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[Clin d’œil] Le choc des géants

 


Amazon près de Quimper et le Scombrus à Concarneau, c’est la mondialisation qui montre son visage mais pas son meilleur profil. René Perez met en parallèle ces deux événements.

Double choc économique à la pointe bretonne. Amazon s’implante à Briec, près de Quimper, et le Scombrus, chalutier géant, s’amarre très provisoirement à Concarneau. Dans un cas comme dans l’autre, c’est la mondialisation qui montre son visage mais pas son meilleur profil, au point de provoquer des réactions hostiles, toutefois plus manifestes dans le port sudiste que dans la banlieue quimpéroise.

Amazon, c’est la stratégie bulldozer du numérique, avec un modèle économique qui écrase les coûts comme d’autres prétendaient écraser les prix. Surtout du côté des impôts puisque cette entreprise pratique ce qu’on appelle pudiquement l’optimisation fiscale, qui n’est rien d’autre que l’évasion des profits vers des cieux plus cléments. L’inégalité devant l’impôt, c’est la première des injustices dans le domaine commercial.

Ce qui n’a pas empêché Amazon d’être, pendant plusieurs années, la marque préférée des Français avant que ses pratiques douteuses ne finissent par révéler un visage bien moins séduisant. Cela n’a pas pour autant freiné la courbe de ses bénéfices, plus encore pendant le confinement dont elle est sortie grande gagnante. Tout comme au long du mouvement des gilets jaunes qui bloquaient bien plus les zones commerciales que les entrepots Amazon, semblant curieusement ignorer où se font aujourd’hui les grands courants commerciaux, les bénéfices les plus extravagants et la fiscalité la plus perverse. Au mètre carré de magasin, Amazon paie moins de taxes qu’un petit commerçant.

À ce jeu de la nouvelle distribution, la Bretagne était jusqu’à présent doublement perdante. Son commerce subit les conséquences du rouleau compresseur Amazon sans tirer d’avantages puisque sa situation géographique ne se prête pas à l’implantation d’entrepôts de distribution nationale. Mais voilà le projet de Briec qui sort des cartons, à un jet de colis de Telgruc-sur-Mer, dans la presqu’île de Crozon, où le patron français du groupe Amazon possède une résidence. Simple coïncidence ?

« Amazon, c’est la stratégie bulldozer du numérique, avec un modèle économique qui écrase les coûts comme d’autres prétendaient écraser les prix ».

Toujours est-il qu’on se met à parler de centaines d’emplois, entre salariés de Briec et chauffeurs distributeurs. Et, que ce dépôt se fasse ou non, la réalité du terrain restera la même. Amazon distribuera en Bretagne. Alors ici comme ailleurs, le principe de réalité s’est imposé. Une petite majorité d’élus vient de donner un feu vert, toutefois conditionnel sur l’emprise de l’entrepôt géant et la fiscalité locale.

Avec le bateau-usine Scombrus, on est dans un scénario nettement plus réfrigérant. Car on ne voit pas très bien où peuvent se situer les retombées pour la Bretagne de l’immatriculation de ce mastodonte de 80 mètres aux capacités de pêche astronomiques. Avec un modèle économique totalement hors sol : construction du bateau en Norvège, propriété d’un groupe hollandais pour des pêches qui seront débarquées aux Pays-Bas avec un équipage qui sera sûrement cosmopolite. La seule véritable attache française, ce sont les quotas de pêche dont dispose ainsi ce géant des mers, au titre de son immatriculation en France, via une filiale. On comprend que les réactions soient bien plus véhémentes ici que du côté de Briec.

Mais les spécialistes de la pêche savent que le véritable danger se situe ailleurs. Si Boris Johnson pousse son Brexit jusqu’à la logique la plus extrême, les droits de pêche aux eaux britanniques seront vendus au plus offrant. Les Chinois n’attendent que cela. Et avec eux, ce sera une autre paire de Manche.

article du Télégramme

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