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Morts de la Covid : 16 années de vie perdues en moyenne, selon un étude menée dans 81 pays

Résumé

 

Pour comprendre l’impact de la COVID-19 sur la mortalité, il faut non seulement compter les morts, mais aussi analyser dans quelle mesure ces décès sont prématurés. Nous calculons les années de vie perdues (AVP) dans 81 pays en raison des décès attribuables à la COVID-19, et nous effectuons également une analyse basée sur l’estimation des décès excédentaires.

 

Nous constatons que plus de 20,5 millions d’années de vie ont été perdues à cause de la COVID-19 dans le monde. Au 6 janvier 2021, les années de vie perdues dans les pays fortement touchés sont de 2 à 9 fois supérieures à la moyenne de la grippe saisonnière ; les trois quarts des années de vie perdues sont dues à des décès de moins de 75 ans et près d’un tiers à des décès de moins de 55 ans ; et les hommes ont perdu 45 % d’années de vie de plus que les femmes.

 

Les résultats confirment l’impact important de la COVID-19 sur la mortalité des personnes âgées. Ils appellent également à une plus grande sensibilisation lors de l’élaboration de politiques visant à protéger les groupes démographiques vulnérables qui perdent le plus grand nombre d’années de vie.

 

Introduction

 

Les effets directs et indirects importants de la pandémie de COVID-19 ont nécessité la mise en place de mesures politiques qui, lorsqu’elles sont raisonnables, constituent un équilibre entre la réduction de l’impact sanitaire immédiat de la pandémie et la limitation des dommages à long terme pour la société qui peuvent résulter des politiques de protection. L’impact de la COVID-19 sur la mortalité est un paramètre d’entrée essentiel dans le calcul de la justification des politiques restrictives.

 

Les tentatives d’évaluation de l’impact de la COVID-19 sur la mortalité totale se poursuivent sur plusieurs fronts. Des progrès sont réalisés dans l’estimation du taux de mortalité lié à l’infection par COVID-19 et de la manière dont ce taux peut varier d’une sous-population à l’autre1. De vastes collaborations internationales coordonnées ont été mises en place pour recueillir des données qui enregistrent les décès attribuables à la COVID-19.

 

Des tentatives d’estimation de la surmortalité totale liée à la COVID-19 sont en cours et sont considérées comme une mesure importante2,3. Chacune de ces pistes de recherche et les mesures sanitaires qui y sont associées (taux d’infection, décès et surmortalité) sont importantes pour informer le public et les décideurs politiques de l’impact de la COVID-19 sur la mortalité. Toutefois, chacune d’entre elles a ses propres limites. Les taux de mortalité liés à l’infection ne s’appliquent qu’à la sous-population relativement restreinte dont la maladie a été confirmée, et sans connaissance du nombre réel de personnes infectées, ces taux sont intrinsèquement difficiles à estimer.

 

Les décès attribuables à la COVID-19 peuvent surestimer ou sous-estimer le nombre réel de décès dus à la maladie, car les politiques et les pratiques de codage des décès ne font que se développer et se normaliser. Les approches de surmortalité qui comparent les taux de mortalité au cours de l’épidémie de COVID-19 à une base de référence dépendent de l’estimation correcte de cette base.

 

Toutefois, la principale limite des approches relatives aux décès attribuables à la COVID-19 ou aux décès excédentaires est que ces approches ne fournissent pas d’informations sur le nombre d’années de vie perdues. On peut considérer que les décès à un âge très avancé entraînent moins d’années de vie perdues, par rapport aux décès à un très jeune âge. En fait, plusieurs réponses politiques (ou non-réponses) ont été motivées par l’argument que la COVID-19 tue principalement des individus qui, même en l’absence de COVID-19, auraient eu peu d’années de vie restantes. Toutefois, aucune évaluation complète de l’impact réel de ce virus sur la mortalité n’a été réalisée.

 

Nous analysons l’impact de la COVID-19 sur la mortalité prématurée en calculant le nombre d’années de vie perdues dans 81 pays et couvrant 1 279 866 décès. Nous basons notre analyse sur deux grandes bases de données récemment établies et constamment enrichies4,5 et sur deux approches méthodologiques différentes, l’une basée sur les décès attribuables à la COVID-19 pour certains pays, l’autre sur l’estimation des décès excédentaires en comparant les niveaux de mortalité récents à une base de référence estimée.

