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Daniel Cordier, sur les traces de Jean Moulin en Cornouaille

Jean Moulin (1899-1943) a été sous-Préfet de Châteaulin de janvier 1930 à février 1933. Daniel Cordier (1920-2020) considérait-il ces trois années comme importantes ?

Laure, la sœur de Jean Moulin, en avait beaucoup parlé. Elle avait évoqué ses contacts avec Max Jacob, Saint-Pol-Roux, sa passion pour Tristan Corbière… Quand elle est décédée, elle a légué les archives familiales en les scindant en trois : Une partie pour la Bibliothèque nationale de France, une autre pour le Musée des beaux-arts de Béziers, ville natale de Jean Moulin, et une troisième pour le Musée des beaux-arts de Quimper. Daniel Cordier savait tout cela.

Pourquoi Daniel Cordier s’est-il lancé dans une biographie de Jean Moulin ?

Il ne m’en a rien dit mais plusieurs ouvrages avaient écorné l’image de Jean Moulin. Il y a sans doute ce besoin de rétablir la vérité… Dans les années 1980, il prend alors du recul avec son métier de galeriste et se lance dans des recherches. Son idée, me dira-t-il, est de ne pas se suffire du contexte et d’aller sur le terrain. Il se déplace pour voir les ruines du manoir de Saint-Pol-Roux, à Camaret, il compulse les archives départementales du Finistère et l’important fonds Jean Moulin du Musée des beaux-arts de Quimper. C’est dans ce contexte que je le rencontre. Je lui ai communiqué tout ce que je savais.

OLYMPUS DIGITAL CAMERAJean MOULIN (1899-1943), « Armor : La rapsode foraine (le calvaire) », vers 1930, eau-forte, Musée des beaux-arts de Quimper. (©Musée des beaux-arts de Quimper)

Cela l’a-t-il aidé ?

Oui. Daniel Cordier a mieux compris le personnage. Il avait beau être son secrétaire, il n’avait jamais su qui était Jean Moulin, ce qu’il avait fait avant, sa vie personnelle… Ce n’est qu’après la guerre qu’il a appris tout ça. Le seul aspect qu’il percevait, c’était sa connaissance artistique. Il avait été sidéré que ce personnage ne soit pas seulement qu’un politique et un militaire, mais aussi un homme très cultivé.

C’est au cours de ses années bretonnes que Jean Moulin devient, vraiment, à la fois artiste et épris d’art ?

Oui. C’est au contact de Max Jacob qu’il a pris cette profondeur, cette compréhension du développement de l’art moderne. Il se lance dans l’illustration des poèmes de Tristan Corbière, il lit Anatole Le Braz, il peint, il dessine également beaucoup, et toutes ses œuvres sont signées Romanin. Jean Moulin estimait que quand on est haut fonctionnaire, mieux vaut ne pas être perçu comme artiste.

Jean MOULIN (1899-1943), « Armor : La rapsode foraine (Le Cabaret) », vers 1930, eau-forte, Musée des beaux-arts de Quimper.
Jean MOULIN (1899-1943), « Armor : La rapsode foraine (Le Cabaret) », vers 1930, eau-forte, Musée des beaux-arts de Quimper. (©Musée des beaux-arts de Quimper)

Ces années ont-elles été cruciales pour forger la personnalité de ce grand homme ? Transparaissait-elle déjà dans ses actes de sous-préfet ?

Nous étions au début des années 1930. À l’époque, on inaugurait des monuments en souvenir de la guerre 14-18, avant d’assister à des banquets… Devant des parterres d’anciens combattants, de gueules cassées, Jean Moulin, qui avait pour mentor Charles Daniellou, maire de Locronan, avait le courage de dire qu’il fallait arriver à la Société Des Nations. Il défendait la politique d’Aristide Briand… Le jeune homme qu’on pressent un peu frivole acquiert une maturité. Pour devenir un résistant si solide à 40 ans, il faut une grande personnalité. Elle se forge au cours de ces années.

André Cariou revient sur le parcours de Jean Moulin en Cornouaille dans l’ouvrage « Jean Moulin - Les années bretonnes », qui vient de paraître aux éditions Locus Solus. 25 €

article du Télégramme

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