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En Espagne, les livreurs à vélo requalifiés comme des salariés

Les livreurs à vélo des plateformes sont bien des salariés. La Cour suprême espagnole vient de se prononcer sur la question après une avalanche d'actions en justice. Elle reconnaît la relation d'employeur à salarié, contre les arguments des plateformes qui soutenaient que leurs coursiers étaient « autonomos » (travailleurs indépendants), libres de gérer leurs horaires et leur charge de travail. Les magistrats ont statué sur le cas de cyclistes de la plateforme Glovo , mais la décision fera jurisprudence pour d'autres, comme Deliveroo, Stuart ou Uber Eats.

« Pas un simple intermédiaire de services »

« Glovo n'est pas un simple intermédiaire de services entre les commerces et les livreurs. C'est une entreprise qui prête des services de collecte et de messagerie en fixant les conditions essentielles pour la prestation de ces services », indique la Cour suprême, dans un bref communiqué qui rappelle que Glovo contrôle les outils informatiques de gestion des commandes et des livraisons, et qu'elle « utilise des livreurs qui ne disposent pas d'une organisation propre et autonome, et prêtent leurs services en s'insérant dans l'organisation du travail de l'employeur ».

Cette décision est applaudie par le syndicat UGT, qui réclame d'« en finir avec l'esclavagisme et l'exploitation des immigrés en situation irrégulière ». Elle devrait tracer la voie et servir de doctrine pour les magistrats qui voient s'accumuler les plaintes de syndicats et de coursiers. Ces derniers dénoncent les abus des plateformes de livraison qui les obligent à se déclarer comme travailleurs indépendants et à payer leurs propres cotisations sociales alors qu'ils sont dépendants des rythmes de travail imposés par l'entreprise.

Cotisations sociales impayées

En 2019, déjà, la plateforme britannique Deliveroo avait été condamnée pour fraude à la sécurité sociale , sur plainte de l'inspection du travail qui considérait que les livreurs étaient déclarés indûment comme « autonomes » et réclamait les cotisations sociales impayées par l'employeur.

Les mobilisations des collectifs de livreurs se sont intensifiées en Espagne depuis la mort d'un cycliste victime d'un accident de la circulation en 2019 à Barcelone. Les associations de coursiers avaient alors dénoncé la précarité de ces cyclistes. Elles avaient démontré comment les algorithmes de la plateforme les poussent à accélérer leurs cadences de livraison et à circuler de plus en plus vite à leurs risques et périls, pour pouvoir gagner en ponctualité et accéder ainsi aux tranches horaires ou géographiques les plus rentables.

Si la situation semble très claire aux yeux de la justice espagnole, en avril dernier, la Cour de justice européenne avait tranché dans l'autre sens, considérant que les coursiers n'avaient pas de relation salariée avec les plateformes puisqu'ils avaient la possibilité de refuser les services ou de travailler pour des entreprises concurrentes.

Chez Glovo, on se contente de prendre acte de la décision de la Cour suprême « en attendant la définition d'un nouveau cadre régulateur adéquat à la fois en Espagne et dans le contexte européen ».

Cécile Thibaud (Correspondante à Madrid)

Source : LesEchos

 

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