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TRIBUNE. Montebourg, Ruffin, Quatennens, Roussel... : "Ne laissons pas démanteler Nokia"

La tribune : "La direction de Nokia veut supprimer 986 emplois, essentiellement en recherche et développement, sur les sites de Lannion (Côtes-d'Armor) et de Nozay (Essonne), soit près d'un tiers des effectifs en France. Les emplois supprimés seraient délocalisés essentiellement en Pologne et en Inde, mais aussi en Finlande et aux Etats-Unis. Encore un exemple des conséquences de la financiarisation de l'économie et du dépeçage des fleurons industriels en France. Nokia, groupe finlandais, a racheté Alcatel-Lucent en 2016. Depuis, Nokia a exécuté un plan de suppressions d'emplois chaque année, soit un total de 1.300 postes déjà supprimés.

Pourtant, les perspectives du groupe sont prometteuses. L'épidémie de Covid-19 et la généralisation du télétravail ont confirmé l'explosion des besoins en télécommunications. Et Nokia est un acteur majeur des réseaux y compris en 5G.

Le groupe pratique une optimisation fiscale agressive

Le nouveau PDG Pekka Lundmark vient d'annoncer une augmentation massive des investissements en R&D 5G. Comment dans un même temps justifier de nouvelles suppressions d'emplois en France dans le même domaine?

Le groupe pratique une optimisation fiscale agressive. La R&D réalisée en France est sous-facturée à la holding finlandaise. Tous les brevets créés en France sont rapatriés en Finlande. Ainsi, non seulement le groupe évite de payer des impôts en France, mais l'Etat a versé dans le même temps 273 millions d'euros de crédit d'impôt recherche (CIR) à Nokia. En parallèle, les actionnaires ont touché 5 milliards d'euros en quatre ans.

Nous sommes toutes et tous concernés par cette situation :

  • d'abord parce que nous sommes solidaires des salariés qui dénoncent les conséquences sociales de ce plan : 986 emplois de haute technologie perdus, avec notamment des centaines de jeunes licenciés à peu de frais et des seniors poussés vers le chômage ;
  • mais aussi et surtout parce que le démantèlement d'un acteur majeur des télécoms en France pose une question de souveraineté et de sécurité nationale : la perte de la maîtrise de nos réseaux, l'impossibilité de peser sur le sens et le contenu des technologies.

Ajoutons que la délocalisation de ces activités très consommatrices en électricité dans des pays où la production électrique est infiniment plus carbonée et où les normes environnementales sont bien plus faibles, accroitra encore le coût environnemental de la 5G.

On ne peut pas vouloir installer la 5G à marche forcée et en même temps laisser disparaître les compétences pour la développer et la déployer

Nous refusons de laisser ainsi les actionnaires et décideurs de Nokia sacrifier l'avenir et marginaliser encore davantage la France. Nous interpellons le président de la République. On ne peut pas déclarer que la souveraineté sanitaire et industrielle sera un des piliers du plan de relance et en même temps laisser partir des industries stratégiques. On ne peut pas ignorer que la mise en place de la 5G est au cœur d'enjeux géopolitiques et que les Etats-Unis rêvent de mettre la main sur Nokia pour disposer d'un acteur en mesure de faire barrage à Huawei. On ne peut pas vouloir installer la 5G à marche forcée et en même temps laisser disparaître les compétences pour la développer et la déployer.

L'Etat dispose de leviers d'intervention pour construire une filière stratégique. Pour cela, il faut dans l'immédiat agir pour :

  • obtenir de Nokia la suspension du plan de licenciements ;
  • travailler à des alternatives. Nous appelons l'Etat à organiser une table ronde avec les pouvoirs publics, les salariés de Nokia et tous les acteurs intéressés pour ancrer une filière industrielle de réseaux en France et en Europe ;
  • contrôler le bon usage des aides publiques en matière d'investissement et d'emploi et enquêter sur les pratiques d'optimisation fiscale.

Monsieur le Président, il est encore temps d'empêcher cette catastrophe sociale, environnementale et industrielle

Nous pensons que la France doit prendre ses responsabilités pour garantir notre souveraineté sur le moyen et long terme et avoir les leviers pour peser sur les stratégies. Les pouvoirs publics et les salariés doivent être acteurs dans la gouvernance.

Monsieur le Président, il est encore temps de poser des actes à la hauteur des discours. Il est encore temps d'empêcher cette catastrophe sociale, environnementale et industrielle."

 

Premiers signataires : 

Stéphane Distinguin, président de Fabernovel
Guillaume Duval, ex-rédacteur en chef d'Alternatives Economiques
Jean-Louis Frechin, fondateur de NoDesign.net
Gaël Giraud, économiste, CNRS
Gérard Lahellec, sénateur (PCF) des côtes d'Armor
Marc Lefur, député (LR) des Côtes d'Armor, vice-président de l'Assemblée nationale
Claire Lejeune, ancienne secrétaire nationale des Jeunes écologistes
Dominique Meda, professeure des universités
Arnaud Montebourg, ancien ministre
Adrien Quatennens, porte-parole de la France Insoumise
Fabien Roussel, député, secrétaire national du PCF
François Ruffin, député (LFI) de la Somme
Jean-Paul Vermot, maire (PS) de Morlaix

Source : JDD

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