Finalement, la menace d’une baisse drastique du budget des chambres d’agriculture (via la taxe sur le foncier non bâti) a été reportée. Mais cette carotte financière a un coût : toutes doivent élaborer une nouvelle stratégie. En Bretagne, c’est fait. Et pas qu’à moitié…
La réforme a été difficile, mais nous voici enfin à l’équilibre après des années de déficits
, a annoncé, lundi 30 novembre, André Sergent, président de la chambre
régionale. C’est passé par des fermetures
de centres d’essai, le transfert de centres de formation et un plan social (soixante-douze suppressions d’emploi). Priorité désormais à notre nouveau plan stratégique
2019-2025. C’est toute l’agriculture bretonne qui doit évoluer.
Produire moins
Didier Lucas, vice-président de la chambre (Côtes-d’Armor), a pour ça des mots fermes, voire durs : Le vrai sujet, c’est qu’on ne peut plus continuer à produire de gros
volumes non payés. Nous ne voulons plus ça : ce qui veut dire une baisse de l’élevage, davantage de prairies, la baisse des phytos, etc.
Voilà une réponse aux
accusations, jugées injustes pour certaines, qui ont fait polémique autour du récent reportage télévisé de France 5 « Bretagne, la terre sacrifiée ».
Didier Lucas explique : La Bretagne va rester une terre d’élevage, la première de France, c’est notre socle. Mais avec moins de volumes produits, plus de lien au sol, plus
de compétitivité et plus de transition environnementale.
La Bretagne a les moyens et les capacités d’amorcer ce virage profond.
Car, on le voit bien, depuis longtemps, moins d’exploitations, cela va vouloir dire moins d’animaux mais plus de foncier
. En jouant sur tous les leviers, dans tous les
modèles d’élevages et de cultures, pour répondre à toutes les nouvelles attentes sociétales et évolutions des réglementations, c’est une démarche de progrès que nous avons les
moyens de réussir
.
Une installation pour quatre départs
Car nous n’avons pas la tête dans le sable
, insiste Loïc Guines (Ille-et-Vilaine).Nous constatons bien que le nombre d’installations baisse : une pour quatre départs
à la retraite…
Même si la dynamique d’installations reste plus dynamique en Bretagne qu’ailleurs (700 par an et 2 000 jeunes accompagnés). Les jeunes ne
veulent plus de l’exploitation de papa-maman. Nous voulons que ce soit leur projet, viable, durable, rentable. Et pas le projet de la coopérative ou de l’industriel.
Et pour
attirer ces jeunes, pas de miracle : Il faut rendre ce beau métier attractif et rémunérateur.
Même virage dans la polyculture et les légumes. Le chemin de l’équilibre sera vertueux
, résume Jean-Hervé Caugant (Finistère). On ne va pas revenir à l’agriculture
archaïque de nos grands-parents. Mais nous allons vers plus de biodiversité et de rotations, moins de phytos et plus de technologies.
Davantage de HVE (Haute valeur environnementale), de respect du sol
(fragile et mince en Bretagne), de stockage du carbone, etc.
Logique de transition
Et en diversifiant les cultures. Avec plus d’autonomie en protéines pour l’alimentation animale. Voire en développant la production de protéines végétales pour l’alimentation humaine. Lentilles, quinoa, soja sont très à la mode. Mais importées à 90 % ! Une niche intéressante qu’une nouvelle association du Grand Ouest va venir combler : Leggo (« Légumineuses à graines Grand Ouest »). Il y a aussi la culture du chanvre, du lin, etc.
Non
, l’agriculture bretonne n’est pas en déprise, mais dans une logique de transition
, insiste André Sergent. Nous allons garder une agriculture
bretonne puissante et exportatrice, mais plus diversifiée et mieux rémunératrice.
C’est jouable en utilisant les leviers de la souveraineté alimentaire nationale, du Plan de
relance et de la nouvelle Politique agricole commune (Pac).
Didier Lucas enfonce le clou : Je préfère aider des jeunes à s’installer, en associés, dans une agriculture qui produira moins, mieux, mais leur assurera plus de revenus et
de sécurité…
Ce n’est pas tout à fait la fin du modèle granitique breton de la production intensive, mais ça en déjà le parfum…
Article du Ouest France
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