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Eau et Rivières : « Nous déplorons la mainmise des préfets sur les procédures »

Quand une affaire environnementale arrive au tribunal, et qu’elle se trouve coincée entre un trafic de stups et une agression sexuelle, on a tendance à relativiser… À tort ?

C’est pour cela que l’on milite pour des audiences consacrées exclusivement aux atteintes à l’environnement. Pour le reste, ces affaires touchent tout le monde, car elles visent notre patrimoine commun, notre futur climat, notre avenir. Qui sait que l’anguille est ici en voie d’extinction et est davantage menacée que l’ours polaire ? Le saumon, lui, était bien présent en Bretagne. Il n’y avait pas besoin d’aller en Norvège pour en trouver. Les truites aussi sont en péril. Et on vous dit : nos truites protègent vos huîtres ! Demandez aux ostréiculteurs de la rade de Brest… Et après les huîtres, c’est nous !

 
"L’environnement est le parent pauvre de la Justice, qui est le parent pauvre de l’État français !"

Que pensez-vous des efforts mis en avant dans la lutte contre les atteintes à l’environnement ?

La rationalisation des polices de l’eau, des sanctions, des organes de contrôle va dans le bon sens. Il reste une culture judiciaire commune à acquérir. Nous déplorons pour l’heure la mainmise des préfets sur les procédures. Ils ont aussi le pouvoir de blanchir des irrégularités. Quand un grand excès de vitesse est constaté sur la route, le préfet ne change pas le panneau de limitation pour couvrir l’excès ! On ne propose pas non plus à un contrevenant de passer le permis de conduire s’il est pris sans.

Que demandez-vous d’autre ?

J’ai retrouvé dans nos archives nos revendications en 1973, quatre ans après la création de l’association. Elles n’ont pas changé ! Davantage de contrôles et d’effectifs, davantage d’argent pour la Justice. L’environnement est le parent pauvre de la Justice, qui est le parent pauvre de l’État français ! Nous demandons aussi la création de parquets spécialisés. Le droit de l’environnement est très technique et exige de vrais spécialistes. On voit également de grandes différences selon les tribunaux. Brest et Quimper ont tendance à la mansuétude. C’est moins le cas à Lorient ou à Saint-Brieuc. Nous voulons enfin une vraie réponse pénale. Pourquoi n’entendez-vous plus parler de pollutions marines ? Parce que des peines exemplaires et dissuasives ont été prononcées. Aujourd’hui encore, les responsabilités sont diluées quand un accident survient, et les sanctions demeurent souvent dérisoires. Comme si ces pollutions n’étaient pas si graves…

Les protecteurs de l’environnement mettent en danger l’économie. C’est le discours qu’on entend parfois. Que répondez-vous à cela ?

Il n’y a pas d’économie durable sans un environnement en bonne santé. Protéger l’environnement, c’est protéger l’économie. Pas l’inverse. Quand une interdiction de production de moules intervient dans le sud de la rade de Brest, pour une durée indéterminée, sans doute plusieurs dizaines d’années (pollution au plomb), cela condamne une activité économique. Qui paie les indemnisations ? Le contribuable, c’est-à-dire tout le monde.

Les agriculteurs n’en peuvent plus d’être pointés du doigt. Les comprenez-vous ?

Tout d’abord, beaucoup d’agriculteurs ne se reconnaissent pas dans le modèle intensif breton. Ensuite, les pratiques agricoles se sont largement améliorées, pas toujours avec enthousiasme c’est certain. Il faut aussi constater qu’un grand nombre d’exploitations se sont considérablement agrandies. On voit certains chefs d’exploitation se présenter comme de petits fermiers alors que, dans les faits, ils sont à la tête de véritables exploitations industrielles, au sens même du code de l’environnement ! Nous demandons que ces exploitations soient réellement considérées comme telles. Les risques sont industriels et les pollutions le sont aussi. La Bretagne est pleine de petits Lubrizol (NDLR : du nom de cette usine de produits chimiques classée Seveso, à Rouen, où un gigantesque incendie s’était déclaré le 26 septembre 2019).

 

Hervé Chambonnière

source: https://www.letelegramme.fr/

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