· 

Constitution : le gouvernement abandonne son référendum sur l’environnement

Emmanuel Macron l’avait promis aux membres de la Convention citoyenne pour le climat, mais la préservation de l’environnement n’apparaîtra pas dans la Constitution. Le Premier ministre a annoncé le 6 juillet l’échec de ce projet de réforme, car les parlementaires n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur une formulation.

C’était inévitable. Mardi 6 juillet, le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé que la réforme constitutionnelle, censée inscrire la « préservation de l’environnement » à l’article 1er de la Constitution via un référendum, n’aurait pas lieu. Il s’agissait d’une des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, qu’Emmanuel Macron s’était pourtant engagé à mettre en œuvre en décembre 2020.

Mais voilà, députés et sénateurs n’auront pas réussi à se mettre d’accord. Pour qu’une révision constitutionnelle soit soumise à référendum, elle doit être approuvée dans les mêmes termes par les deux chambres du Parlement. La version initiale proposée par les 150 membres de la Convention citoyenne prévoyait d’ajouter à l’article 1er «  [La France] garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ».

Du début jusqu’à la fin, Les Républicains (LR) ont refusé en bloc cette formulation. Ils se sont fondés sur un avis du Conseil d’État qui estime que l’expression « garantit la préservation » « imposerait aux pouvoirs publics une quasi-obligation de résultat ». Soit des responsabilités « plus lourdes et imprévisibles » que celles du devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement — un devoir affiché à l’article 2 de la Charte de l’environnement, qui fait déjà partie du « bloc de constitutionnalité ». [1]

« Nous ne voulons pas du verbe “garantir”, parce qu’il a pour effet de censurer […] la recherche, la science et l’innovation, à un moment où il est nécessaire d’être agile et réactif », avait affirmé le député Marc Le Fur (LR) lors du premier passage du texte à l’Assemblée nationale, en mars 2021. Les députés (dont la majorité appartient à La République en marche) avaient voté le texte en première lecture, mais les sénateurs (à majorité Les Républicains) avaient remplacé le verbe « garantit » par « préserve », et avaient préféré l’expression « agit contre » à « lutte ».

« Une des plus belles mesures de la Convention citoyenne pour le climat tombe sous un énième filtre politique »

Le texte de loi était donc revenu en juin 2021 en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Les députés avaient alors concédé l’expression « agit contre », et maintenu le verbe « garantit ». Lundi 5 juillet, refusant cette « main tendue », comme l’a qualifiée Jean Castex, les sénateurs ont voté pour la formulation suivante : «  [La France] agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004. »

« Le gouvernement regrette tout en le respectant le vote émis par le Sénat hier sur ce sujet extrêmement important », a déclaré le Premier ministre le 6 juillet, à l’Assemblée nationale, au détour de la traditionnelle séance de questions au gouvernement. Sous les cris des députés, il a ensuite annoncé que « ce vote [mettait] un terme au processus de révision constitutionnelle […] indispensable à notre pays ». Et d’ajouter : « C’est profondément regrettable mais le combat continue et cette majorité prend ses responsabilités, celle d’une écologie exigeante, responsable, celle d’une écologie de la croissance, d’une transition écologique négociée les yeux ouverts, soucieuse d’accompagner d’aider nos concitoyens et non pas de les punir ou les contraindre. »

 

Une position qui n’est pas partagée par tout le monde. « Aujourd’hui, une de nos plus belles mesures de la Convention citoyenne pour le climat tombe sous un énième filtre politique. Pendant ce temps, les océans et les forêts brûlent », a commenté sur Twitter William Aucant, un ancien membre de la Convention. « Face à l’absence de volonté des Républicains d’agir pour le climat, le gouvernement ne s’est pas donné les moyens de faire aboutir cette réforme pourtant essentielle », a aussi twitté le député écologiste (non inscrit) Matthieu Orphelin.

 

Aux yeux de nombreux juristes, cette révision constitutionnelle était surtout symbolique, puisque la « préservation et l’amélioration de l’environnement » figure déjà dans le bloc de constitutionnalité à travers l’article 2 de la Charte de l’environnement. « C’est la fin ultraprévisible du mauvais feuilleton d’une procédure inutile, a dénoncé dans un tweet l’avocat Arnaud Gossement. Il est temps de redécouvrir la Charte de l’environnement qui a déjà placé l’écologie dans la Constitution depuis 2005. [C’est] un texte bien rédigé qui ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. »

Source: Reporterre

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0