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Après 15 mois aux États-Unis, je suis plus lucide sur le rêve américain et le modèle français

Je suis parti une quinzaine de mois aux États-Unis, dans la région de Los Angeles en Californie. À la fin de mes études, je ressentais un réel besoin d’aller voir ailleurs. J’ai rejoint mon école de commerce en master 1, et n’avais donc pas eu l’occasion de faire un stage à l’étranger. Je ressentais comme une frustration lorsque mes amis me racontaient leur stage en Thaïlande, au Mexique, en Australie, etc.

Je ressentais que ma formation n’était pas finie, j’avais besoin de vivre ça avant de m’installer pour de bon: vivre une expérience unique, qui élargirait mon “champ des possibles” et que je serais fier de raconter à mes enfants plus tard. 

Pourquoi les États-Unis?

Avant tout par opportunisme! Dès le choix de mon apprentissage (pour deux ans de master), j’avais choisi mon entreprise car mon maître d’apprentissage m’avait parlé des possibilités d’évolution à l’étranger, notamment aux US.

Je n’idolâtrais pas les États-Unis dans l’ensemble, cependant j’étais curieux de comprendre pourquoi les Américains étaient d’aussi bons entrepreneurs, en plus d’être sûrement les meilleurs marketeurs au monde. Je voulais voir comment on fait des affaires au pays de l’oncle Sam.

Et puis, nous sommes submergés de soft power américain: séries, films, marques, alimentation, etc. Je voulais aussi voir tout ça de mes propres yeux! 

 

Alors qu’en Europe, les banques évaluent votre profil financier en fonction de vos revenus, votre épargne et vos garanties, ici, on regarde votre "credit score": ce que vous dépensez et les crédits que vous faites.

 

Le volontariat international est la voie idéale pour s’adapter à l’étranger. Je ne dirais pas que je suis parti comme un coq en pâte, mais presque. Pourquoi? Car il m’a permis de m’affranchir des démarches liées au VISA, à la santé ou aux assurances; ce qui n’est pas si simple lorsque vous arrivez au États-Unis sans credit score.

Concernant le revenu, mon indemnité (comme tous les Volontariats Internationaux) était indexée sur le niveau de vie locale. Tout compris, je touchais autour de 4.000 € par mois. Pour vivre en célibataire, sans dépenses de santé, assurances, voitures, impôts, ce salaire est plutôt confortable. Si vous êtes Américain, vous êtes dans la moyenne.

Le credit score

Le système bancaire est très différent du nôtre. Alors qu’en Europe, les banques évaluent votre profil financier en fonction de vos revenus, votre épargne et vos garanties, ici, on regarde ce que vous dépensez, et les crédits que vous faites.
Plus vous avez de dépenses mensuelles et de crédits, plus votre profil est bon!
Beaucoup de personnes paient leurs dépenses via des cartes de crédit, puis remboursent via leur compte bancaire afin d’augmenter leur assiette de dépenses.
Ce qui compte, c’est de payer vos factures! Plus vous dépensez, plus vous êtes solvable, et donc digne de confiance. 

Le choc culturel

Le dépaysement fut total tant les modèles de société français et américain sont aux antipodes.

La France est un pays latin, c’est dans notre culture de débattre des règles, les remettre en question, les contester, en chercher les limites. Eux sont anglo-saxons, les règles sont les règles, et on ne joue pas avec!

En Californie, si vous êtes pris pour DUI (driving under influence), c’est 10.000$ d’amende, plus 5000$ de frais de justice à votre charge. En excès de vitesse, vous paierez 50$ par mph au-dessus de la limite, en plus d’un éventuel forfait. Il est également interdit de fumer à proximité des restaurants, des écoles, dans les parcs, voire dans certaines villes entières.

Les États-Unis sont le pays de la liberté, et c’est sûrement cette notion qui définit le mieux le rêve américain. Cependant, celle-ci ne doit pas impacter celle des autres.

La sécurité est une dimension très importante dans la société américaine: la plupart des Américains possède d’importants systèmes de surveillance très élaborés par rapport à ce que nous avons en Europe, et les armes sont un hobby à part entière comme pourraient l’être les jeux vidéo, la pêche ou le jardinage. 

Un pragmatisme à toute épreuve

Même en Californie, j’ai trouvé les gens très terre-à-terre au début. Ils sont très centrés sur l’argent, c’est une vraie religion. Alors que le placement préféré des français est le livret A bien qu’il ne rapporte rien, eux sont très avertis au niveau de l’éducation financière.

Tout est très libéral: chaque année vos contrats d’assurance, de couverture sociale, sont ajustés en fonction de votre situation, mais également de la situation macro-économique du pays.

La plupart des gens sont bien plus avertis que nous en Europe, et suivent de près ou de loin les actions et les marchés financiers. Beaucoup de services ont des prix variables qui s’ajustent très vite en fonction de la conjoncture où des événements. Par exemple à Los Angeles, les parkings affichent tous un flat rate, qui double ou triple le week-end ou pour un événement!

J’ai eu du mal au début avec ce “manque de romantisme” (sûrement naïf de ma part). Cependant, on comprend bien mieux leur mode de fonctionnement en se mettant à leur place.