 

Nous ne sommes pas en mesure de résoudre les limites de mesure de ces deux approches, mais la nature complémentaire des deux façons de mesurer les décès par COVID-19 rend ces problématiques explicites et nous permet d’en évaluer les implications. Cette étude est également limitée à la seule mortalité prématurée ; une évaluation complète de l’impact sur la santé pourrait par exemple prendre en compte la charge de l’invalidité associée à la maladie6. Cette dernière dimension exige une compréhension approfondie des séquelles associées à la COVID-19, pour lesquelles des données transnationales et comparables sont limitées à ce stade. C’est pourquoi nous nous concentrons ici sur la mortalité prématurée.

 

Méthodes

 

Les comptages des décès par âge et par sexe dus à la COVID-19 proviennent de la COVerAge-DB4 ; l’analyse inclut tous les pays où il y a au moins un décès lié à la COVID-19 en4 au moment de l’étude. Les données sur la population sont tirées de la base de données sur la mortalité humaine5 et des Perspectives de la population mondiale7. Les espérances de vie des pays sont tirées des tables de mortalité du World Population Prospects pour la période 2015-2020.

 

Les dates auxquelles les données sont collectées et le nombre de décès par pays sont indiqués dans les documents d’information complémentaires (tableau S1 des Informations complémentaires). Les projections du nombre total de décès dus à la COVID-19 par pays proviennent de l’Imperial College8.

 

Le nombre de décès dus à d’autres causes de mortalité provient des données de Global Burden of Disease9. Enfin, nous utilisons les données sur la surmortalité hebdomadaire provenant de la base de données sur les fluctuations de la mortalité à court terme (STMF, de la base de données sur la mortalité humaine5). Une description complète des données, de leurs sources et de la méthodologie est fournie dans les informations complémentaires.

 

Résultats

 

Au total, 20 507 518 années de vie ont été perdues à cause de la COVID-19 dans les 81 pays étudiés, en raison de 1 279 866 décès dus à la maladie. La moyenne des années de vie perdues par décès est de 16 ans. Comme les pays se trouvent à différents stades de la trajectoire de la pandémie, cette étude est un instantané des impacts de la COVID-19 sur les années de vie perdues (AVP) au 6 janvier 2021 (la liste complète des pays et leurs dates de mesure se trouve dans les Informations complémentaires).

 

Dans 35 des pays de notre échantillon, la couverture des données s’étend sur au moins 9 mois ; dans ces cas, cela suggère que l’on peut probablement saisir tous les impacts de la pandémie en 2020, ou au moins les premières vagues de la pandémie. Pour les autres pays dont les taux de transmission sont encore en hausse ou pour lesquels les données sont encore disponibles pour la fin de l’année 2020, les années de vie perdues devraient encore augmenter considérablement au cours des prochains mois. Nous encourageons une interprétation contextuelle des résultats présentés ici, en particulier lorsqu’ils sont utilisés pour évaluer l’efficacité des politiques orientées COVID-19.

 

Figure 1

 

 

Les graphes A à C rapportent le ratioentre le taux d’AVP à cause de la COVID-19 et le taux d’AVP à cause respectivement de la grippe saisonnière (en prenant les valeurs médianes et maximales des annéesde mort par pays), des accidents de la circulation et des maladies cardiaques.

 

Le graphe D rapporte, pour les pays disposant de données disponibles, le ratio entre le taux d’AVP à cause de la COVID-19 et le taux d’AVP dues à la surmortalité. Lorsque deux causes de mortalité affectent les AVP de manière égale, le ratiovaut précisément 1 ; des valeurs de ratio plus élevées suggèrent que le taux d’AVPà cause de la COVID-19 sont plus élevées que le taux d’AVP dues à la cause alternative. La moyenne des ratios est en lignes verticales dans chaque graphe.

 

Le nom de chaque pays est suivi (entre parenthèses) du nombre de jours écoulés depuis le premier cas COVID officiel du pays jusqu’au dernier jour des données COVID-19 disponibles sur les décès pour ce pays. Les pays sont toujours triés par rapport au ratio taux d’AVP COVID-19 vs taux d’AVP grippe saisonnière (en années médianes) dans les différents graphes pour faciliter la lecture.

 

Comparaisons avec d’autres causes de mortalité

 

Pour mettre en perspective l’impact de la COVID-19 sur les AVP, nous le comparons aux impacts de la mortalité prématurée de trois autres causes communes de décès dans le monde : les maladies cardiaques (maladies cardiovasculaires), les accidents de la circulation (blessures dues au transport) et la grippe saisonnière ou influenza (voir les informations complémentaires pour les définitions et les identifications des causes).

