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Il y a 150 ans, l’affaire du camp des Bretons à Conlie (72)

C’était il y a 150 ans : en septembre 1870, l’Empire de Napoléon III s’effondre, vaincu par les Prussiens. La République est proclamée et mobilise de nouvelles troupes, dont des dizaines de milliers de Bretons regroupés à Conlie, près du Mans, à partir de la fin octobre. L’affaire du camp de Conlie commence.

Combien furent-ils de Bretons à patauger dans la boue du camp de Conlie, d’octobre 1870 à janvier 1871 ? 40 000 ? 50 000 ? 80 000 ? Les chiffres varient. Combien y sont morts de maladie ? Combien sont morts au front ? Là encore, pas de chiffre précis. L’affaire du camp de Conlie (72), près du Mans, est une page peu connue, et un peu honteuse, de l’histoire de France.

Revenons en septembre 1870, le second Empire s’effondre, vaincu par la Prusse à Sedan. Plusieurs armées françaises sont encerclées ou prisonnières. Le gouvernement de la République, dirigé par Léon Gambetta, est proclamé et lance un appel à reconstituer des troupes. Appel entendu : l’armée de Bretagne est constituée à partir du 22 octobre. Elle est dirigée par Émile de Keratry, un député breton libéral, opposant à l’Empire, qui arpente les cinq départements de la Bretagne historique avec succès.

Une situation sanitaire déplorable, pas assez de formateurs militaires…

Des dizaines de milliers d’hommes suivent son appel et sont transportées jusqu’à Conlie, près du Mans, où un camp de tentes est monté à la hâte. Mais la météo est exécrable. La pluie transforme le sol en boue et les conditions de vie deviennent vite déplorables. Des centaines d’hommes tombent malades.

L’encadrement militaire fait également défaut, faute de professionnels mais le pire est à venir : le gouvernement finit par refuser de fournir des armes ! Gambetta fait passer la consigne de ne pas donner d’armes à Keratry ou à ses lieutenants. Le souvenir de la chouannerie est encore présent, et la jeune République se méfie. L’affaire commence à faire scandale : Keratry démissionne. Les soldes n’arrivent plus… Le camp d’instruction devient une prison, on y entre facilement mais on en sort difficilement.

« Nous avons été sacrifiés »

Face à ce désastre sanitaire et humain, dès décembre, le nouveau commandant, le général de Marivault, ordonne l’évacuation du camp. 15 000 hommes sont renvoyés en Bretagne où leur état scandalise. Le maire de Rennes s’indigne dans la presse.

D’autres hommes, mal armés, mal instruits, sont, quand même, envoyés au combat contre l’armée prussienne les 10 et 11 janvier 1871, lors de la bataille du Mans. Une défaite que leur chef, le général Chanzy, attribue aux… Bretons. Version contestée, notamment par un autre général qui témoigne, fin 1871, face à la commission d’enquête parlementaire constituée pour étudier l’affaire de Conlie : « Je crois que nous avons été sacrifiés (…) On n’aurait pas dû nous envoyer là parce que l’on devait savoir que nous n’étions pas armés pour faire face à des troupes régulières ».

Le poète Tristan Corbière, de Morlaix, écrit un long poème, « La pastorale de Conlie ». Son beau-frère y était. La romancière Fabienne Juhel fait revivre cet épisode dans un livre paru cette année, « La Mâle-mort entre les dents » (Ed. Bruno Doucey). Elle y transporte le poète à Conlie, où il n’est pas allé car il était réformé.

80 000 victimes ?

L’affaire reste peu étudiée par des historiens jusqu’à aujourd’hui, ce qui contribue à la confusion : sur internet, on parle de « génocide » de la jeunesse bretonne, de « 80 000 victimes »…. Il n’y a pas eu génocide mais bien trahison d’hommes qui, par milliers, se sont levés pour défendre leur pays et ont été abandonnés à leur sort par leur gouvernement, qui se méfiait d’eux, mais l’attitude de Keratry a pu alimenter cette méfiance.

À Conlie, plusieurs monuments rappellent ce camp. 132 Bretons y sont enterrés. L’historien local Jacques Morize a recensé 300 soldats bretons enterrés dans la Sarthe. D’autres sont morts après leur rapatriement : 88 décès sont recensés à Saint-Brieuc, entre janvier et mars 1871. Les soldats meurent de pneumonie, typhoïde, variole, contractées à Conlie (selon Philippe Lemoing-Kerrand, dans « Le camp de Conlie. Les Bretons dans la guerre de 1870 » compte d’auteur, 1999).

Le Musée de Conlie, consacré à la Seconde Guerre mondiale, organise régulièrement des balades en histoire sur les traces du camp des Bretons. La commune voulait commémorer les 150 ans en organisant un colloque en ce mois d’octobre. Il a été reporté aux Journée du patrimoine 2021 pour cause de covid -9.

Pratique

Le Musée Roger-Bellon, de Conlie, dédié à la Seconde Guerre mondiale, organise trois fois par an des Balades en histoire sur les traces du Camp des Bretons.

Le Camp (route de Sillé-le-Guillaume) - 72240 Conlie. Tél. 02 43 29 39 49 (du 1er avril au 30 septembre) ou 02 43 20 90 35 (du 1er octobre au 31 mars).

Camp des bretons à Conlie La croix des Bretons au cimetière de Conlie. La plaque commémorative avec les noms des Bretons de 1870-1871, morts à Conlie. La commune de Conlie, près du Mans conserve la mémoire du camp des Bretons.

Article du Télégramme

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