Notre planète a perdu 100 millions d'hectares de forêt en 20 ans, une superficie équivalente à celle de l'Egypte, indique un rapport publié cette semaine à Genève par la FAO, l'Organisation de l'ONU pour l'agriculture.

Pour contrer cette tendance, Francis Hallé, un biologiste 82 ans, a le projet d'implanter en Europe de l'Ouest une forêt primaire, soit un espace qui n'a été ni exploité ni défriché par l'homme. Il faudra pour cela trouver l'endroit approprié afin de développer une forêt tropicale humide de plaine.

Francis Hallé a répertorié quatre zones susceptibles d'accueillir ce temple de la biodiversité: "Je m'intéresse aux zones déjà protégées par l'Unesco. Il y en aurait entre la France et la Belgique (au niveau des Ardennes), entre la France et l'Allemagne (au niveau du Palatinat allemand), entre la France et l'Espagne, et entre la France et la Suisse (au niveau du Jura)."

La forêt primaire est vraiment le meilleur moyen pour lutter contre la dégradation de la biodiversité

Francis Hallé. [éditions actes sud]
Francis Hallé, biologiste

Il s'agira ensuite de convaincre de l'intérêt écologique de ces 70'000 hectares. Interrogé vendredi dans Tout un Monde, Francis Hallé insiste sur l'importance de ces espaces pour la biodiversité.

"La forêt primaire est vraiment le meilleur moyen pour lutter contre la dégradation de la biodiversité. Vous pouvez prendre n'importe quelle région du monde, qu'elle soit tropicale ou tempérée, c'est dans la forêt que vous avez le maximum de biodiversité. Et plus la forêt est vieille, plus il y en aura."

Le biologiste reste toutefois prudent et se prépare à une éventuelle résistance: "Ce qui va déterminer le choix final, c'est essentiellement la bonne réception du projet par les gens qui habitent là. S'il y a des réticences ou des blocages, on ira ailleurs. Les difficultés ne viendront pas de la population, mais plutôt des corps de métier impliqués dans la région, comme les forestiers ou les chasseurs."

Laisser le temps à la forêt

Si l'idée se concrétise, il faudra encore être patient avant que la forêt ne soit entièrement reconstituée. Francis Hallé parle d'un projet qui s'étendra sur 700 ans et qui servira de lieu de recherche pour les générations futures.

"Ce n'est pas nous qui choisissons cette durée, ça nous est imposé par la forêt elle-même, et personne n'est capable de diminuer ce délai. Evidemment, au temps de l'être humain, c'est vrai que c'est long, mais le temps forestier n'a rien à voir avec le temps humain. Si vous considérez les temps géologiques, sept siècles, c'est rien du tout."

Se promener sur des structures en bois

Il n'y aurait cependant pas besoin d'attendre sept siècles pour profiter ce vaste espace vert. Il serait notamment possible de circuler sur des structures en bois aménagées à cet effet. "On n'attendra pas que la forêt soit primaire, sinon ça va désespérer les contemporains. Il y a une partie significative qui va être ouverte, mais il faudra éviter le piétinement. Quand vous avez des centaines de touristes sur un sentier en forêt, ça tue les arbres qui sont de part et d'autre du sentier."

Francis Hallé et son équipe composée de géographes, de forestiers et de juristes vont aller début octobre au contact des populations des quatre régions sélectionnées pour essayer de les convaincre.

Sujet radio: Natacha Van Cutsem

Version web: Antoine Schaub

Source : RTS info