REPORTAGE. Sur un terreau rouge, « le discours de Mélenchon résonne » dans les monts d’Arrée

 

« Les habitants qui vivent ici ne sont pas satisfaits de l’issue du premier tour, qui débouche sur un duel Macron contre Le Pen. Historiquement, ça a toujours voté à gauche et communiste, c’est comme ça. C’est une commune où les personnes sont très tolérantes, plus qu’ailleurs », livre Malcolm, gérant du bar « L’Hermine » à Huelgoat, dans le Centre Finistère. Le village est situé au pied des monts d’Arrée.

Cette terre n’est pas choisie par hasard par ses habitants. « Ce sont d’anciennes terres rouges. C’est un territoire pauvre, qui attire des gens à la recherche d’une autre façon de vivre, avec de l’espace, avec la nature. Parfois aussi, avec des façons de vivre alternatives. Le discours de Mélenchon résonne », analyse Anne Rolland, maire de Brasparts. Aux élections départementales et régionales, les communes des monts d’Arrée avaient voté Verts. Cette année, à Saint-Rivoal, Mélenchon culmine : 54,4 % au premier tour. « Un vote d’adhésion aux idées de la gauche mais la crainte de voir l’extrême droite au second tour a clairement favorisé le “vote utile” et raflé des voix à Jadot », analyse le maire Mickaël Toullec.

Ces communes des montagnes partagent un quotidien au ralenti : peu d’habitants, peu d’entreprises. Dans le bourg de La Feuillée, seul le bruit des moteurs des voitures semble déranger. Les vieilles pierres des maisons et leurs toits d’ardoises épaisses forment un paysage typique. Le bar du village « Ô Temps libre » n’est pas encore ouvert. Il faut repasser vers 16 h. « C’est le rythme de vie ici, un peu à temps partiel », glisse Dominique, 58 ans, sur le pas de sa porte. Pas de commerce en dehors de ce café, pas de médecin, ni de pharmacie.

Pour lui, au premier tour, « ça n’était ni Macron, ni Le Pen ». Dans la commune, plus de 37 % des électeurs ont voté pour Jean-Luc Mélenchon.

Le moniteur éducateur vit depuis trente ans dans le village. « Je pensais qu’on allait repartir sur un volet plus social et écolo. Le score pour Mélenchon au premier tour ne m’a pas étonné. On vit à la campagne. L’esprit collectif est toujours présent ici, par rapport à la société qui est devenue individualiste », développe-t-il.

 

Un quartier surnommé « La Petite Sibérie »

 

À quelques mètres de chez lui, un quartier était surnommé pendant la Seconde guerre mondiale, la « Petite Sibérie ». Deux militants communistes y auraient trouvé refuge après avoir échappé à la déportation. Cette histoire liée au communisme a son importance. Encore aujourd’hui. « Les communistes étaient fiers de présenter un candidat cette année. Beaucoup m’ont dit qu’ils étaient pro-Roussel mais finalement, le vote utile l’a emporté », affirme le maire de Berrien, Hubert Le Lann.

 

Pour Josiane, 55 ans, Jean-Luc Mélenchon « a aspiré le vote de gauche dans les monts d’Arrée ». Cette ancienne éducatrice spécialisée a sa propre crêperie ambulante. Elle habite Botmeur depuis 25 ans. « Beaucoup de jeunes qui viennent s’installer votent à gauche. C’est un vote de résistance. Il y avait un truc à tenter pour ne pas se retrouver avec le même second tour », dit-elle en retournant sa crêpe sur sa billig.

 

Elle n’ira pas voter et ne fera pas « barrage à l’extrême droite » une nouvelle fois, comme en 2002 lorsqu’elle avait voté Chirac, à contrecœur.

 

« Personne ne fait attention aux ouvriers »

 

À quelques kilomètres, à Brennilis, 29,7 % d’abstention, le candidat de LFI est au coude-à-coude avec Marine Le Pen : 63 voix pour lui et 61 pour elle. Daniel, 66 ans, retraité, et Marco, 57 ans, ancien marin de commerce, donneront leur voix à l’extrême droite. « Personne ne fait attention aux ouvriers qui gagnent 1 000 € par mois, encore moins Macron, un banquier. J’ai toujours voté Le Pen. De toute manière, je n’ai rien à perdre en votant pour elle ».

 

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Michel, 64 ans, arrivé en décembre, est franchement indécis. « Je ne sais pas pour qui voter. C’est la première fois que ça m’arrive ». L’abstention sera-t-elle l’option de ces habitants au second tour ?

 

Billet : Berrien, la résistante

 

À Berrien, on disait que les communistes étaient enterrés en passant par l’église. Des rouges, mais qui prenaient une assurance pour l’au-delà, au cas où. Dans les monts d’Arrée, la commune incarne cette tradition de conflit entre l’Église et les Républicains, à la fin du XIXe. Peu peuplées, loin des centres de décisions de l’administration, ces terres de l’Arrée ont cultivé un fort esprit d’indépendance.

 

Un esprit rebelle peut-être ? Un des villages de Berrien, Trédudon-le-Moine, perché sur le versant sud de la ligne de crête a reçu le titre de « premier village résistant de France » à la Libération. De 1947 à 1977, le maire François Plassard a sa carte au PCF. Daniel Créoff qui lui succède adhère aussi au PCF puis glisse au PS. En 2008, la maire, Marie-Pierre Jaouen porte l’étiquette Front de gauche, comme Paul Quéméner, maire de 2014 à 2020. Hubert Le Lann, l’actuel premier magistrat de Berrien, a parrainé Fabien Roussel, le candidat du PCF. Si toutes les communes de l’Arrée ne se parent pas de ce rouge vermillon, elles ont en commun un esprit de fronde.

 

Christian GOUEROU.

REPORTAGE. Sur un terreau rouge, « le discours de Mélenchon résonne » dans les monts d’Arrée

Source: Ouest France

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