 

Les maladies cardiaques sont l’une des principales causes d’AVP6, tandis que les accidents de la circulation sont une cause moyenne d’AVP, ce qui permet de comparer des causes moyennes et élevées. Enfin, la grippe saisonnière courante a été comparée à la COVID-19, car il s’agit dans les deux cas de maladies respiratoires infectieuses (voir toutefois 10, qui suggère des aspects vasculaires de la maladie).

 

Nous comparons les taux d’AVP (pour 100 000) pour COVID-19 aux taux d’AVP pour d’autres causes de décès. La charge de mortalité liée à la grippe saisonnière varie considérablement d’un pays à l’autre au fil des ans. Nous comparons donc les taux d’AVP pour les années les plus difficiles et la médiane de la grippe pour chaque pays au cours de la période 1990-2017. Les comparaisons des taux d’AVP pour la COVID-19 par rapport aux taux d’AVP pour d’autres causes sont présentées dans la Figure 1.

 

Nous constatons que dans les pays fortement touchés et très développés, le taux de COVID-19 est de 2 à 9 fois celui de la grippe saisonnière courante (par rapport à une année de grippe médiane pour le même pays), entre 2 et 8 fois les taux d’AVP liés au trafic, entre un quart et la moitié des taux d’AVP attribuables aux maladies cardiaques dans les pays (avec des taux atteignant autant voire le double des taux des maladies cardiaques en Amérique latine).

 

Les variations entre pays sont importantes, car de nombreux pays ont des taux d’AVP dus à la COVID-19 encore très bas. Les résultats de nos informations complémentaires montrent que ces pays sont souvent des pays où relativement moins de jours se sont écoulés depuis le premier cas confirmé de COVID-19.

 

Un des problèmes notés dans l’attribution des décès à la COVID-19 a été la minoration systématique des décès dus à la COVID-19, car le décompte officiel des décès peut refléter les limites des tests ainsi que les difficultés de comptage dans les contextes extra-hospitaliers. Afin d’évaluer l’importance du sous-comptage dans nos résultats, nous calculons les décès excédentaires pour 19 pays disposant de données hebdomadaires sur la mortalité. Une base de mortalité est estimée pour chaque pays et chaque groupe d’âge pour la mortalité hebdomadaire toutes causes confondues depuis la première semaine de 2010.

 

Nos résultats (Fig. 1, quatrième graphe) confirment l’affirmation selon laquelle la charge de mortalité réelle de la COVID-19 est probablement beaucoup plus élevée. La comparaison entre les décès attribuables à la COVID-19 et les décès excédentaires pour le calcul des AVP suggère que les premiers peuvent en moyenne sous-estimer les AVP par un facteur de 3. Les variations entre pays sont importantes, en Belgique les deux approches donnent des résultats comparables, mais pour la Croatie, la Grèce et la Corée du Sud l’approche des décès excédentaires suggère que nous pouvons multiplier les AVP par un facteur de plus de 12.

 

Figure 2

 

 

Le graphe A affiche les proportions d’AVP spécifiques à chaque pays, en fonction de chaque groupe d’âge. La proportion moyenne globale est présentée en haut, et les pays sont en proportion décroissante d’AVP dans la tranche d’âge des moins de 55 ans. Le graphe B présente le rapport entre les taux d’AVP masculins et féminins pour les pays pour lesquels des données COVID-19 spécifiques au sexe sont disponibles.

 

Les pays où le taux d’AVP touche de manière égale les deux sexes sont plus proches de la ligne de parité à 1, tandis que les pays où les femmes sont plus touchées ont des points situés à gauche ; les pays où les hommes sont plus gravement touchés affichent des points situés à droite. La moyenne globale et la moyenne pondérée globale des AVP entre hommes et femmes sont présentées en haut.

 

Années de vie perdues en fonction de l’âge

 

Comme on l’a noté au début de la pandémie, les taux de mortalité pour la COVID-19 sont plus élevés chez les personnes âgées11, avec un postulat selon lequel cela pourrait être corrélé avec la plus grande probabilité que ces personnes souffrent de facteurs de risque sous-jacents12,13. L’échantillon de cette étude présente un âge moyen au décès de 72,9 ans ; pourtant, seule une fraction des AVP peut être attribuée aux individus dans les tranches d’âge les plus élevées. Globalement, 44,9 % de la mortalité totale peut être attribuée aux décès de personnes âgées de 55 à 75 ans, 30,2 % à ceux de moins de 55 ans et 25 % à ceux de plus de 75 ans.

