettre parce que vous n'empêchez pas le virus de passer par l'endroit où il préfère passer."

 

Quels sont les gestes à éviter avec un masque ?

 

Véronique Merle : "Le problème, c'est qu'il y a deux types de masques. Il y a les masques chirurgicaux et les masques grand public. Les masques chirurgicaux sont un peu plus légers, on peut les trouver plus agréables à porter, mais ils sont très fragiles. Un masque chirurgical, dès l'instant où vous le pliez ou vous le mettez dans votre poche, il s'abîme. Il y a des micro-déchirures qui se font et on n'a plus aucune garantie que le masque garde son rôle de bouclier antivirus. 

 

Quand on porte un masque chirurgical, le mieux, si vous voulez boire, c'est d'enlever votre masque en le tenant par les élastiques, vous le posez à plat, par exemple sur un mouchoir en papier ou sur une feuille de papier, et ensuite, vous le remettez toujours en le tenant par les élastiques. Si c'est un masque en tissu, c'est un peu différent parce que le matériau est quand même plus résistant. Donc là, vous pouvez peut-être vous permettre de descendre sous le cou. Il ne faut pas oublier de le remettre. Il faut être attentif. Le masque qu'on va plier, peut-être qu'on va vouloir le ranger dans son sac. 

 

Il faut le mettre dans une petite pochette pour ne pas qu’il contamine tout le sac. Il faut faire attention au sens dans lequel on le plie, parce qu'il ne faut surtout pas qu’en le remettant, vous mettiez l'extérieur vers la bouche et le nez parce que là, vous allez vous contaminer."

 

Les masques laissent-ils passer le virus ?

 

Véronique Merle : "Les virus ne sont jamais tout seuls comme ça en suspension dans l'air. Ils sont toujours portés par des gouttelettes de sécrétions. Donc, en fait, ce qu'il faut bloquer, ce n'est pas le virus, mais les grosses gouttelettes. Et ça, les masques en tissu arrivent sans aucune difficulté à le faire. Il faut juste que le tissu soit normalement solide. Ce qu'on prend comme référence, c'est le tissu qui sert pour les draps ou pour les chemises."

 

Respire-t-on plus difficilement avec un masque ?

 

Véronique Merle : "Là, clairement non. Il faut vous rappeler que les chirurgiens, quand ils opèrent, ils opèrent pendant des heures. Il y a des interventions qui durent dix heures, douze heures et ils sont en permanence avec un masque. Donc, il n'y a aucun problème. On peut respirer, ils sont faits pour ça. Après, c'est vrai qu'il y a des gens qui ont mal à la tête le soir après avoir porté un masque toute la journée. L'explication la plus probable, c'est que le fait de porter un masque toute la journée nous fait boire moins. On est un peu déshydraté à la fin de la journée et la déshydratation, ça donne mal à la tête. Donc, il faut penser à boire quand on porte un masque toute la journée."

 

Peut-on ingérer des matériaux polluants issus du masque ?

 

Véronique Merle : "Ces masques sont portés de façon habituelle dans certains pays, en particulier des pays asiatiques, justement pour se protéger contre les polluants divers qui sont en suspension dans l'air et la pollution industrielle. Le matériau qui constitue les masques chirurgicaux, c'est du polypropylène. C'est un matériau qui est bien connu depuis longtemps, qui sert pour les emballages alimentaires, par exemple pour le beurre. Donc, c'est vraiment un matériau qui fait la preuve de son son innocuité."

 

Comment réagir face à quelqu’un qui refuse de porter un masque ?

 

Véronique Merle : "Je pense qu'il ne faut pas se fâcher. Il faut avoir en tête qu’il suffit qu'une des deux personnes porte un masque pour être protégé. Le masque, on a dit beaucoup que c’était un geste altruiste. Ça protège les autres. Mais c'est aussi une protection pour soi, c'est aussi un geste égoïste parce qu'il vous protège très bien. Donc, si vous avez un colocataire qui dit : “Hors de question, je ne mets pas de masque”. Si vous avez un masque, clairement, il court un risque, mais il ne vous en fait pas courir."

 

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Source : France Culture

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