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Un village normand déclare la guerre au milliardaire américain Elon Musk

L’entreprise américaine SpaceX, du milliardaire américain Elon Musk, veut développer un réseau internet haut débit par satellites partout dans le monde. En France, elle a choisi le sud de la Manche ( Normandie) pour accueillir l’une de ses trois stations terrestres. Au grand désespoir des habitants, unis contre le projet.

« Quand on choisit de vivre dans un village de campagne, ce n’est pas pour vieillir à côté d’une station pour satellites. » Quand Anne-Laure et Dimitri Gesbert-Falguières ont posé leurs valises à Saint-Senier-de-Beuvron (Manche) il y a quinze ans, ils n’imaginaient pas avoir un jour Elon Musk

, l’un des hommes les plus riches du monde, pour voisin.

 

 

Un projet reçu avec inquiétude

 

Le milliardaire américain, fondateur de Tesla, a choisi le Sud Manche pour implanter une station terrestre, indispensable à son projet d'internet par satellites  nommé Starlink.

Sa société SpaceX convoite un terrain de trois hectares dans ce village de 356 habitants, situé juste à côté d’une installation de réseau longue distance de fibre optique. C’est là qu’elle veut installer sa troisième station française, après avoir choisi Gravelines (près de Dunkerque) et Villenave-d’Ornon (près de Bordeaux).

Dans la commune normande, ce projet est reçu avec inquiétude. Dès novembre, le conseil municipal s’est prononcé, à l’unanimité, contre. Un arrêté d’opposition à la déclaration préalable a été pris début décembre. Tous soutiennent le couple de quadragénaires, qui vit ici avec un garçon de douze ans et une fille de dix ans.

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« Le maire nous a annoncé la mauvaise nouvelle le dimanche du week-end de Toussaint, en nous remettant toutes les informations dont il disposait. Depuis, nous n’avons cessé de nous renseigner sur Starlink. » Leur première crainte était visuelle : neuf antennes de 2,86 m de haut chacune, réparties sur 400 m² clôturés par des panneaux métalliques de deux mètres de haut… De quoi gâcher la belle vue sur la campagne normande dont la famille profite, avec leurs nombreux animaux.

Des antennes trop puissantes ?

Depuis, des craintes sanitaires et sonores se sont ajoutées. Ils ont reçu un dossier d’analyse des risques de rayonnement de la part de Sipartech, entreprise parisienne spécialisée dans le déploiement des réseaux de fibres et transmissions optiques en France et en Europe depuis 2008, missionnée pour mener à bien ce projet. Il affirme que « les passerelles des services SpaceX sont conformes et n’entraîneront pas des niveaux d’exposition dépassant les limites de risque de rayonnement applicables ».

Le couple s’est rapproché de scientifiques et d’associations pour mieux comprendre les données fournies dans ce dossier. « Un ingénieur nous a rappelé paniqué pour nous, pensant déjà que nous vivions à côté de ces antennes, qu’il juge trop puissantes. Nous savons déjà que si le projet se concrétise, il nous faudra partir. »

Une perspective qui trouble leurs nuits ces derniers mois et les désole. Car à La Gralemois, dans ce petit hameau normand, ils se sont construit un vrai havre de paix, où deux ânes, un paon, trois chats, un chien, un cochon d’inde et des poissons rouges cohabitent joyeusement.

Sans oublier les volailles pour les œufs, les abeilles pour faire leur miel, le verger pour le jus de pomme et le potager. « Nous sommes à la campagne pour assurer notre autonomie et pour éduquer nos enfants avec nos valeurs. À quoi ça rimerait de limiter le temps de consoles et d’écran ou d’éteindre le Wifi la nuit si c’est pour être exposé aux ondes hautes fréquences à longueur de journée ? »

Pas engagés politiquement, ils ne veulent pas pour autant être traités de technophobes.

« Gros enjeu économique »

« Je passe mes journées à télétravailler ici, glisse Dimitri, dessinateur dans un cabinet d’architecte Breton. Nous ne sommes pas des Gaulois qui veulent stopper l’évolution technologique. Mais des parents inquiets d’un projet qui veut s’implanter sans même étudier les retombées possibles sur ses voisins. » Anne-Laure, guide dans la Baie du Mont-Saint-Michel, souligne : « Le principe de précaution devrait s’appliquer. On ne veut pas attendre quinze ans et tomber malade ou voir nos animaux mourir. »

Il y a un mois, le samedi 16 janvier, ils ont eu un appel de Sipartech, qui ont tenté de les convaincre. « Ils nous ont dit clairement que c’était un gros enjeu économique pour eux avant de nous répéter beaucoup d’éléments de marketing. »

Le couple a eu la surprise de voir arriver la semaine dernière un gros stock de fourreaux électriques en face de chez eux. Comme un pied de nez. Après tout, le 1er décembre, l’entreprise américaine a déjà obtenu une autorisation « d’utilisation de fréquences radioélectriques » à cet endroit auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).

Pour ce combat qui s’annonce compliqué, ils peuvent compter sur le soutien de François Dufour, conseiller régional EELV, préoccupé depuis longtemps par l’impact des ondes sur le vivant.

Né à Saint-Senier-de-Beuvron, il ne comprend pas comment « notre démocratie » laisse s’imposer ces multinationales. « Dans leur course à qui sera le plus riche du monde, ces milliardaires passent outre le temps du débat et le droit à l’information. C’est une vraie violence qu’ils font aux populations. »

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