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L’agonie des éleveurs laitiers filmée par le réalisateur douarneniste Mathurin Peschet

Depuis cinquante ans, les producteurs de lait finistériens disparaissent peu à peu dans une indifférence quasi-générale. Le réalisateur douarneniste Mathurin Peschet est parti à la rencontre de quelques-uns d’entre eux, et en a tiré un documentaire aussi passionnant que glaçant, intitulé « Le dernier des laitiers ».

Et s’il ne restait qu’une seule exploitation laitière dans le Finistère en 2050 ? La question peut paraître saugrenue et pourtant… Ces cinquante dernières années, le nombre de producteurs de lait finistériens a été divisé par quinze. De plus de 30 000 en 1970, ils ne sont qu’environ 2 500 aujourd’hui. Et, chaque mois, de nouveaux agriculteurs choisissent ou sont contraints de stopper leur activité, souvent sans repreneur pour leur exploitation.

Documentariste douarneniste passionné par les questions agricoles, Mathurin Peschet s’est intéressé à cet inexorable déclin pour son dernier documentaire, intitulé « Le dernier des laitiers ». « Je me suis penché sur le sujet dès 2015, au moment de la fin des quotas laitiers. Il y avait de gros panneaux où il était écrit « Guerre du lait » », se souvient le réalisateur. « Lorsque j’ai commencé à en parler, on m’a répondu que c’était une crise de plus, qu’elle s’éteindrait rapidement. Mais en prenant de premiers contacts, je me suis aperçu que les producteurs de lait étaient en train de disparaître ».

« Ils font face à des injonctions contradictoires »

De Pouldergat à Bruxelles, en passant par Guengat, Quimperlé et le Salon de l’Agriculture, Mathurin Peschet a sollicité de nombreux acteurs de la filière pour interroger ce mouvement que rien ne semble pouvoir (ou vouloir ?) enrayer : agriculteurs conventionnels, biologiques ou en reconversion, administrateur de coopérative, économiste ou encore membre de la Commission européenne.

Tous, à leur échelle, apportent un éclairage sur cette disparition, accélérée par la mondialisation et la course à la productivité dans laquelle sont entraînés les producteurs, qui n’ont guère leur mot à dire quant aux consignes des laiteries auxquelles ils sont liés. « D’un côté, la société dit aux agriculteurs qu’ils sont des salauds et des pollueurs et de l’autre, les laiteries leur ordonnent de produire encore davantage et d’agrandir leurs troupeaux. Les exploitants font face à deux injonctions contradictoires », note Mathurin Peschet.

« L’agriculture est dure avec les paysans »

Las de cette schizophrénie, ou tout simplement dans l’incapacité de suivre financièrement, certains choisissent d’arrêter. C’est le cas de Jean-François Griffon, ancien éleveur de Pouldergat, en larmes au moment d’évoquer les animaux qui ont déserté l’étable. « On m’a demandé de 40 animaux à 45, puis de 45 à 50, puis de 50 à 60… L’agriculture est dure avec les paysans », souffle-t-il devant la caméra du réalisateur douarneniste.

D’autres continuent le combat et tracent leur propre sillon : parfois en choisissant de garder le contact coûte que coûte avec leurs bêtes, ou en automatisant certaines étapes cruciales de la profession, via de lourds investissements dans des robots de traite, par exemple. « Les éleveurs ont de plus en plus d’attrait pour les nouvelles technologies, notamment les jeunes. Cela permet de dégager du temps pour soi, dans un métier d’astreinte très difficile », constate Mathurin Peschet. « Mais plus de robot, c’est aussi moins de vaches dans les champs. Est-ce que c’est ça, le progrès ? », se demande-t-il, sans vouloir répondre à la place des acteurs, ou des futurs téléspectateurs du documentaire. Le réalisateur le dit tout net : « Je ne connais pas la fin de l’histoire ».

Pratique

« Le dernier des laitiers », le mercredi 3 mars, à 23 h 20 sur France 3 Bretagne. Documentaire de 52 minutes réalisé par Mathurin Peschet, coproduit par Mille et Une Films et Tébéo.

Dimitri L'Hours

source: https://www.letelegramme.fr/

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