« Macron ne connaîtra pas d’état de grâce » : à Montpellier, les Insoumis déjà mobilisés

 

Montpellier (Hérault), reportage

20 heures, la tête d’Emmanuel Macron emplit l’écran télévisé. Dans la salle surchauffée du café Novelty à Montpellier, un murmure de soulagement parcourt l’assistance. Aussitôt couvert par un cri, repris en chœur : « Mélenchon Premier ministre ! » Ce dimanche 24 avril, l’humeur n’est ni à la fête, ni à la défaite parmi les militants de l’Union populaire de Montpellier. « C’est maintenant que la bataille commence », lance l’un d’eux.

Car si le président sortant vient d’être réélu, avec 58,54 % des voix, face à Marine Le Pen (41,46 %), les partisans de Jean-Luc Mélenchon espèrent « l’empêcher de mener son projet néolibéral », comme l’explique Sophie : « Si nous parvenons à faire élire une majorité de députés en juin, Macron sera obligé d’accepter un gouvernement insoumis, précise-t-elle. Il a gagné le match aller, on peut gagner le match retour. » La quinquagénaire, « de toutes les manifs, mais jamais encartée », a ainsi décidé de rejoindre le groupe local de l’Union populaire à l’issue du premier tour, « pour bloquer Macron ».

Des militants de l’Union populaire regardent les résultats dans un bar à Montpellier, le 24 avril 2022. © David Richard/Reporterre

Un sentiment largement partagé parmi la trentaine de militants réunis ce soir. À peine les résultats proclamés, que ce second tour « douloureux » est déjà derrière eux. Tous ont en ligne de mire les élections législatives des 12 et 19 juin. Montpellier est la métropole où Mélenchon a obtenu son meilleur score, 40,73 % des voix le 10 avril dernier ; la ville compte actuellement une députée insoumise, Muriel Ressiguier [1], mais pourrait envoyer plusieurs élus à l’Assemblée nationale en juin prochain.

Des militants de Mélenchon regardent sa déclaration dans un bar à Montpellier, le 24 avril 2022. © David Richard/Reporterre

« Mélenchon Premier ministre »

« On a perdu de peu au premier tour, mais on était si proches que ça donne de l’espoir et l’envie de se battre, sourit Alexia Laforge, du collectif municipaliste montpelliérain Nous Sommes, et membre du Parlement de l’Union populaire. Ce n’est pas le moment de se démobiliser, au contraire. La seule bataille de perdue, c’est celle qu’on ne mène pas. »

À ses côtés, un petit groupe recycle des affiches de la campagne qui s’achève ; au verso, ils inscrivent au feutre rouge des slogans évocateurs : « Pour un Smic à 1 400 euros, Mélenchon 1er ministre », « Pour une VIe République, votez l’Union populaire ». Plus personne ne prête attention à l’émission télévisée. Et tandis que Marine Le Pen se félicite de son score — le plus haut de l’extrême droite à une élection présidentielle —, les sympathisants insoumis entament un « On est là, on est là, même si Macron ne veut pas, nous on est là » tonitruant.

« Mélenchon à Matignon », lit-on sur une affiche. © David Richard/Reporterre

Silence en revanche quand Mélenchon prend la parole, quelques minutes plus tard. « Monsieur Macron est le plus mal élu des présidents de la Ve République, commence le leader insoumis. Il surnage dans un océan d’abstention, de bulletins blancs et nuls. » Ce dimanche, 26,64 % des électeurs ne sont pas allés voter : il s’agit d’un des taux d’abstention les plus élevés à un scrutin présidentiel [2].

Confortant les militants dans leur énergie combative, le candidat déçu exhorte ensuite ses électrices et électeurs à se mobiliser pour « le troisième tour », celui des législatives. « La démocratie peut nous donner massivement le moyen de changer de cap, insiste-t-il. Un autre monde est encore possible si vous élisez une majorité de la nouvelle Union populaire. » Et de conclure, sous les applaudissements de l’assemblée montpelliéraine : « À toutes et à tous, je dis : “Ne vous résignez pas ! Au contraire ! Entrez dans l’action, franchement, massivement”. »

Après les résultats, les militants de Mélenchon s’apprêtent à coller des affiches pour les législatives. © David Richard/Reporterre

« Les législatives, c’est une nouvelle opportunité »

Regard pétillant et sourire enthousiaste, Léa se dit « prête à repartir en campagne » : « Pour moi, c’est un remède contre l’écoanxiété », observe la trentenaire, membre de Nous Sommes. Comme la plupart des militants rencontrés ce dimanche, elle a vécu la vive déception du premier tour, l’inquiétude face à une possible victoire de Le Pen, la réticence — « et même la nausée » — à l’idée de voter Macron... ce qu’elle a finalement fait.

Cette soirée vient donc ouvrir une nouvelle page. « La campagne nous a donné un élan, donné l’espoir que les choses changent d’en haut, mais aussi un sentiment de gâchis, quand on voit qu’une immense majorité de gens ne voulaient ni de ce second tour, ni de ce résultat, résume-t-elle. Les législatives, c’est une nouvelle opportunité, une porte d’issue, une chance pour réintéresser les gens à la politique. »

Après les résultats, les militants de Mélenchon préparent des affiches à coller. © David Richard/Reporterre

Sans attendre le discours d’Emmanuel Macron — « On le connaît déjà, et on va faire que l’entendre pendant les cinq prochaines années » —, Léa rejoint un groupe de colleurs d’affiches. Brosse et seau de colle en main, ils se dirigent vers l’école la plus proche. En quelques minutes, ils recouvrent les panneaux électoraux de slogans.

Plusieurs affiches ont été collées dans les rues de Montpellier, le 24 avril 2022. © David Richard/Reporterre

Melwan étale de la colle sur son poster qui indique « Entre Macron et Le Pen, un autre monde est possible » ; il vient tout juste de rejoindre l’Union populaire : « Si on ne veut pas encore vivre ce qu’on a déjà vécu, l’inaction climatique, les violences policières... c’est maintenant ou jamais qu’il faut se mobiliser », explique le jeune homme. À ses côtés, Sophie s’applique pour fixer une pancarte où l’on peut lire « On coupe le son... et on re-Mélenchon », référence détournée au tube de Philippe Katerine.

© David Richard/Reporterre

Pendant ce temps, à plusieurs centaines de kilomètres, sur le Champ de Mars à Paris, le président réélu remercie « l’ensemble des Françaises et Français qui au premier et au second tour [lui] ont accordé leur confiance afin de faire advenir une France plus indépendante, une Europe plus forte, et par des investissements et des changements profonds ».

Plusieurs affiches ont été collées dans les rues de Montpellier, le 24 avril 2022. © David Richard/Reporterre

À celles et ceux qui ont fait barrage à l’extrême droite avec un bulletin à son nom, Emmanuel Macron se dit « obligé par leur vote pour les années à venir », et promet une « méthode refondée » pour gouverner la France, assurant que « nul ne sera laissé au bord du chemin ». « Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève », assure-t-il enfin.

© David Richard/Reporterre

À Montpellier, ces paroles laissent les Insoumis de marbre. « Macron, c’est un caméléon, il dit à chacun et chacune ce qu’ils veulent entendre, et il mène sa politique néolibérale “quoi qu’il en coûte”, dénonce Léa. Ce qui me rassure, c’est que cette fois-ci, il ne connaîtra pas d’état de grâce au début de son quinquennat. On va tout de suite lui tomber dessus. »

 

Source; Reporterre

 

 


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