 

En d’autres termes, le chiffre moyen de 16 ans de vie perdus comprend les années perdues par les personnes proches de la fin de leur vie, mais la majorité de ces années sont celles des personnes ayant une espérance de vie restante importante. D’un pays à l’autre, une part importante des AVP remonte à la tranche d’âge des 55-75 ans, mais il subsiste des différences marquées dans la contribution relative des groupes d’âge les plus âgés et les plus jeunes (Fig. 2, graphe A).

 

Ces tendances expliquent la proportion d’AVP pour chaque groupe d’âge par rapport aux AVP globales (voir tableau S7). Dans les pays à revenu élevé, une plus grande proportion d’AVP est supportée par le groupe le plus âgé par rapport aux groupes d’âge les plus jeunes. La tendance inverse apparaît dans les pays à faibles et moyens revenus, où une grande partie des AVP est due à des personnes qui meurent à 55 ans ou moins.

 

Années de vie perdues selon le sexe

 

Il est également apparu qu’il existe des disparités entre les sexes dans l’expérience de la COVID-1914 ; notre étude constate que cela est vrai non seulement pour les taux de mortalité, mais aussi pour le nombre absolu d’années de vie perdues. Dans l’échantillon de pays pour lesquels on dispose d’un décompte des décès par sexe, les hommes ont perdu 44 % d’années de plus que les femmes.

 

Deux causes affectent directement cette disparité : (1) un âge moyen au décès plus élevé pour les décès de femmes COVID-19 (71,3 pour les hommes, 75,9 pour les femmes), ce qui se traduit par un nombre d’années de vie perdues par décès relativement plus faible (15,7 et 15,1 pour les hommes et les femmes respectivement) ; et (2) plus de décès masculins que de décès féminins en nombre absolu (Ratio d’1,39 entre les décès masculins et féminins).

 

Bien que ce schéma général soit partagé par la plupart des pays, l’ampleur de la disparité varie, ainsi que l’importance des deux causes ci-dessus. Le rapport entre les taux d’AVP masculins (pour 100 000) et féminins pour la COVID-19 va d’une quasi-parité, comme en Finlande ou au Canada, à plus du double dans des pays comme le Pérou ou à plus du quadruple comme à Taïwan (Fig. 2, graphe B).

 

Pour les pays qui présentent des taux d’AVP très déséquilibrés entre les hommes et les femmes (plus fréquents dans les pays à faible revenu), ce sont les différences de nombre de décès entre les sexes qui contribuent le plus à ce déséquilibre. Cependant, les déséquilibres substantiels restent très présents dans les pays à revenu élevé également (voir Informations complémentaires pour plus de détails).

 

Discussion

 

Il est essentiel de comprendre l’impact sanitaire complet de la pandémie de COVID-19 pour évaluer les réponses politiques en la matière. Nous avons analysé l’impact de la COVID-19 sur la mortalité en calculant le nombre d’années de vie perdues dans 81 pays, ce qui représente 1 279 866 décès. Du point de vue de la santé publique, les années de vie perdues sont cruciales dans la mesure où elles permettent d’évaluer la durée de vie écourtée des populations touchées par la maladie.

 

Nous avons pris en compte l’ensemble des décès attribuables à la COVID-19 pour identifier les modèles d’années de vie perdues et, en guise de contrôle de robustesse important, nous avons effectué une analyse basée sur l’estimation des décès excédentaires en comparant les niveaux de mortalité récents à une base de référence (estimée). Nos résultats fournissent trois informations clés. Premièrement, le nombre total d’années de vie perdues (AVP) au 6 janvier 2021 est de 20 507 518, ce qui, dans les pays fortement touchés, représente entre 2 et 9 fois l’AVP médiane de la grippe saisonnière ou entre un quart et la moitié des maladies cardiaques.

 

Cela représente 273 947 vies complètes perdues, soit plus de deux cent mille vies vécues depuis la naissance jusqu’à l’espérance de vie moyenne à la naissance dans notre échantillon (74,85 ans). Ensuite, les trois quarts des AVP sont supportées par des personnes qui meurent avant l’âge de 75 ans. Troisièmement, les hommes ont perdu 45 % d’années de vie de plus que les femmes.

 

Ces résultats doivent être compris dans le contexte d’une pandémie en cours et après la mise en œuvre de mesures politiques sans précédent. Les estimations existantes sur le scénario hypothétique d’une absence de réponse politique suggèrent un nombre de décès beaucoup plus élevé et, par conséquent, une augmentation du nombre d’AVP.

 

Nos calculs basés sur les projections de8 donnent un impact total largement plus élevé, surtout si l’on considère les projections basées sur une absence totale d’interventions (voir les informations complémentaires pour plus de détails sur les projections). Ceci est conforme à d’autres preuves des effets salvateurs des mesures de confinement et de distanciation sociale15.