Dans la région de Los Angeles, il vous faut au bas mot un demi-million de dollars pour acheter un beau F2. Si votre enfant souhaite devenir médecin, il lui faudra débourser un bon demi-million de dollars également (qu’il gagnera en 1 an une fois diplômé cependant). Plus globalement, la plupart des personnes qui font des études s’arrêtent à la licence, et envisagent le master bien plus tard (comptez 50.000$ l’année de master).

Le coût du financement est également très important, et c’est sûrement ce qui a fait pencher la balance vers un départ en ce qui me concerne. Alors que la moyenne des prêts immobiliers était de 1,3% en France en 2019 avec 10% d’apport nécessaire, ils étaient au-dessus de 3% ici, avec 20/25% d’apport nécessaire. Mon colocataire pharmacien a fait un prêt étudiant garanti par l’État à 6% d’intérêts…

Après le coronavirus, alors que la FED a baissé ses taux à 0, mettant ainsi les banques américaines dans les mêmes conditions que les banques européennes, les taux ne sont descendus qu’à 2.8%.

Alors que les besoins primaires que sont l’éducation, la santé, le logement, sont fournis ou encadrés par l’État en France, c’est un vrai enjeu pour la plupart des gens aux États-Unis, laissés à la merci des banques et sociétés privées. 

Le travail

Bien entendu, il faut comparer ce qui est comparable. Alors qu’en France la création d’emploi est un enjeu central depuis bientôt deux décennies, le marché du travail américain est une ruche d’opportunités.

Le code du travail étant bien plus flexible, les entreprises américaines s’adaptent très vite à la conjoncture, et il y a beaucoup de turnover. Il y a énormément d’offres, de très belles opportunités et pas de plafond de verre. Les entreprises américaines proposent globalement de très bons salaires comparés à la France; en revanche vous n’y aurez que deux semaines de vacances par an.

 

Les armes sont un hobby à part entière comme pourraient l’être les jeux vidéo, la pêche ou le jardinage.

 

Pas mal d’entreprises proposent des semaines supplémentaires en fonction de votre ancienneté, ainsi la plupart des Américains attendent souvent 30 voire 40 ans passés avant d’effectuer de longs voyages pour leurs vacances, visiter d’autres régions du monde. C’est également à mon avis la raison pour laquelle les Américains sont plus fermés sur eux-mêmes: en plus de leur situation géographique, ils ne prennent la plupart du temps qu’un ou deux jours pour profiter d’un long week-end. Petite anecdote: lorsque j’ai pris 5 jours de congés après 6 mois de contrat VIE, la plupart des gens pensaient que j’avais été viré ou que j’avais quitté l’entreprise...!

Concernant le travail même, j’ai apprécié un management très proche du terrain, et très concret. Il y a une vraie culture du résultat au travail. Lorsque vous avez une target, un objectif, il faut l’atteindre! Et si ce n’est pas le cas, votre backup a intérêt à être solide, pas d’excuses.

Ils sont également très hardworking, ils n’ont pas peur de faire des heures, le travail doit être fait. Plusieurs de mes collègues avaient également des side-business, et y passaient plusieurs heures le soir après leur travail à temps plein ou le week-end. On veut réussir, et on s’en donne les moyens. Seul petit bémol: le manque de sécurité peut parfois privilégier les stratégies individuelles au sein de l’organisation. 

La nourriture

Pour finir, j’aimerais dire un petit mot sur l’alimentation afin de démentir quelques idées reçues.

Lorsque l’on pense nourriture aux États-Unis, la première image qui nous vient est celle des burgers/fast-food. Lorsque vous faites vos courses, les fruits et légumes sont certes chers et souvent de qualité moyenne. Et oui, les denrées les plus accessibles sont souvent les plus mauvaises en termes de nutrition.

Cependant, c’est dans leur culture de manger dehors le midi. Et alors qu’en France le choix se limite souvent aux boulangeries/burger/kebab, ou alors une salade ridicule au supermarché, j’ai découvert une variété incroyable en Californie.

L’offre est bien plus développée. Entre 5 et 10$, vous pouvez certes manger un burger qui transpire l’huile, mais il y a également de nombreux concepts très sains, tels que les poke, Fish and Grill, Flame Broiler et autres, qui vous permettent de manger sainement et protéiné (avis aux sportifs).

J’ai eu l’occasion de réaliser un tour du monde culinaire sans bouger de la Californie, en passant par tous les pays d’Asie, le Mexique ou l’Amérique du Sud. Et tous sont très bien référencés, vous pouvez la plupart du temps voir les avis, la carte, et les photos des plats avant d’y aller. Le service est rapide, et les portions généreuses, c’est très appréciable. 

En conclusion...

Mon expérience en Californie fut très enrichissante, et je suis ravi de l’avoir vécue. Elle m’a permis de prendre un certain recul sur ma vie que j’aurais peut-être mis une dizaine d’années à acquérir. 

Cependant, le rêve américain proposé par les États-Unis –essentiellement basé sur la liberté et le libéralisme– ne correspond pas à mon idéal de vie. En étant Français, rien que le fait de ne pas avoir à payer ses études représente un certain avantage comparatif. Si vous voulez partir, je vous invite à ne pas regarder que les success stories, mais à prendre un peu de recul en contactant d’autres expats qui ont fait l’expérience avant vous, et pourront vous donner de précieux conseils.

 Frédéric Simon Contrôleur de gestion, 15 mois aux Etats-Unis en Volontariat International en tant que data analyst

Source : Huffpost

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