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Proportionnelle aux législatives: Macron temporise, LFI pousse pour sa Constituante

ÉLECTIONS - Le 5 mai 2017, Emmanuel Macron, alors candidat à la présidence, certifiait à Médiapart qu’il allait faire passer une loi visant à introduire la proportionnelle lors des élections législatives. Quitte à “aller devant le peuple”, pour le faire. Quatre ans plus tard, force est de constater que cette promesse, à laquelle le président de la République s’était engagé auprès de François Bayrou sous la forme d’un “pacte d’alliance”, peine toujours à sortir des cartons. 

La fin du quinquennat approchant, le patron du MoDem a beau jeter toutes ses forces dans la bataille, réclamant ici un référendum sur le sujet, poussant là pour une proposition de loi à l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron semble jouer la montre.

Selon Le Parisien, le chef de l’État aurait d’ailleurs renvoyé la balle aux députés et sénateurs ce vendredi 19 février lors d’une rencontre organisée avec une quinzaine d’élus de la majorité. “Dans l’agenda qui est le nôtre, ce n’est pas à moi de prendre la décision. C’est aux parlementaires de se saisir de la question et d’en parler entre eux”, aurait-il lancé à l’élue centriste Isabelle Florennes, qui l’interrogeait à ce sujet, selon le récit du quotidien.

Comprendre: la question n’est pas une priorité pour le président de la République -très silencieux sur le sujet- occupé matin, midi et soir par la crise sanitaire du covid-19 et ses soubresauts. 

Le “réflexions se poursuivent” mais...

Gabriel Attal ne disait pas autre chose, mercredi 10 février dernier, en marge du Conseil des ministres hebdomadaire. Selon le porte-parole du gouvernement, Emmanuel Macron était revenu, à cette occasion, sur un débat “important”, estimant qu’il devait “se poursuive, notamment entre les forces politiques.”

Certes, l’introduction d’une dose de proportionnelle était “un engagement de campagne” pris par Emmanuel Macron “devant les Français en 2017″ selon les mots de Gabriel Attal, mais le porte-parole prenait alors bien soin de préciser qu’elle devait initialement s’inscrire “dans une réforme plus large de nos institutions” comprenant notamment la réduction du nombre de parlementaires.

“Je sais que beaucoup de Français sont favorables à cette mesure et que cette réforme globale des institutions a été bloquée par les oppositions en 2018”, expliquait Gabriel Attal, comme pour détourner le regard de ceux qui accuseraient le chef de l’État de ne pas respecter ses promesses, ajoutant une précision de taille: “les réflexions se poursuivent” mais “il semble compliqué d’isoler une mesure par rapport aux autres”.

C’est pourtant ce que prévoit la dernière proposition de loi en la matière, déposée par le MoDem au début du mois de février. Patrick Mignola, le patron des députés centristes suggère, comme base de travail, une proportionnelle dans les départements de 12 députés et plus, “correspondant ainsi à un taux de 22,5% d’élus à la proportionnelle”. 

L’exposé des motifs souligne que le visage de l’Assemblée nationale “n’est pas totalement celui de la France d’aujourd’hui”. Le parti présidentiel LREM et ses alliés MoDem et Agir y disposent d’une majorité absolue, alors que le Rassemblement national par exemple n’y dispose que de quelques sièges malgré des scores autour de 25% aux élections nationales, et les écologistes n’ont aucun siège attitré.

LFI pousse pour sa Constituante

Ce décalage entre le pays politique réel et sa représentation alimente la poussée de l’abstention et le désaveu de l’action politique, selon les tenants de cette proportionnelle... et ils sont nombreux.

Hormis les Républicains, hostiles à toute réforme et le PS d’Olivier Faure pour qui il est “trop tard”, Julien Bayou pour la formation Écolo, Marine Le Pen pour le Rassemblement national, Jean-Christophe Lagarde pour l’UDI ou Jean-Luc Mélenchon pour les Insoumis... tous, sous-représentés au Palais Bourbon, veulent voir les règles changer.

“La proportionnelle repose sur le principe d’une représentation plus diverse des citoyens. Elle permettrait en partie de renouer le lien distendu entre les institutions et les citoyens”, écrivent par exemple Raquel Garrido et Pierre-Yves Cadalen, les responsables du livret “Constituante” de la France insoumise dans une tribune publiée par Libération quand leur chef de file, Jean-Luc Mélenchon, prenait quelques distances, mercredi, avec la proposition du MoDem: “Pour nous, les élus du peuple doivent être élus partout avec le même mode de scrutin.” 

Face à ces tergiversations, la France insoumise n’oublie pas, non plus, d’avancer ses propres pions. Pour l’ancienne porte-parole du parti, Raquel Garrido, l’Assemblée constituante, prônée par Jean-Luc Mélenchon depuis des années; “est la seule à tenir la route sur le plan démocratique.”

“Elle discutera de la réorganisation générale des pouvoirs, établira le référendum d’initiative citoyenne, et ôtera au Président ses pouvoirs démesurés qui échappent à tout contrôle. Du reste, nous pourrons alors discuter des modes de scrutin, voire des manières de voter, qu’il faut adopter. Et, à ce moment, le peuple tranchera”, écrit l’avocate, désormais chroniqueuse sur C8, dans ce texte co-signé avec le docteur en science politique Pierre-Yves Cadalen, accusant au passage, Emmanuel Macron de renier sa promesse.

Pas de quoi faire dévier le MoDem de sa trajectoire: “Quand je mène un combat, c’est parce que je crois qu’on peut le gagner”, martelait François Bayrou jeudi 18 février sur BFM TV. Selon plusieurs médias, le parti centriste, fort du soutien de 80 parlementaires, va tout faire pour que sa proposition de loi soit discutée à l’Assemblée dès la semaine du 15 mars. Reste désormais à savoir si le président de la République va sortir du bois ou non... au risque de laisser La République en marche se diviser, à nouveau, au Palais Bourbon. 

Source: Huffpost

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