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"La vie n’est pas dans le temps, mais dans l’usage".

"La vie n’est pas dans le temps, mais dans l’usage".
Le 21 février 1944, Missak Manouchian, poète et auteur de cette pensée d’une sagesse intemporelle, était fusillé au Mont-Valérien avec 22 de ses camarades communistes, combattants des FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans – Main-d’œuvre Ouvrière Immigrée).
Pour la plupart étrangers, les partisans du Réseau Manouchian combattaient pour la libération de la France. Ils avaient déjà fui l’oppression et la mort. Manouchian était Arménien, rescapé du génocide perpétré par la Turquie en Arménie ; ouvrier, syndicaliste et autodidacte, il était devenu poète et commandant dans la Résistance. Nombre des membres du réseau étaient Juifs et avaient échappé aux pogroms d’Europe centrale et aux exactions des nazis. Espagnols, Polonais, Hongrois, Roumains, Italiens et Français... Certains n’avaient pas 20 ans. La plupart étaient communistes, le plus souvent ouvriers de profession.
Une pensée émue aussi pour Olga Bancic, immigrée roumaine, juive et communiste, membre du réseau qui fut horriblement torturée, puis guillotinée, à la prison de Stuttgart, le 10 mai 1944 à 32 ans.
Une pensée aussi pour Henri Krasucki, brocardé dans les médias néolibéraux pour son accent et sa défense des prolétaires de France - il avait été résistant et déporté.
À ses accusateurs, Missak Manouchian lancera "Vous avez hérité la nationalité française, nous l'avons méritée".
Hommage aux héros dont la France s'enorgueillit de les avoir eu comme enfants.
Ils étaient le sel de la terre.
Ils sont morts pour la France.
La propagande nazie essaya d’utiliser leurs origines ethniques et religieuses pour disqualifier la Résistance auprès de la population. C’est le contraire qui en découla : la célèbre "Affiche Rouge" allait devenir un des grands symboles de la Résistance. Louis Aragon en tira un poème poignant (que l’on trouvera in extenso à la fin de ce billet).
Dans son ultime lettre, "Lettre à Mélinée" - son épouse -, que Manouchian signa de son prénom francisé, "Michel", peu avant son exécution, ce soldat volontaire de l’armée de Libération a eu la sagesse et la force de déclarer qu’il ne haïssait pas le peuple allemand et espérait pour tous le bonheur.
D’une certaine manière, sa lettre fait écho au programme du Conseil national de la Résistance (CNR), "Les Jours heureux".
En ces temps troublés que nous vivons, je sens le besoin de rappeler cet épisode tragique et glorieux qui malheureusement s’efface de la conscience de notre jeunesse. Notre République a des fondements, des principes et une histoire.
Ce qu’elle est depuis la Résistance, depuis le programme du CNR, depuis 1945, est assailli de toute part.
- D’abord, par le capital financier et ses serviteurs au sommet de l’Etat qui ne cessent de détruire ce qui été construit alors : la solidarité entre les classes et la solidarité intergénérationnelle, par la sécurité sociale et le système des retraites par répartition et non par capitalisation. Ces combattants, souvent communistes, socialistes, étaient animés par un idéal de fraternité et de justice sociale.
- Ensuite, par tous ceux qui ne voient l’identité de la France que par le petit bout de la lorgnette ethnique et qui oublient que la France doit sa grandeur à tous ceux qui l’ont faite, et donc aussi à bien des étrangers qui se sont battus pour l’idéal qu’elle représente dans le monde, issu de la grande Révolution française de 1789. C’est pourquoi, puisqu’on me pose parfois la question, je n’ai aucune pitié ni empathie pour les petits fascistes en herbe tels que Génération identitaire que République souveraine avait appelé à dissoudre. "Pourquoi ?", me demande-t-on. "Eux aussi défendent la France !" C’est simple : dans les rassemblements militants confidentiels, dans les espaces privés, lors des fins de soirée arrosées, ces gens-là chantent "Maréchal, nous voilà" voire, parfois, les chants de nos ennemis, ceux de la Wehrmacht. Nous, nous chantons "La Complainte du partisan", "le Chant des partisans", "Le Chant du départ" et même, parfois, des chants de l’Armée rouge, force principale qui écrasa l’hydre nazie et ses soutiens.
- Enfin, la République du CNR est attaquée par ceux qui, se disant de gauche, en appellent à une immigration non régulée et sans conditions. Ils se pensent résistants sans comprendre, d’une part, qu’ils font le jeu du capital, qui accueille à bras ouverts toute la misère du monde pour mieux l’exploiter et en profite pour tirer les salaires et les conditions de travail dans notre pays vers le bas ; et d’autre part, que cette République qu’ils prétendent défendre ne peut continuer à exister qu’avec une assimilation qui marche, et que le multiculturalisme qu’ils promeuvent ou devant lequel ils baissent les bras est pour elle un poison mortel.
MEMBRES DU RESEAU MANOUCHIAN EXECUTES ⬇️⬇️⬇️
🔺Celestino Alfonso, Espagnol, 27 ans
🔺Olga Bancic, Roumaine, 32 ans
🔺Joseph Boczov, Hongrois, 38 ans
🔺Georges Cloarec, Français, 20 ans
🔺Rino Della Negra, Italien, 19 ans
🔺Thomas Elek, Hongrois, 18 ans
🔺Maurice Fingercwajg, Polonais, 19 ans
🔺Spartaco Fontano, Italien, 22 ans
🔺Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans
🔺Emeric Glasz, Hongrois, 42 ans
🔺Léon Goldberg, Polonais, 19 ans
🔺Szlama Grzywacz, Polonais, 34 ans
🔺Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans
🔺Cesare Luccarini, Italien, 22 ans
🔺Missak Manouchian, Arménien, 37 ans
🔺Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans
🔺Marcel Rajman, Polonais, 21 ans
🔺Roger Rouxel, Français, 18 ans
🔺Antoine Salvadori, Italien, 24 ans
🔺Willy Schapiro, Polonais, 29 ans
🔺Amédéo Usséglio, Italien, 32 ans
🔺Wolf Wajsbrot, Polonais, 18 ans
🔺Robert Witchitz, Français, 19 ans
L’ULTIME LETTRE DE MICHEL MANOUCHIAN ⬇️⬇️⬇️
Ma Chère Mélinée,
ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement.
Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous...
J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse.
Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.
Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie.
Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus.
Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur.
Adieu.
Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel
L’AFFICHE ROUGE – POEME DE LOUIS ARAGON ⬇️⬇️⬇️
Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant

Source: facebook de

Kuzmanovic Georges

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