 

Il existe deux sources principales de biais possibles dans nos résultats, et ces biais opèrent dans des directions différentes. Tout d’abord, les décès dus à la COVID-19 peuvent ne pas être enregistrés avec précision, et la plupart des données suggèrent qu’au niveau global, ils peuvent être un sous-total du nombre total de décès.

 

Par conséquent, nos estimations d’AVP peuvent également être sous-estimées. Nous comparons nos estimations d’AVP à des estimations basées sur des approches de surmortalité qui nécessitent davantage d’hypothèses de modélisation mais qui sont robustes en cas de classification erronée des décès. Les résultats de cette comparaison suggèrent qu’en moyenne, d’un pays à l’autre, nous pourrions sous-estimer les taux d’AVP de la COVID-19 par un facteur de 3.

 

Deuxièmement, les personnes qui meurent de la COVID-19 peuvent être une population à risque dont l’espérance de vie restante est plus courte que l’espérance de vie restante de la personne moyenne16,17,18. Cette préoccupation méthodologique est probablement valable et, par conséquent, notre estimation du nombre total d’années de vie perdues dues à la COVID-19 pourrait être surestimée. Cependant, nos principaux résultats ne sont pas les AVP totales, mais les ratios et les distributions des AVP qui sont relativement robustes au biais de comorbidité.

 

En effet, ce biais s’applique également aux calculs d’AVP pour la grippe saisonnière ou les maladies cardiaques. Ainsi, le rapport des AVP par COVID-19 par rapport aux autres causes de décès est plus robuste au biais de comorbidité que l’estimation au niveau des AVP, car les biais sont présents à la fois dans le numérateur et le dénominateur. De même, les distributions par âge et par sexe des AVP ne souffriraient d’un grave biais de comorbidité que si ces facteurs varient fortement en fonction de l’âge ou du sexe.

 

Comme indiqué précédemment, notre analyse se limite à la mortalité prématurée. Une évaluation complète de l’impact sur la santé devrait prendre en compte la charge de l’incapacité associée à la maladie. En effet, les AVP sont souvent présentées conjointement avec les années vécues avec une incapacité (AVI) dans une mesure appelée espérance de vie ajustée sur l’incapacité (AVAI), construite en ajoutant les AVI aux AVP19.

 

Cependant, pour calculer les AVI, nous devons avoir une compréhension approfondie des séquelles associées à la maladie, ainsi que de leur prévalence. Plusieurs séquelles ont été liées à la COVID-19 récemment20,21 en Chine, mais nous ne comprenons pas encore parfaitement dans quelle mesure il serait nécessaire de calculer des mesures transnationales fiables de l’AVI à l’échelle de cet article. Nous considérons que la collecte de ces mesures est donc d’une importance capitale pour les prochaines étapes afin de mieux comprendre l’ampleur des effets de la COVID-19 sur la santé publique.

 

Certaines de nos conclusions sont conformes aux récits dominants de l’impact de la COVID-19, d’autres suggèrent des endroits où une élaboration plus nuancée des politiques peut influer sur la manière dont les effets de la COVID-19 pourraient être répartis dans la société.

 

Nos résultats confirment que l’impact de la COVID-19 sur la mortalité est important, non seulement en termes de nombre de décès, mais aussi en termes d’années de vie perdues. Alors que la majorité des décès surviennent à des âges supérieurs à 75 ans, justifiant des réponses politiques visant à protéger ces âges vulnérables, nos résultats sur la structure par âge appellent à une plus grande sensibilisation à l’élaboration de politiques protégeant également les jeunes.

 

La différence entre les sexes en termes d’années de vie perdues s’explique par deux éléments : les hommes sont plus nombreux à mourir de la COVID-19, mais ils meurent aussi à un âge plus précoce, avec plus d’années de vie potentielles perdues que les femmes. En maintenant constante la répartition actuelle des décès par âge, l’élimination de la différence entre les sexes en matière d’AVP nécessiterait en moyenne une réduction de 34 % du nombre de décès chez les hommes ; cela suggère que des politiques spécifiques au sexe pourraient être tout aussi bien justifiées que celles fondées sur l’âge.

 

Disponibilité des données

 

Tous les codes et données de l’étude sont entièrement reproductibles et disponibles dans le référentiel Open Science Framework (OSF) suivant : https://osf.io/5j9nc/?view_only=48f0f69952814e3a8e967370e7b50954.

 

Source: Les Crises

 

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