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Universitaire à Brest, il dit la détresse des étudiants [Témoignage]

Quentin Raude est étudiant en section L3 économie-gestion à l’Université de Bretagne Occidentale à Brest. Alors que le point presse du gouvernement de ce jeudi, à 18 h, prévoit l’intervention de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, il livre son témoignage sur le premier semestre qui s’achève, les difficultés rencontrées, la détresse des étudiants et ses craintes pour l’avenir.

« Vendredi, s’est achevé un semestre universitaire qui s’est déroulé dans des conditions aussi improbables qu’insoutenables. Si les collégiens et lycéens ont la chance de suivre des cours en présentiel depuis septembre, les universitaires se sont contentés de cours en distanciel, d’abord jusqu’à janvier. Mais l’espoir d’un retour à l’université s’est vite envolé suite à la récente annonce d’un recul de la date de reprise des cours en présentiel au 8 février, hormis pour les L1 sous de strictes conditions ».

« Quelle motivation reste-t-il ? »

« Une décision décevante, pour ne pas dire injuste et incohérente. Et pour cause, l’université est depuis déjà bien des années la grande oubliée. Aux restrictions budgétaires, aux heures de cours supprimées, vient s’ajouter une profonde indifférence, un oubli de l’université et de ses acteurs dans les décisions liées à la gestion de la pandémie. Pour maintenir une même qualité de travail, étudiants comme enseignants ont redoublé d’efforts pour ne pas se laisser aller au désespoir et au décrochage. Mais aujourd’hui, quelle motivation reste-t-il quand l’avenir ne nous laisse plus avoir confiance en nos projets ? Serait-ce un caprice qu’oser demander des conditions d’études décentes, à une période où la pression sanitaire, mais aussi d’orientation semble s’être durablement installée ? »

« Malgré des modalités d’examens améliorées, quelle sera la reconnaissance de nos diplômes et compétences, la moitié de notre formation ayant eu lieu en ligne si les décisions en vigueur se reconduisent jusqu’à la fin de ce nouveau semestre ? Quelles perspectives peut-on espérer sur le marché du travail, lorsqu’on se rend déjà bien compte de la difficulté de trouver un stage dans ce contexte ? ».

« Isolement social »

« Prendre soin de la société, est-ce la protéger d’une épidémie au prix de la résignation pour ceux dont Erasmus a viré au cauchemar, de l’isolement social et d’une détresse psychologique croissante ? À quoi bon fixer des dates de reprise si celles-ci n’appellent qu’à une accumulation de faux espoirs ? Peut-on encore légitimement espérer revenir à la fac avant septembre, sachant que nous serons les derniers vaccinés ? Devons-nous continuer à honorer le loyer d’un logement dont nous n’aurons peut-être plus l’usage ? »

« Fermer les universités, afin d’éviter l’organisation de soirées, ne serait-ce pas une fausse bonne excuse lorsqu’on sait que les week-ends n’empêchent pas les regroupements ? Qu’existe-t-il de risqué à envisager une reprise des TD en présentiel, les effectifs d’un TD n’étant pas plus surchargés que ceux d’une classe de lycée ? Pourquoi devrions-nous, universitaires et universités, nécessairement nous plier à des décisions prises loin d’une réalité que ses acteurs seraient mieux à même d’appréhender ? ».


« Détresse étudiante »

« La richesse sociale et intellectuelle, symboles universitaires, ne saurait se résumer à une substitution du capital humain par le capital technologique, à un cloisonnement de l’accès à la connaissance aux seules interfaces numériques. Nous n’avons pas la prétention d’être les porte-parole d’une génération, peut-être juste celle de révéler la détresse étudiante qui se dessine et qui, nous l’espérons, ne deviendra pas bientôt enseignante ».

 

Propos recueillis par la rédaction du Télégramme

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